Avant d’accorder une liberté provisoire à un accusé, un juge doit analyser trois critères. C’est ce qu’a fait le juge André Vincent avant de permettre à Guy Turcotte, accusé du meurtre de ses deux enfants, de quitter le centre de détention de Rivière-des-Prairies.
Le jugement, qu’il a lu vendredi matin au Palais de justice de Saint-Jérôme, fait 18 pages. En voici l’essentiel.
Critère 1 : L’accusé se présentera-t-il à son procès ?
Rien n’indique que Guy Turcotte ne se présentera pas à son procès en septembre 2015. Il s’est constitué prisonnier le jour même où la Cour d’appel a ordonné la tenue de ce nouveau procès.
La Couronne a fait valoir que Guy Turcotte risquait de mettre fin à ses jours si on le libérait. Il a en effet souffert d’une dépression majeure, l’hiver dernier, et a eu des idées suicidaires. Mais le juge a rejeté cet argument, estimant que «sa médication est suffisamment efficace pour presque neutraliser cette éventualité». Guy Turcotte est effectivement rétabli, continue de se soumettre à une psychothérapie et prend un cocktail de deux antidépresseurs et un antipsychotique.
Et s’il cessait de prendre sa médication ? Le juge estime que ce serait alors à la Cour d’émettre une ordonnance de soins en vertu d’une autre loi (la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui).
Critère 2 : L’accusé représente-t-il un danger pour le public ?
La dangerosité de Guy Turcotte n’a pas fait l’objet de débat en cour. Le psychiatre Louis Morissette a témoigné en faveur du prévenu, affirmant que les risques pour la société sont très faibles.
La Couronne n’a pas présenté d’expert contredisant cette opinion.
Critère 3 : La libération de l’accusé minera-t-elle la confiance du public envers la justice ?
Pour le juge Vincent, c’était le nœud du problème. Lors de leur plaidoirie, les procureurs de la Couronne, Me Maria Albanese et Me René Verret, ont insisté sur le fait que la confiance du public avait été fortement ébranlée par l’affaire Turcotte. «On n’imagine pas de cas plus exemplaires pour appliquer une détention préventive», a dit Me Verret, avant de rappeler les circonstances sordides du drame.
Pour prendre sa décision, le juge Vincent a soupesé plusieurs éléments mentionnés à l’article 515 du Code criminel (celui portant sur la liberté provisoire), surtout la question suivante : «L’accusation paraît-elle fondée ?»
À ce propos, la preuve de la Couronne est «accablante», reconnaît d’entrée de jeu le juge Vincent. Guy Turcotte a en effet admis qu’il avait poignardé ses enfants.
Cependant, rien n’empêche Turcotte de présenter à nouveau une défense de troubles mentaux au moment de son second procès. Il pourrait aussi présenter ce qu’on appelle une défense d’intoxication, c’est-à-dire reconnaître qu’il a volontairement bu le méthanol, mais faire valoir que les gestes qui ont suivi n’étaient pas intentionnels. Il serait alors reconnu coupable d’homicide involontaire.
Le juge estime que ce sera au jury du procès de se prononcer là-dessus, pas à lui.
À ce sujet, le juge rappelle qu’il ne faut pas confondre les principes guidant la mise en liberté provisoire et ceux qui guideront le futur procès.
Il cite deux affaires récentes mettant en cause des mères accusées d’avoir tué leurs enfants.
Adèle Sorella a été reconnue coupable en 2013 du meurtre de ses deux filles, trouvées mortes dans la salle de jeu de la maison familiale à Laval, alors qu’elle-même était introuvable. Cathie Gauthier, cette mère du Saguenay qui avait fait un pacte de meurtre-suicide avec son conjoint, a aussi été reconnue coupable du meurtre de ses trois enfants.
Pourtant, ces femmes ont toutes deux retrouvé leur liberté dans l’attente de leur procès.
La jurisprudence présentée par Me Pierre Poupart, l’avocat de Guy Turcotte, a retenu l’attention du juge Vincent. «Face aux criminels ou aux criminels en puissance, une large partie du public canadien adopte souvent une attitude négative et parfois passionnée, a écrit le juge Beaudoin dans un jugement rendu en Cour d’appel en 1990. (…) Cette perception, presque viscérale face au crime, n’est sûrement pas celle sur laquelle le juge doit se fonder pour décider de la remise en liberté».
La Charte des droits
Le juge Vincent rappelle que l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à tout inculpé «le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable».
Bref, la mise en liberté avant le procès doit être la règle et non l’exception. Gilles Turcotte, le frère de l’accusé, a accepté qu’un acte d’hypothèque judiciaire de 100 000 dollars sur sa maison soit déposé en garantie.
Le procureur de la Couronne, Me René Verret, a fait savoir qu’il étudierait le jugement en profondeur avant de déterminer s’il irait en appel de cette décision.
Le procès de Guy Turcotte aura lieu en septembre 2015.
Je me demande si, outre les jurisprudences, le juge aurait la même ligne de pensée si il faisait face aux assassins de ses enfants. La Charte est beaucoup trop large et permissive pour les criminels. On devrait la revoir au complet et y apporter des modifications qui restreindraient certaines »libertés » qui sont purement inadmissibles.
Écrire « les jurisprudences » et essayer de faire croire à une connaissance suffisante du monde juridique pour en juger la qualité. J’ai ri.
Laisseriez vous des explosifs libre et a la portée de tous? Moi je ne le ferais pas de la même façon que je m’assure de barrer mon
armoire a arme soit barrer a double tour, même si je sais que ce n’est pas l’arme qui tue.
Avec tout le respect qu’on peut avoir pour le juge Vincent, son raisonnement sur le 3ième critère ne tient pas la route. D’abord, ce critère a été rajouté il y a quelques années aux 2 premiers pour justement permettre aux juges de décider de la libération avant procès d’un accusé lorsque les 2 autres critères ne justifient pas la détention préventive mais que l’élargissement de l’accusé déconsidérerait l’administration de la justice. C’est justement ce qui se passe dans l’affaire Turcotte. L’article ne dit pas si la jurisprudence citée remonte avant ou après les amendements au Code criminel mais on parle d’un jugement du juge Beaudouin de la Cour d’appel de 1990 qui précède l’amendement en question qui permet l’incarcération sous le 3ième critère.
La faille principale dans le raisonnement du juge c’est que l’accusé a été reconnu responsable de la mort de ses enfants – il n’a pas été acquitté. Il a été détenu pendant plusieurs mois en institution psychiatrique suite à un verdict de non responsabilité criminelle à cause de troubles mentaux mais sa responsabilité comme auteur de l’assassinat de ses enfants n’a fait aucun doute pour les jurés. On ne peut comparer cette cause avec les autres où l’accusée nie entièrement sa culpabilité.
Le juge admet même que les verdicts possibles incluent tous la responsabilité physique de l’accusé dans la mort de ses enfants et ce qui restera à déterminer par le jury c’est de savoir son degré de responsabilité mais dans tous les cas il se verra imposer une peine ou un renvoi en institut psychiatrique – selon le juge l’acquittement ne fait pas partie des probabilités. Donc, si on suit son raisonnement, dans tous les cas où un accusé sera éventuellement jugé, il ne pourrait être détenu en prévention car ce n’est pas le rôle du juge qui préside une requête de mise en liberté de déterminer de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé mais au juge ou au jury selon le cas.
S’il est parfaitement vrai que la présomption d’innocence impose le fardeau à la poursuite de démontrer qu’un individu devrait être détenu en attente de procès, ici on parle d’un individu qui a déjà subi un procès et où sa responsabilité physique dans la mort de ses enfants a été reconnue – on ne parle pas d’un cas où on plaide l’innocence. Je crois que le juge a confondu les circonstances et n’a pas tenu suffisamment compte de fait que l’accusé avait déjà été jugé et que la Cour d’appel a reconnu que le juge de première instance avait commis des erreurs suffisantes pour justifier la tenue d’un nouveau procès à la demande de la poursuite qui continue de prétendre qu’il est coupable de meurtre. La caution de 100 000$ est risible dans les circonstances car elle suggère qu’un accusé fortuné a plus de chances d’être remis en liberté provisoire que celui qui est démuni – une justice à 2 vitesses basée sur la richesse…
En d’autres termes, le jugement du juge Vincent rend ce 3ième critère de l’article 515 virtuellement inopérant car il y a peu de cas où une mise en liberté provisoire serait aussi susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
Pourquoi faudrait-il laisser en liberté un individu qui a déjà reconnu avoir commis le crime?
Si Guy Turcotte est reconnu criminellement responsable lors du deuxième procès, il aura alors purgé une partie de sa sentence. Il en lui restera moins à purger et l’opinion publique s’en réjouira.
Si au contraire il est à nouveau reconnu non criminellement responsable, alors sa détention d’un an aurait au moins servi de « purgatoire » avant de recouvrer sa liberté. Il a tout de même reconnu avoir commis le crime et devrait en pâtir un peu.
Comment fait-on pour expliquer aux enfants qui demeurent autour de sa nouvelle résidence que ce monsieur a tué ses 2 enfants et qu’il se promène sur la rue près d’eux?
Il n’y a aucun doute, il a admis lui-même les faits
Peu importe le niveau de colère de chacun, peu importe les folies que tous et chacun ont pu faire lorsqu’ils eurent à vivre une période dramatique de leur vie, lui il a tué, il a tué, c’est quand même pas rien…
Le procès initial était une blague. Encore plus le verdict rendu.
En revanche, je lève mon chapeau au jury du moment. Comme l’a écrit le juge Beaudoin ; «une large partie du public canadien adopte souvent une attitude négative et parfois passionnée». La tourmente qui tourne autour de la décision de libération provisiore en témoigne d’ailleurs.
«Il pourrait aussi présenter ce qu’on appelle une défense d’intoxication, c’est-à-dire reconnaître qu’il a volontairement bu le méthanol, mais faire valoir que les gestes qui ont suivi n’étaient pas intentionnels. Il serait alors reconnu coupable d’homicide involontaire.» Cette phrase dit tout… Je ne comprends pas pourquoi je la lis seulement des années plus tard…
Pourquoi la gravité du crime commis n’entre pas en ligne de compte? C’est mal fait ce système. La confiance du public et des journaliste est minée, c’est asez clair il me semble. Pourtant, M. le juge votre honneur n’a pas compris: Il me semble que c’est très facile à comprendre.
Il y avait place au jugement et à l’humanité au 3 ème critère et c’est là où M. le juge n’a pas eu un bon jugement. C’est sur ce point qu’il avait un jugement à faire. Dommage pour un juge, de manquer de jugement.
Je pense que l’avocat Poupart est un personnage imposant, et le juge votre honneur s’est laissé impressionné par cet avocat…d’ailleurs il faut être très fortuné pour pouvoir se payer un tel avocat…Vous pensez que cela fait une très bonne impression du public à propos de notre système de justice M. le juge. Voilà le résultat de votre décision M. le juge votre honneur:
IMPRESSION DU PUBLIC=Tu peux t’en sauver avec beaucoup d’argent
et ce n’est pas qu’une impression, on comprend que c’est une réalité maintenant.
N’est-ce pas miner la confiance du public envers la justice?
On comprend très bien la frustration énorme des victimes ( famille Gaston) C’est regrettable
tout ce qui se passe dans ce dossier. Quoiqu’il en soit, Turcotte doit vivre avec les conséquences de ses gestes
et son auto-critique ne semble pas très juste. La »justice suit son cours ».
La question:
Le geste de Turcotte n’était-il pas un geste de vengeance?
Il en était un de rage en tout cas.
Et la justice devient protectrice et douce envers cet être qui a commis des
crimes sordides. C’est décevant.