Olivier Niquet a étudié en urbanisme avant de devenir animateur à la radio de Radio-Canada en 2009 dans les émissions Le Sportnographe et La soirée est (encore) jeune. Il est aussi chroniqueur, auteur, conférencier, scénariste et toutes sortes d’autres choses. Il s’intéresse particulièrement aux médias mais se définit comme un expert en polyvalence.
On souligne ces jours-ci le premier anniversaire du convoi des camionneurs qui allait occuper le centre-ville d’Ottawa pendant environ trois semaines pour protester contre les mesures sanitaires. De nombreux participants y voient maintenant un grand moment de l’histoire canadienne qui aura forcé les gouvernements à plier et à mettre fin aux restrictions covidiennes du tyran Justin Trudeau (je n’exagère même pas).
Je comprends ces gens d’avoir été galvanisés par ce projet carburant à la fois au diésel et aux mensonges, à un moment où il restait très peu de choses auxquelles s’accrocher. Comme l’a déjà dit Pouchkine, « à une vérité ténue et plate, je préfère un mensonge exaltant ». (En passant, je n’ai jamais lu Pouchkine, mais pour vous faire vivre quelque chose d’exaltant, je suis capable de faire semblant que oui.)
Je soupçonne que l’on sous-estime l’excitation de faire partie d’un groupe dont les idéaux sont de libérer le peuple du joug d’un despote manipulé par un ordre mondial, peu importe que la menace soit réelle ou non. L’excitation de partager des informations, qu’elles soient fausses ou « très pas fausses », comme l’a dit un des manifestants, entre personnes convaincues du bien-fondé de leur aventure est compréhensible. Moi-même il m’arrive de me faire croire que je participe à l’avancement de la société afin d’oublier la monotonie de ma vie rangée.
Il est plus facile de se convaincre de sa pertinence lorsqu’on restreint son entourage à des gens qui pensent la même chose que soi. Je lisais cette semaine dans La Presse les témoignages des têtes d’affiche du mouvement des camionneurs, ils disaient avoir reçu d’innombrables messages de sympathisants les remerciant pour leur dévouement. Une reconnaissance sans doute sincère. Je ne doute pas que le mouvement ait fait du bien à plusieurs personnes prises dans un marasme pandémique. Cela ne veut pas dire que leur combat était vertueux et que ces messages ne relèvent pas de l’anecdote.
Cette vague d’amour peut donc aussi mener à une mauvaise évaluation du contexte. C’est-à-dire que ces têtes d’affiche réduisent le contexte à leur gang et l’extrapolent à la société entière. À force de se crinquer entre eux, ils ont perdu le contact avec la réalité. Les manifestants étaient au plus quelques milliers et avaient l’appui d’un maigre pourcentage de la population canadienne. L’exubérance de leur déploiement a contribué à donner une ampleur artificielle à la chose. Des camions, ça prend de la place. De quoi donner l’impression à plusieurs participants et à quelques observateurs que le mouvement était énorme.
Ces gens sont donc parvenus à se faire croire qu’ils étaient sortis gagnants de l’exercice. Mais ce n’est pas le citoyen exaspéré par les mesures qui a récolté le plus de bénéfices de la manifestation. Des leaders, mal intentionnés ou pas, ont aussi récolté beaucoup d’argent chez de pauvres gens qui croyaient à une cause basée sur des prémisses douteuses et perdue d’avance. Si la contestation des restrictions sanitaires est totalement légitime, les raisons invoquées pour nier leur utilité ne l’étaient pas toujours.
Il y a aussi des politiciens qui ont capitalisé sur le mouvement. Le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, est de ceux-là. Dans Mad Max, en direct sur YouTube, une émission qu’il produit pour éviter les présumés biais médiatiques (et qui, je l’espère, obtiendra quelques nominations au prochain gala des Gémeaux), il a déclaré la victoire de ce mouvement qui « avait la science de son côté » et qui a « poussé les gouvernements provinciaux à agir et laisser tomber leurs mesures ».
À ceux qui lui disent que ça n’a pas été politiquement payant de s’associer au mouvement, il répond que, au contraire, se tenir debout pour ses idées était payant parce qu’il a « montré aux gens que peu importe si nos prises de position sont populaires ou pas, on fait de la politique basée sur nos convictions ».
Pourtant, un récent sondage Léger ne lui conférait qu’un maigre 1 % des intentions de vote au Canada. De plus, le quotidien Le Droit rapportait cette semaine que « selon les rapports d’Élection Canada, le Parti populaire avait reçu 704 226 $ de la part de 6 446 donateurs durant le trimestre se terminant en décembre 2021. Un an plus tard, il en recevait 20 000 $ de plus, avec 5 851 donateurs ». Pas de quoi pavoiser. Mais probablement de quoi faire vivre un parti. Harnacher l’exaltation d’une certaine frange de la population peut être un modèle d’affaires viable pour un politicien.
Prendre position sur des enjeux controversés n’est peut-être pas payant à grande échelle, mais permet de s’insérer dans le débat public, de faire mousser sa notoriété dans certains cercles, de vendre des t-shirts et de solliciter des dons.
Les idées véhiculées (en dix-huit roues) par ce convoi auront fait cadeau à plusieurs d’une belle liberté financière.
Il y a tellement de raccourcis que ce résumé de la situation est inutile et n’ ajoute rien mais nourri L’exaltation. J’attends l’analyse sérieuse. Si il y a une partie de la population tellement insatisfaite je veux savoir pourquoi et qu’est-ce qu’on peut faire. Plutôt que de croire à un quasi culte d’illuminés. « Cela ne veut pas dire que leur combat était vertueux et que ces messages ne relèvent pas de l’anecdote ». Ça sonne comme un préjugé. On ne dirait jamais il y a un petit pourcentage de la population dans cette minorité visible donc leurs doléances ne sont pas légitimes! Depuis quand la vertu appartient à un groupe parce qu’il est majoritaire ou du moins c’est l’impression que cet article me donne! C’est facile et paresseux intellectuellement
» Cela ne veut pas dire que leur combat était vertueux et que ces messages ne relèvent pas de l’anecdote » … Je ne crois pas que vous saisissiez l’essence de cette phrase comme il se doit.
Je crois que, ce que M. Niquet voulais dire (SVP corrigez-moi si je suis « dans le champ gauche »), c’est que les messages envoyés par les sympathisants de la manifestation, bien que sincères, ne reflètent pas nécessairement une opinion ou une réalité partagée par la majorité des Canadiens (ne reflète pas la norme), mais sont plutôt des messages qui reflètent une situation inhabituelle ou très singulière (d’où le côté anecdotique de ceux-ci).
De plus, cette manifestation, vue la manière dont elle s’est déroulée, ne permet pas de dire que nous vivions un soulèvement de la part d’irréductibles bienfaiteurs venus protester dans le but de rectifier un tord immoral et irréparable commit par notre gouvernement et agissant pour le bien de tous (d’où la mise en doute du côté vertueux de celle-ci).
Ces gens manifestaient pour la liberté !
Alors , je dirais allez voir les cimetières militaires en Europe .
Ou prenez le cas des ukrainiens , ils défendent leur liberté et la liberté , au prix du sang.
Vous êtes en train de comparer des pommes et des bananes. Les mesures sanitaires et la gouvernance par décret ont, sans équivoque, limités certaines de nos libertés individuelles. Par contre, comparer cette manifestation au combat du peuple Ukrainien ou à la deuxième guerre mondiale, c’est exagéré.
Je suis moi-même très critique envers les décisions prisent par nos gouvernement durant la pandémie, mais je n’ai jamais osé penser que nous avions basculé dans la dictature et le totalitarisme.
De toute façon, là n’est pas le fondement de l’article. Au final, cet article nous ouvre les yeux sur le fait que certaines personnes, durant la pandémie, ont saisies l’occasion de surfer sur la vague de « la grogne populaire » pour se bâtir un capital politique et/ou financier sur le dos de citoyens qui en avaient tout simplement raz-le-bol des restrictions et qu’elles ont utilisées le mécontentement d’une partie de la population pour donner une légitimité à leurs propos et leurs actions sans que cette même partie de la population ne puisse y trouver un réel avantage ou bénéficier de quoique se soit en retour.
Les gouvernements l’ont bien cherché! D’abord, après les pandémies précédentes, un rapport leur avait été soumis pour prévoir les mesures à prendre pour se protéger de la prochaine pandémie, rapport que les politiciens ont tabletté et ignoré. Le désastre était prévisible et le choc subi par la population a certainement contribué à cristalliser le sentiment que les politiciens étaient véreux et à la solde des oligarques (ici, facile, les pharmaceutiques).
Tout cela dans le contexte où un vote ne vaut pas grand chose car un parti politique peut prendre le pouvoir avec moins de 40% des votes des électeurs et régner par décret mais, selon un certain premier ministre, les gens ne se battent pas dans les autobus pour le mode de scrutin. Non, c’est vrai mais les gens songent à cette situation et ça en rajoute à leur frustration qui peut éclater à l’occasion d’une pandémie.
Ce n’est pas tout, on se fait dire à cœur de jour que nous sommes en train d’empoisonner notre maison, notre environnement avec nos énergies fossiles à usage débridé et que font les politiciens? On a un PM Trudeau qui achète un pipeline! On a des gouvernements qui subventionnent les énergies fossiles à coup de milliards de dollars de NOS taxes et impôts. On reste bouche-bée!
Alors, se faire dire quoi faire par décret avec en prime de l’âgisme contre les «vieux de 70 ans et plus» était la mèche qui a fait sauter le baril de poudre pour ceux qui en avaient marre de toute cette salade. Le prétexte était bon même si peu pertinent mais quand on en a raz le bol, on fait flèche de tout bois. C’est là où ceux qui sont du même acabit que nos politiciens ont détourné cette rancœur à leur profit et ont manipulé ces gens qui sont tannés de ce libéralisme qui favorise les riches aux dépens du reste de nous tous.
Au lieu de prendre acte de cette frustration, la réaction des politiciens fut la loi sur les Mesures d’urgence et la manière forte… puis abandonner les mesures sanitaires obligatoires! D’un, c’est certain que cela donne l’impression aux protestataires qu’ils ont gagné et, de deux, que le gouvernement Trudeau est incapable de parler aux gens sans l’aide de la police!