Journal des temps inédits : Le retour des oies

Une semaine après leur mise en place, le poids des mesure d’isolement social se fait plus lourd. Prenons soin de ceux qui nous entourent, même virtuellement, dit Marie-France Bazzo. 

Photo : Daphné Caron

Hier, j’ai dû prendre la décision de reporter — à Dieu sait quand — les tournages imminents de la nouvelle saison de Y’a du monde à messe. La journée fut rude, stressante et bouleversante. Je sais qu’un peu partout au Québec, des entrepreneurs, des gestionnaires doivent faire des choix déchirants, procéder à des mises à pied, angoisser en pensant à l’avenir de leur entreprise. Les temps sont incertains. Nous sommes ballottés, sans balises dans un monde devenu sans repères fixes.

Je me suis tournée vers la science. À mon ami Philippe, astrophysicien de son état, bien connu des lecteurs de L’actualité, j’ai demandé ce que disaient les chiffres. Quand le pic de la pandémie sera-t-il atteint au Québec ? Philippe a répondu sans hésiter : en mai. MAI ??? J’hallucine. Coup de massue entre les deux yeux ! La plupart d’entre nous vivons les mesures d’éloignement social comme s’il s’agissait de deux semaines de relâche. Il va falloir se dire qu’on en a pour deux mois minimum…

Ce sera long, anxiogène, torturant pour plusieurs. L’isolement est une plaie dans nos villes, notre société. On a beau avoir Netflix et TOU.TV, « skyper » avec nos amis, une réelle détresse finira par s’installer, des fragilités surgiront, le mal de vivre se profile à l’horizon. L’isolement nous ramène à nous-mêmes. L’exil intérieur n’est pas la destination la plus joyeuse. Soyons attentifs à ceux qui nous entourent, même virtuellement.

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Marie Kondo, la frénétique Japonaise obsédée par le ménage, a des émules ces jours-ci. De Lebel-sur-Quévillon à Brossard, de Villeray à Villeroy, on fait du rangement de placards, on trie, on garde, on jette, non sans avoir remercié les objets qui nous ont « apporté de la joie ». Les vêtements à donner s’accumulent en tas et, dans quelques semaines, ce sera la manne pour les bazars et pour Renaissance. En mariekondoïsant, on redécouvre des robes, des vestes, des trésors oubliés depuis des lustres. On se compose de nouveaux looks. On se trouve cute dans notre miroir, et on désespère de ne pas pouvoir sortir au resto se pavaner.

Nous sommes, je le devine, une gang de coquettes à nous habiller élégamment pour rester chez nous, troquant le mou pour le joli, l’informe pour le structuré, le coton ouaté pour les dentelles. L’élégance est une dignité personnelle. Le printemps et la libération seront sublimes !

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En rentrant du travail hier, j’ai fait une longue marche nocturne dans le quartier désert et presque inquiétant de silence. Soudain, un bruit inédit. J’ai levé les yeux. Des oies, que je devinais nombreuses sans les voir, ont traversé le ciel en poussant leur cri. Et c’est là que je me suis aperçue que les avions qui survolaient Ahuntsic sans répit s’étaient quasiment tus. La pandémie a aussi des avantages collatéraux.

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J’habite Ahuntsic et j’ai vu moi aussi un vol d’outardes en revenant de ma marche mercredi pm. C’est toujours un plaisir d’entendre et de voir le passage des oies. Et oui, agréable de découvrir le nouveau calme à cause de la diminution des vols aériens, Je transmettrai cette chronique à une collègue qui prévoit, elle aussi, continuer à s’habiller de façon élégante même si elle n’à plus à se rendre au travail. Ayant fait des retraités de 10 jours à plusieurs, j’accueille avec plaisir l’isolement à la maison, mais je comprends que cela peut être anxiogène pour beaucoup. ..

L’apogée de la pandémie est difficile à prédire mais il y a un bon article dans le Globe & Mail de samedi qui l’explique. Ça dépend des mesures prises d’isolement et de leur efficacité. Si ces mesures persistent, l’apogée se passerait pendant l’été et la pandémie déclinerait en automne, en octobre. Dans ce cas, ils estiment qu’environ 50% des gens seront infectés.

Par contre, si les mesures d’isolement cessent plus tôt, l’apogée serait aussi plus tôt mais, en contrepartie, environ 70% de la population serait infectée. En fait, il y a deux apogées à une pandémie et à un moment donné, le nombre de cas va décroître mais il ne faut pas lever les mesures de protection car ce ne sera qu’un hiatus et une seconde apogée sera à prévoir. Dans ce cas où les mesures de protection serait levées plus tôt, l’apogée serait en mai-juin et le déclin de la pandémie serait pendant l’été.

Si, finalement, cela arrive plus tôt, tant mieux mais si on regarde ce qui se passe ailleurs, les prévisions semblent assez justes. En Chine, en vertu des mesures draconiennes prises, la pandémie dure encore depuis plus de 3 mois et la question est de savoir s’il va y avoir une autre escalade dans les prochaines semaines. En Europe, les mesures prises étaient beaucoup moins sévères et on peut prévoir que plus de gens seront infectés et que la pandémie passera peut-être un peu plus rapidement, le virus devenant à court d’hôtes.