Les lumières de la rue Saint-Jean filtrent à travers la grande vitrine, jusque sur les visages de trois hommes qui doivent avoir la fin cinquantaine et attendent qu’on leur assigne une table. Derrière eux, je fouille dans l’étal de produits du restaurant, qui fait aussi office de traiteur et d’épicerie. Et comme souvent dans des situations semblables, j’épie les conversations des gens autour de moi.
« Me semble qu’avec un film qui lui a fait faire 12 millions de dollars, elle n’a pas trop à se plaindre », dit l’un d’eux. Le dialogue, je le devine instantanément, tourne autour de l’affaire Weinstein et des actrices qui affirment avoir été forcées d’avoir des rapports sexuels avec le producteur, avoir été malmenées en cas de refus ou avoir été carrément violées. Pour nos trois hommes, Weinstein a « peut-être un peu exagéré », mais les actrices qui ont eu de grandes carrières grâce à lui sont quand même « un peu ingrates ».
Au bout d’une minute, je peux à peine me retenir d’intervenir. Et pendant des jours, je m’en voudrai de ne pas l’avoir fait.
À quelle somme ce genre de comportement devient-il acceptable, selon vous, messieurs ? Cent mille dollars ? Un million ? Combien pour pogner une fesse, pour exhiber son sexe, pour menacer de représailles ? Voilà ce que j’enrageais de dire. C’est évidemment plus facile de l’écrire ici. Ç’aura été une petite lâcheté de ma part.
Je les ai regardés partir vers leur table en les traitant intérieurement de cons. En me demandant, surtout, par quelle sorte de contorsion morale on peut en venir à pareille conclusion.
Parce qu’on est là, trois ans après #AgressionNonDénoncée, deux ans après le scandale de Marcel Aubut, et qu’il faut encore expliquer à ce genre de pitoyables individus que l’intégrité physique n’est pas une marchandise transactionnelle, que le pouvoir et l’argent n’excusent rien, mais qu’ils corrompent, dans tous les milieux, chez les gens de toutes les allégeances politiques, dans toutes les strates sociales.
On avait alors parlé de « culture du viol ». L’expression en avait fait sursauter plus d’un. Ils la trouvaient exagérée, rappelant qu’on n’est pas ici dans quelque contrée barbare où, par exemple, on emploie le viol comme arme lors des conflits armés.
C’est vrai que l’expression peut paraître un peu forte. Mais la réaction de ces hommes à l’affaire Weinstein et à celles qui s’accumulent depuis au Québec montre bien que nous, les mâles, ne pouvons comprendre la pression que subissent les femmes, la peur qui les assaille lorsqu’elles se retrouvent seules, vulnérables, dans des lieux où on leur fait clairement sentir qu’elles n’ont plus la maîtrise de la situation.
C’est un sentiment que nous ne connaîtrons jamais. Je me vois bien mal dénoncer l’emploi d’une expression comme celle-là en me basant sur mes propres comportements ou ceux de mon entourage, aussi irréprochables puissent-ils me paraître. Et puis, que sait-on des autres, vraiment ? Et puis, qui est réellement irréprochable ?
Ce que montrent les études, en fait, c’est qu’on ne se connaît pas soi-même. Pour preuve, cette étude de cas citée par ma collègue Noémi Mercier dans une précédente publication de ce magazine («Le problème de Heidi », octobre 2017), où l’on traite des biais cognitifs qui nous empêchent de reconnaître certaines qualités chez une femme comme positives, alors qu’elles nous semblent favorables chez un homme. Suffit de faire un test à l’aveugle pour s’en rendre compte : on change les sexes et hop ! soudainement, cette femme un peu trop baveuse devient un homme d’affaires ambitieux.
Nous voyons toujours le monde à travers le prisme d’une série de préjugés, d’idées qui nous sont inculquées par la culture ambiante, et nous avons le sentiment de prendre des décisions justes. Or, ce n’est pas toujours le cas.
Ce qui découle de l’affaire Weinstein, tout comme des mouvements #AgressionNonDénoncée et #MoiAussi, ce n’est pas la condamnation des hommes. On ne fait pas ici le procès d’un sexe, comme on ne fait pas le procès d’un peuple lorsqu’il est question de racisme systémique.
On prend du recul, on analyse, on tente de comprendre. On cherche surtout des façons de changer la culture ou de trouver des moyens de contourner ce qui nous fait parfois mal agir, malgré notre bonne volonté.
Un jour, une de mes boss m’a dit : tu es intelligent, blanc, un homme, plutôt beau, tu gagnes bien ta vie… Tu peux difficilement comprendre comment vivent ceux auxquels il manque ne serait-ce qu’un de ces avantages dans notre société.
Ce n’est pas un procès, donc. Seulement un constat d’inégalités. Et la moindre décence, c’est encore de ne pas essayer d’expliquer à ceux qui en souffrent comment ils devraient se sentir.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de décembre 2017 de L’actualité.
Décence, dignité, indécence, dignité…humaine.
Avec vous monsieur Desjardins je regrette que vous n’ayez pas interpellé ces trois « comportements » cons. Comportements cons pleins d’orgueil, de supériorité, fort éloquents quant à la présence de la Bête dans l’Homme. Vous savez cette Bête mâle prédatrice plus sensible à ce qu’elle a ( s’il vous plaît, excusez-la ) entre les deux jambes et pour qui la dignité humaine semble création, je dirais, virtuelle. Je conclus avec ce « pelletage de boucane » que je formule par cette question: « POURQUOI l’indécence ? »
Mes respects,
Gaston Bourdages,
Auteur de « Conscience…en santé ou malade ? »
Mes petites recherches lexicographiques établissent que dans la littérature du 18ième siècle (entre autre), les termes de décence et de volupté peuvent être avantageusement associés. Ainsi la volupté bien présentée peut ne pas être indécente.
Les usages de la langue bien sûr évoluent ou du moins se transforment-ils, tout comme les mœurs ou encore toutes formes de perceptions.
La question pourrait ainsi se poser en ces termes : Que pourrait signifier les mots de « mœurs », de « volupté », de « décence » dans le courant du 23ième siècle ?
Bien sûr, il est impossible de répondre infailliblement à une telle question. Mais il est possible de relever qu’il existe en toutes époques des contradictions.
Ainsi qu’est-ce qui me permet d’établir qu’une femme serait plus vulnérable qu’un homme ? Sur quelle science objective pourrais-je me fier pour pouvoir établir une telle vérité ? Sur quelles expériences ?
Lorsque je lis une belle phrase comme celle-ci, cela me fait passablement sourire, je cite : « (…) les mâles, ne pouvons comprendre la pression que subissent les femmes, la peur qui les assaille lorsqu’elles se retrouvent seules, vulnérables, dans des lieux où on leur fait clairement sentir qu’elles n’ont plus la maîtrise de la situation. »
Les mâles sont-ils vraiment tous aussi dénués de perception ?
Pourquoi cela me fait rire ? Eh bien parce qu’il y a au moins un mâle sur terre qui avait compris cette pression. Eh oui ! Le prophète Mahomet. — De nombreux versets du Coran répondent en tous points à cette légitime préoccupation.
La solution de la décence et de tous les problématiques que subissent des femmes : C’est peut-être l’Islam, une application stricte de la Charia, le port obligatoire d’une tenue décente dans l’espace public. Idéalement le port du niqab pour toute et de la djellaba pour tous. Il convient dans la foulée d’interdire toute forme de pornographie et produire des films édifiants qui mettent en scène des hommes vertueux et des femmes qui le sont toutes autant.
Le port de la ceinture de chasteté pourrait aussi être une option intéressante pour les femmes, je suggérerais aussi pour les hommes le port de la silice, les douches froides et glaciales sans oublier la pratique de l’auto-flagellation qui a fait ses preuves et que nous pourrions inculquer dès le CPE.
Ainsi, il ne fait aucun doute qu’on va probablement tuer de nombreuses industries…. De nombreuses nations risquent de voir leur PIB drastiquement chuter. Ce sera probablement le cas des États-Unis. C’est pourtant à mon humble avis le prix que nous allons devoir payer et la seule solution pour rétablir la décence et les bonnes mœurs qui devraient convenir à toute société pleinement et entièrement civilisée.
— Mesdames, messieurs : Êtes-vous prêtes et prêts à vous engager sur cette voie dès maintenant ?
L’art de détourner la discussion sur le sujet de l’article avec vos fixations perpétuelles et de l’esbroufre de vocabulaire!
Vous savez très bien que les situations que décrit M. Desjardins existent et ce depuis fort longtemps, pour ne pas dire toujours, et que ça doit changer.
Votre façon de réagir à cet article l’illustre très bien d’ailleurs.
@ C. Desroches,
Je n’ai pas bien compris le sens de vos propos, aussi vous ne verrez — je l’espère — pas d’inconvénient à répondre à ces quelques questions.
— Qu’entendez-vous par « fixations habituelles » ? Faites-vous référence au vocabulaire de la psychanalyse ? – Une fixation relève essentiellement de l’attachement.
— Qu’est-ce que « l’esbroufe de vocabulaire » ? – l’esbroufe relève le plus souvent d’une certaine forme de malhonnêteté. Voulez-vous dire que cela soit pour moi ?
Non, je ne sais pas que les situations décrites par monsieur Desjardins : « existent depuis fort longtemps » (Sic). De quelles situations parlez-vous et… longtemps…. C’est exactement depuis quand ?
Quand des personnes dans un restaurant, à une table voisine commentent l’actualité du moment, il n’y a pas de quoi en faire un fromage. C’est anecdotique seulement.
— Hormis le fait qu’il n’est pas dans mes usages de réagir sur les post de blogue ; je me permets plutôt de prodiguer une opinion comme c’est toujours le cas ; ici tout-à-fait gracieusement, avec une certaine dose d’humour et d’ironie que de toute évidence vous ne saisissez pas…. Par défaut d’intelligence peut-être.
J’aimerais bien savoir ce qui se cache dans vos propos, je cite par : « Votre façon de réagir à cet article l’illustre très bien d’ailleurs »….
— En effet, ça illustre quoi justement ? Votre phrase est incomplète. Quel est l’objet ? Est-ce votre projection du mal (ou du mâle) faite naturellement sur autrui ?
Merci beaucoup par avance pour vos réponses qui à merveilles contribueront à installer la lumière sur ces modestes questions. Je trépigne déjà d’impatience avec l’idée de pouvoir derechef… vous relire.
@ serge droukinsky
Vous etes condescendant et vous etes comme ces gens qui adore s ecoutent parler car il adore le son de leur voix. Votre commentaire n a absolument rien a voir avec l article mais tout a voir avec votre envie de precher vos croyances. Vous etes malhonnete.
Je suis entierement d accord avec vous @C. Desroches
@ Annie,
En ce qui me concerne, je suis en désaccord avec propos.
Vous ne savez pas qui je suis. Vous ne me connaissez pas. Vous ne savez rien de ce que je crois. Je doute que vous ayez été capable de comprendre quoique ce soit de mon texte, lorsque j’observe dans vos mots absence de toute forme de syntaxe, de ponctuation ou d’accords grammaticaux.
Bref, je vois bien que vous êtes une adepte (fausse croyance) du nivellement par le bas.
Ce que je lis dans vos propos, ce sont les marques de votre ignorance et de vos préjugés. Les hommes qui plus est vous font peur, c’est évident. Ce qui révèle votre tempérament agressif à mon endroit. Vous succombez à la peur et vous m’agressez verbalement.
J’ai malheureusement à vous annoncer une mauvaise nouvelle : rien, absolument rien ne changera tant est aussi longtemps que vous ne voudrez pas changer votre manière de voir les choses lorsqu’il appert que pour rien au monde vous n’entendez entrevoir les choses autrement.
Nous comprenons que pour vous le monde est ou tout noir ou tout blanc. Pour moi, il comporte plus d’un millions de couleurs, de nuances et de variations de tons. Et tout compte fait, je trouve que la condescende que vous m’attribuez, qu’elle a dans ce cas quelques choses de bon.