Journal des temps inédits : Les sacrifices

Il n’y aura pas d’été, pas de festivals, pas de tourisme. Ce sera rude. Mais après ? Qu’est-ce que ça va pouvoir être ?

Photo : Daphné Caron

Très mal dormi, la nuit dernière. Je pensais à l’après. Hier, François Legault évoquait le « retour à la vie normale » à venir. Justin Trudeau a parlé de « relâcher ». La France commence à évoquer un « déconfinement ». Depuis que nous savons que le pic sera atteint autour du 18 avril, nous avons hâte aux beaux jours. Or, la saison s’annonce particulièrement coriace.

Peut-être plus encore que le confinement, dont nous avons compris la raison d’être, l’assouplissement sera difficile. Il faudra conserver la règle des deux mètres de distance sanitaire pendant longtemps. Ce qui est clair, c’est qu’il n’y aura pas d’été, pas de festivals, pas de tourisme. Ce sera rude. Mais après ? Qu’est-ce que ça va pouvoir être ?

Ce sera long avant que nous puissions revoir nos parents et grands-parents. Les aînés seront confinés pour un certain temps encore. Les visites dans les établissements seront probablement suspendues longtemps. Des drames humains et familiaux dus à la solitude vont se jouer dans les prochains mois, et ce, même après les ravages dus au coronavirus lui-même.

L’agriculture québécoise commence déjà à subir les effets du manque de travailleurs. Les produits se feront plus rares, seront plus chers, mais au-delà, les entreprises agricoles, souvent fragiles, seront soumises à des pressions énormes et difficiles. Lorsque les restaurants pourront rouvrir leurs salles, ceux qui n’auront pas fermé définitivement leurs portes entretemps survivront-ils à la règle du deux mètres ? Ils ouvriront au tiers ou à la moitié de leurs tables. Déjà lourdement touchés, comment s’en tireront-ils ? La grosse vague de fermetures est à craindre après le retour à la normale.

La culture live sera hypothéquée pour un bout de temps. Les festivals d’été sont annulés, mais comment envisager l’automne du théâtre, de la chanson, de l’humour, de la danse, des salons du livre dans ces circonstances ? La culture est censée nous réunir, pas nous tenir à deux mètres. Jusqu’à Noël, vous ne verrez aucune émission de télé captée devant public.

Le tourisme s’est éteint pour un bout. Qui aura l’envie, la confiance nécessaires pour s’entasser dans les avions des compagnies aériennes qui auront survécu à la pandémie ? Faire la file devant les hauts lieux touristiques ? Quant aux croisières, on n’en parle même pas.

Comment les écoles, les garderies s’accommoderont-elles, à la rentrée cet automne, des nouvelles règles sanitaires ? Y aura-t-il assez de classes, de locaux, de profs et d’éducatrices pour des groupes nécessairement divisés par deux ? Cet enjeu sera crucial.

Non, ce qui est devant nous ne sera pas facile. Nous devrons faire société et continuer, solidaires, patients, pour pouvoir enfin tourner la page. Braves et résolus.

Les commentaires sont fermés.

Merci pour vos articles. Je les attends tous les jours.
Aujourd’hui marque le premier jour d’une grosse perte de moral face à ces futurs mois encabanés en nous-mêmes, loin des autres. Je regarde en ce moment certaines vieilles pièces de théâtre sur Youtube où on voit et entend le public et c’est ce qui fait mal d’une certaine façon. À quand le plaisir d’être dans un groupe à avoir du fun à suivre une pièce, un concert, un spectacle. Là, je pleure.
Il va falloir accepter cela.

Le retour à la normale se fera lorsqu’un vaccin permettant de contrer efficacement la COVID-19 aura été découvert puis donné à tout le monde. Il faudra aussi envisager de maintenir les investissements en recherche et développement dans la santé publique. Cet élément, lourdement négligé depuis le début du millénaire, aurait pu nous éviter tout ce que nous savons.

Marie-France, vous et vos éditoriaux quotidiens je vous adore ! Je vous dévore chaque fois (lol). Comme je vous ai adoré au premier jour à Radio-Canada. Vous avez changé ma vie en changeant la radio – en tout cas en marchant dans les traces de Doré et Joly – en nous débarrassant de la langue de bois, en apportant à la Radio d’état la folie créatrice audacieuse et inventive de CIBL (j’y étais aussi juste un peu après vous en 86-88).
Bref, voilà pour les fleurs et les remerciements sincères pour votre travail : intelligent sans jamais être lourd.
Sinon, ben, oui Marie-France, y va y avoir des trucs qu’on reverra peut-être plus beaucoup, y va y avoir de la rareté. Mais je pense que dans une certaine mesure, d’autres comme moi ne regretteront pas le too much too big … Les croisières pharaoniques, le Super Bowl, je sais-tu moi, tout ce qui était juste rendu too much.
Mais vous savez quoi ? Le beau dans tout ça ? Small is gonna be beautiful, watch out !