Porteriez-vous une robe faite à partir de pelures d’orange ? Ou un chandail tissé avec des fibres extraites du fumier de vache ? C’est ce qu’espère le géant de la mode H&M, dont le programme Global Change Award verse un million d’euros par année à des entrepreneurs à la recherche de nouveaux textiles venant de sources parfois… surprenantes.
H&M en a lourd sur la conscience. Il est l’un des plus grands noms de l’industrie mondiale du vêtement, dont le terrible bilan environnemental devient de plus en plus gênant, comme le raconte Jean-Philippe Cipriani dans ce numéro.
Ce n’est pas avec des pelures d’orange que H&M fera disparaître les montagnes de vêtements gaspillés, mais son programme a le mérite d’encourager une génération d’entrepreneurs à s’engager dans une voie prometteuse pour le salut de la planète.
Cette voie, c’est celle de l’économie circulaire, où rien ne se perd de ce qui se crée, un concept qui fait de plus en plus parler de lui, et pas seulement dans les milieux écolos. À la conférence de Davos, en janvier dernier, une trentaine de grandes entreprises de 16 secteurs ont formé une coalition pour promouvoir son essor. Certains y voient la plus importante source de progrès depuis la révolution industrielle !
Le chantier est vachement ambitieux. Il ne s’agit rien de moins que d’inventer un substitut à l’économie traditionnelle, dite linéaire, qui nous mène droit dans le mur. Pour y arriver, il faut concevoir de nouveaux modèles d’affaires ou de nouvelles façons de consommer pour réduire, voire éliminer, notre besoin d’extraire de nouvelles ressources. Actuellement, à peine 9 % de celles extraites pour faire tourner l’économie mondiale sont réutilisées.
Un de ces modèles est de créer des boucles dans l’économie, où les déchets de l’un deviennent la matière première de l’autre. Au Québec, Loop y parvient en récupérant pour faire ses jus les fruits et légumes trop moches pour être vendus dans les supermarchés. Et Loop effectue un tour de roue supplémentaire en refilant les pulpes restantes à un partenaire, qui les transforme en gâteries pour chiens.
L’économie circulaire, encore balbutiante, a besoin pour prendre son envol d’un soutien accru afin de financer la recherche, de mettre en place des réglementations et d’attirer des capitaux privés et publics.
Vous trouvez bête de devoir racheter un grille-pain, parce que celui qui n’avait que deux ans mais qui vient de vous lâcher était irréparable ? Un autre principe de l’économie circulaire, celui de favoriser la remise en état des produits, vient à votre rescousse. Plusieurs États américains étudient des projets de loi pour lutter contre l’obsolescence programmée. La France a déjà adopté une loi sur le sujet, et l’Union européenne s’apprête à sévir contre les fabricants de téléviseurs et d’électroménagers impossibles à réparer.
Piscines et Spas Poséidon, un installateur de la région de Montréal, n’a pas eu besoin d’une loi pour passer à l’action. L’entreprise récupère les vieux spas pour les remettre en état et les revendre à 50 % du prix d’un neuf. Et elle a créé de l’emploi, car elle peut tenir ses employés occupés durant la saison morte.
L’an dernier, le Conseil du patronat du Québec et ses partenaires ont dévoilé les résultats de la première grande étude québécoise sur l’économie circulaire, qui concluait à l’indéniable intérêt de celle-ci pour le bien-être économique et environnemental du Québec. L’étude prévenait toutefois que l’économie circulaire, encore balbutiante, avait besoin pour prendre son envol d’un soutien accru afin de financer la recherche, de mettre en place des réglementations et d’attirer des capitaux privés et publics.
François Legault aime se présenter comme un premier ministre au service des entrepreneurs, et il aimerait aussi en faire plus pour l’environnement. Ça tombe bien ! Les pionniers qui défrichent les territoires de l’économie circulaire dans les entreprises, les universités et les parcs industriels du Québec ont besoin d’un coup de pouce.
Cet éditorial a été publié dans le numéro d’avril 2019 de L’actualité.