
La mention «créé par les consommateurs» fera peu à peu son apparition sur les emballages, à côté des «sans gluten», «écoresponsable» ou «tel que vu à la télé». Le but recherché? Vendre davantage, évidemment!
Une idée marketing à la mode veut que les consommateurs soient plus réceptifs aux produits conçus en collaboration avec d’autres consommateurs ou des ambassadeurs de la marque. Mountain Equipment Co-op, la coopérative de plein air, utilise la rétroaction de ses ambassadeurs dans la conception et l’amélioration de ses produits. Cette écoute collaborative a mené à la création du pantalon Constantia, testé par leur ambassadrice en escalade, Sarah Hart.
Des études ont montré que les entreprises se trompaient moins lorsqu’elles consultaient leurs clients avant l’arrivée d’un produit sur les étagères. Un des leaders de la création collaborative (externalisation ouverte) est MUJI, un détaillant nippon de vêtements, meubles et accessoires de maison. Dans cet Ikea zen, les clients peuvent suggérer de nouveaux produits. Pour guider le flux d’idées, la marque propose des thématiques de réflexion. Les consommateurs influencent les idées qui seront choisies en s’exprimant dans des forums de discussion mixtes avec les designers. Les prototypes sont présentés au groupement, qui vote, commente et propose des améliorations. MUJI étend de plus en plus cette pratique, qui a généré des produits ayant de meilleures chances de survie et qui fait vendre davantage. Les clients de ce détaillant semblent avoir autant confiance en l’approche, alors que les produits «inspirés par les consommateurs» connaissent des ventes de 20 % supérieures depuis qu’ils sont étiquetés comme tels.
Cette tendance au codesign est une réponse à la perte de confiance envers les experts en tous genres, dont les publicitaires, comme moi. Aujourd’hui, personne n’est plus crédible que le client. Les consommateurs sont devenus des experts de plein droit. Nous faisons deux fois plus confiance au contenu partagé en ligne par des connaissances qu’à la publicité. Nous choisissons des restos et des hôtels en nous basant sur l’appréciation de parfaits inconnus.
La conception collaborative donne de la crédibilité aux marques, certes, mais est-ce que ça peut faire vendre n’importe quoi? Attester la qualité d’un pantalon est peut-être à la portée de tous, mais peut-on étendre la cocréation à beaucoup d’industries? Un couteau de cuisine créé par des aspirants chefs, sans doute. Une montre intelligente conçue par des aspirants ingénieurs, pas certain… Et un sac à main haute couture inventé par ma voisine, non. Les accessoires de mode haut de gamme ont une image de prestige à préserver.
La cocréation ne révolutionnera pas le monde des marques et du marketing. Bien souvent, la consultation populaire se limite à des améliorations à apporter au produit existant, comme des changements d’interface pour Dell. Ou encore, elle vise à offrir plus de variété à l’intérieur du catalogue, comme pour Lego, qui invite les amateurs à proposer des constructions en ligne et qui commercialise les plus populaires. En revanche, il ne faut pas nécessairement compter sur les foules pour inventer le prochain produit qui va changer nos vies. Peu de gens rêvaient d’un téléphone intelligent avant l’arrivée du iPhone. Le pionnier de l’automobile, Henry Ford, a d’ailleurs déjà dit: «Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu: des chevaux qui courent plus vite.»
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Stéphane Mailhiot est vice-président stratégie chez Havas Canada et chroniqueur médias et marques à Radio-Canada.
La méthode proposée par MUJI, n’est pas sans rappeler le Kaizen (littéralement : le changement qui conduit au mieux), connu aussi sous le nom de méthode Toyota qui consiste à prendre en compte les suggestions et les rétroactions des employés de terrain dans la conception et l’amélioration des nouveaux produits.
Dans cette situation, on pousse la méthode jusqu’aux utilisateurs.
La question que je me pose, c’est de savoir si dans tous les cas, la rétroaction du client ou les suggestions d’améliorations ont une action positive sur la conception du produit ou si elle contribue à créer l’illusion que le client a un réel pouvoir d’arbitrage sur la décision ?
Une autre question que je me pose, c’est de savoir si ce qui pourrait apparaitre comme illusoire, n’entre pas dans l’équation du prix. Sommes-nous prêt à payer un peu plus cher ou beaucoup plus cher pour un produit que nous aurions par notre collaboration contribué à créer ?
Peut-être suis-je un peu cynique…. Je ne souviens d’un slogan publicitaire, d’un parti politique lors d’une élection qui se formulait à peu près de la sorte : « On vous a écouté »…. Peut-être qu’on nous avait écouté…. Mais nous avait-on vraiment entendu ?
Il y a sans doute, chez certaines entreprises, des canaux de rétroaction plus ou moins fictifs. Des boîtes à suggestions jamais ouvertes…
Les études conduites auprès de MUJI ont démontré que leurs produits issus du co-design performent davantage sur le marché, et ce, même s’ils ne sont pas identifiés comme étant le fruit d’un design participatif. Chez eux, la méthode semble offrir des produits améliorés.
Pour ce qui est de notre volonté de payer, c’est un grand débat. Ca dépend souvent de la catégorie de produits. Dans les secteurs à plus grande implication, sans doute; pour les achats à faible implication, j’en doute. Ai-je vraiment envie de payer plus pour une spatule en bois co-designée ? Si je l’achète chez Dollarama, comme un bien quasi-jetable, peu probable. Si j’achète chez Le Creuset, pour un cadeau, peut-être.
Dans ce papier, ce qui nous intéresse n’est pas tant la valeur réelle qu’apporte la co-création à un produit, mais bien le fait que les consommateurs commencent, en privilégiant ces produits, à exprimer leur désir pour des marques faisant davantage montre d’écoute. À long terme, je crois que les consommateurs feront la distinction entre les marques qui entendent et celles qui écoutent.
@ Stéphane Mailhoit,
Merci pour votre rétroaction. J’espère que vos conclusions seront les bonnes…. Reste encore à savoir ce que le « long terme » devrait signifier en nombre d’années.
Comme vous le remarquez plutôt justement ; un des facteurs qui commandent le choix, ce « grand régulateur »… ce pourrait-être encore comme toujours : le pouvoir d’achat. S’il s’agit d’un cadeau, n’est-ce pas un peu différent ? Le choix du cadeau sert également notre « auto-promotion ».
Je suis, c’que j’offre : une personne pratique qui mange, qui lis et qui écoute 🙂