Déjà, mercredi, j’ai eu cette impression que la journée avait duré un an. Les nouvelles inouïes s’enchaînaient les unes aux autres.
Le lendemain, jeudi, c’était clair, nous avions basculé dans une uchronie, vous savez ce genre d’histoire où on bascule dans la fiction à partir d’un point de départ ancré dans le réel.
J’ai revécu, en dix fois plus grand, ce que j’avais ressenti le 11 septembre 2001 après l’effondrement des deux tours jumelles : le 21e siècle venait de commencer de façon officielle. Jeudi, le monde a à nouveau basculé, à grande échelle, dans une dimension encore inconnue.
La veille, nous avions des projets, des envies, des voyages prévus dans des endroits instagrammables, des gens à rencontrer, une liste d’épicerie, la bouffe à chat à acheter. Le lendemain, Trump avait parlé, Trudeau était en quatorzaine, le Louvre, le Vatican étaient déserts, les gens se coltaillaient dans un Costco à Laval et les rues étaient désertes sous un ciel d’apocalypse. Et ce sentiment obsédant, cette certitude que quelque chose ne sera plus jamais comme avant lorsque le karma viral sera derrière nous.
Le monde a basculé sous nos yeux ahuris. Il a encore l’air normal, les immeubles sont encore là, on met de l’essence à 99 cents dans nos chars, on embrasse son amoureux, mais tout ce qui s’appelait l’avenir, l’insouciance, le divertissement, les projets immédiats se sont évaporés. Et les gens se bousculent pour des poulets au Maxi. Étrange sensation d’avoir mis un pied encore timide dans une réalité parallèle.
Que va-t-il se passer? Un semblant d’ordre se dessinera dans le désarroi actuel, la logique va tenter de se frayer un chemin, on va s’organiser, on regardera même le stock stupéfiant de papier de toilette entreposé dans nos placards d’un œil ahuri dans quelques semaines. « Mais veux-tu ben me dire ce qui m’a pris? ». Tout est si irréel depuis jeudi.
J’ai eu envie de décrire ce décalage d’avec la réalité afin d’essayer de mesurer ce vers quoi tout ça converge. Capter des instantanés, des bribes de sens, des morceaux de bravoure. Épier les signes. Mettre peut-être de la légèreté dans la gravité de la situation. Écrire pour comprendre. Je vous propose, au quotidien, mon journal de ces temps inédits. Un collage de réflexions, de choses vues, entendues.
Ce jour était celui de la stupeur, puis de la ruée vers le papier cul. Je suis rassurée : le consumérisme est un puissant instinct de survie…
C’est peut-être ¨l’Effet Rural¨, mais malgré le fait d’écouter, un peu, ce qui se passe sur notre boule bleue, je ne sens par contre pas cette panique propre à l’homo-urbanus. Malgré le verdisme fanatique des anti-étalement , il y a quand même du bon à se tenir éloigné du tumulte de l’agglutinement urbain. Quant on pratique la quarantaine à l’année, la panique s’installe beaucoup moins facilement, et on a tendance à prendre moins de risques quand les événements nous forcent à faire un saut dans la civilisation fébrile, et en ressortir au plus vite.
Soyons sage quand même, en espérant que cela passera rapidement et qu’on oublie vite cette ¨mauvaise grippe¨.
En effet cette panique semble très urbaine. Jeudi j’ai fait mon épicierie et il y avait du papier cul en masse sur les tablettes.
Isolement Social, l’ours répond moi je pratique ça depuis le début de l’hiver.
J’ai décidé de profiter de la situation. Puisqu’il n’y a pas pénurie de papier cul par ici. J’ouvre un commerce en ligne. 10$ le rouleau + frais d’expédition.
Étant aussi dans la ruralité, dans un certain isolement campagnard, je me demande si on ne fait pas face à une pandémie de panique et d’hystérie plutôt que d’une mauvaise grippe. Quand j’étais jeune, on a eu l’épidémie de polio et, enfant, nous avions un peu peur mais on allait quand même à l’école et un jour l’épidémie était du passé. Plus récemment il y a eu le sras et la H1N1 avec moins d’hystérie et de ruée vers le papier-cul. J’en suis rendu à me demander ce qui distingue celle-ci de celles-là ?
Votre vision a-t-elle évolué depuis ?