Nombreux sont les parents qui gavent leurs rejetons des restants de leur propre enfance, conservés dans un Tupperware de nostalgie.
Ils placent fiston ou fillette devant les anciens Passe-Partout, en DVD. Ils découvrent alors que l’épisode où Cannelle et Pruneau mangent des egg rolls et chantent « Tchin tchin tchin, les Chinois » en s’étirant le coin des yeux, ça a encore moins bien vieilli que la moustache de Perlin. Qu’à cela ne tienne, ils persistent à montrer à leur progéniture les films qui ont bercé leur jeunesse, en disant qu’il ne s’est rien fait de bon depuis Les aventuriers du timbre perdu.
Imaginez si nos parents avaient fait de même. Et leurs parents avant ça. On se rassemblerait maintenant devant la télé pour regarder des films des frères Lumière. « Venez, les enfants, c’est l’heure de L’arrivée d’un train en gare ! »
Difficile pour la culture d’aujourd’hui de faire le poids devant le souvenir magnifié de celle du bon vieux temps. La Pat’ Patrouille ? Yark ! Maya l’abeille, ÇA, c’était de la bonne télé… si on aime l’animation mal faite qui semble avoir coûté un bol de riz. J’ai vérifié : ce que ma génération a regardé dans sa jeunesse était généralement d’une qualité douteuse. Au mieux.
Ces émissions et ces films étaient magiques parce qu’on les découvrait par nous-mêmes, et parce qu’ils reflétaient l’univers dans lequel on vivait. L’art, même le plus populaire, est toujours un miroir pour comprendre son époque et y participer.
Connaître quelques classiques et en partager le plaisir avec ses parents, c’est beau et c’est important. Mais résonner avec son époque, contribuer au zeitgeist de la cour d’école et comprendre les codes culturels de son moment dans l’histoire, c’est également important.
Ressortir Astérix et Lucky Luke durant les Fêtes ? Bien sûr ! Mais si votre enfant n’a rien vu qui ne date pas d’après la guerre froide (la vraie, pas celle des tuques), vous le privez d’une expérience qu’il a le droit d’avoir : celle d’une jeunesse bien à lui.
Quelqu’un que je connais peu me demande de l’aider financièrement. J’ai envie de croire son histoire, mais j’ai aussi peur de me faire avoir…
Première option : la personne dit vrai et l’aide est grandement appréciée. Vous, vous avez X dollars en moins.
Deuxième option : la personne ment et utilise l’argent pour s’offrir un inutile tatouage du visage de Charles Lafortune. Vous, vous avez X dollars en moins.
Vous remarquez que, dans les deux cas, la conséquence pour vous est la même. À moins que cette générosité ne vous mette dans le pétrin, la différence est de l’autre côté du don, et c’est potentiellement une vraie et belle différence.
Il faut éviter de sauter à pieds joints dans une arnaque évidente et il va sans dire que non, ce n’est pas vraiment un prince nigérian qui vous demande de l’aide par courriel. Toutefois, si le doute est plutôt léger, choisir de croire en l’humain risque plus d’améliorer le monde que l’inverse.
Cette chronique a été publiée dans le numéro d’avril 2021 de L’actualité.