La grande adoption

Un ménage québécois sur deux possède maintenant un animal de compagnie. Cette affection grandissante pour les chiens, chats et autres petits compagnons a une foule d’effets sur la société. Et elle en dit long sur nous.

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Chantal Tellier aime les chats. En particulier les chats à problèmes, de ruelle, de gouttière. Elle en a cinq : Artémis, Bagheera, Bakalova, Seamus et Sherlock, qu’elle a recueillis dans son trois et demie du quartier Rosemont, à Montréal. Malgré une légère allergie. Elle se limite à cinq, faute d’espace. Cette rédactrice à son compte admet avoir eu sa leçon lorsqu’ils ont attrapé la teigne, une affection cutanée très contagieuse et transmissible à l’humain. « Quand je dis que j’ai cinq chats, les gens répondent : “Ça doit sentir.” Pas du tout. J’ai quatre litières, que je nettoie deux fois par jour. »

Entre ses chats et elle, ce n’est pas l’amour ; plutôt une passion. « Pour moi, le chat incarne la perfection. Le plaisir est esthétique. J’aime m’entourer de beau, et le chat a une espèce de grâce. C’est un animal magnifique. » La femme de 55 ans ne voit pas en ses chats des enfants de substitution, d’abord parce qu’elle n’a jamais voulu d’enfants, et parce qu’elle ne se considère pas comme leur mère. « J’aime les humains et j’aime les chats, mais pas de la même manière. Il faut des amis humains, car les chats ne sont pas là quand ça va mal. Mais quand je me couche avec trois chats dans mon lit king, je suis heureuse qu’ils soient avec moi. »

Selon le plus récent sondage de l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ) en pratique des petits animaux, les chaumières québécoises abritent 2,1 millions de chats, 1,1 million de chiens et un nombre indéterminé de bêtes « exotiques » — catégorie fourre-tout pour les poissons, rongeurs, reptiles, cochons vietnamiens, poules urbaines et autres. C’est un million de petits compagnons de plus qu’il y a 20 ans. Durant la même période, la part des ménages québécois hébergeant un chat ou un chien est passée de 42,6 % à 52 %, comparativement à 58 % au Canada — et à 75 % aux États-Unis, d’après l’Insurance Information Institute américain ! 

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Ces bêtes ont désormais leurs émissions, leurs chroniqueurs, leurs boutiques de mode, leurs restaurants, leurs assureurs — et même une nouvelle bière pour chien, la Brouff ! Elles prennent assez de place pour que le Québec se soit doté, en 2015, de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, qui en fait des « êtres sensibles ». Celle-ci sera actualisée en 2023, notamment pour améliorer les conditions de garde d’animaux et surtout interdire certaines opérations (dégriffage, coupe de queue, taille des oreilles ou ablation des cordes vocales). On est loin de l’époque des chiens enchaînés à leur niche à longueur de journée. 

Pendant la crise sanitaire, bien des Québécois ont voulu un animal pour se désennuyer. Les refuges, les animaleries et les éleveurs ont été débordés. « C’était survolté. On avait du mal à fournir en nourriture et en accessoires », dit Pierre Leblanc, PDG de Mondou, le géant québécois de la nourriture et des accessoires pour animaux, avec 79 magasins. « La folie s’est calmée en 2022. Et là, les refuges se remplissent, malheureusement. » Ce que me confirme la SPCA de Montréal.

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On ignore combien les ménages québécois dépensent précisément pour leurs animaux de compagnie, Statistique Canada ne recueillant plus de données sur le sujet depuis 2011. Aux États-Unis, les gens consacrent 124 milliards de dollars américains à la nourriture, aux soins et aux services — presque le double de 2012, toujours selon l’Insurance Information Institute. À l’échelle québécoise, considérant le taux de change et la présence moindre des animaux, cela équivaudrait à près de trois milliards pour 2021. Une note moyenne de 1 600 dollars par ménage propriétaire. Mais la répartition est très variable, car les chiens représentent de deux à trois fois plus de dépenses que les chats. 

« Pour bien des gens, les soins à l’animal passent avant les vacances », dit le vétérinaire Sébastien Kfoury, sorte de Dr Dolittle québécois, présent à l’écran depuis une douzaine d’années, notamment à la barre des émissions Animo et Les poilus. Chantal Tellier a fait le compte : avec deux chats atteints du sida félin, les soins (vaccins, nettoyage des dents, bilan sanguin préventif, bilan gériatrique) plus la nourriture, ses chats lui coûtent 6 000 dollars par an. « Je ne suis jamais allée dans le Sud et ça me va comme ça. »

Le Dr Kfoury estime que la grosse évolution des 20 dernières années est d’abord affective. « Le niveau de transfert émotif est devenu très fort, au point de toucher à l’irrationnel. »

Étant donné qu’il est interdit d’inhumer un animal de compagnie dans son jardin et que seules les décharges publiques en région éloignée acceptent les restes d’animaux, le Québec compte désormais plusieurs services d’incinération, dont Incimal et Crémanimo. Pour ses deux premiers félins, Hippolyte et Salem, qui ont vécu plus de 10 ans avec elle, Chantal Tellier a payé 600 dollars pour une incinération individuelle avec urne. « Mais c’est un peu cher. À l’avenir, je vais probablement me contenter d’une empreinte et de quelques poils, même si l’idée de faire incinérer mon chat en groupe me fait de la peine. »

Quand Sébastien Kfoury est devenu vétérinaire, il y a 22 ans, l’incinération et l’assurance maladie pour chien étaient des hérésies. « Un vétérinaire qui parlait de chimiothérapie ou de brossage des dents passait pour un extraterrestre, mais plus maintenant », raconte celui qui dirige Vet et Nous, un regroupement de 20 hôpitaux, cliniques et centres d’urgence pour animaux. 

Témoin privilégié du rapport des Québécois à leurs compagnons domestiques, le Dr Kfoury estime que la grosse évolution des 20 dernières années est d’abord affective. « Le niveau de transfert émotif est devenu très fort, au point de toucher à l’irrationnel. On le voit en clinique quand l’animal arrive en fin de vie. S’il souffre et qu’il faut l’euthanasier, ça crée pour bien des gens un dilemme aussi insoluble que si c’était un membre de leur famille », explique le vétérinaire. Lui-même admet qu’il devra s’accorder une journée de congé au décès de son caniche Gaïa, âgé de 14 ans.

Selon le sociologue français Jérôme Michalon, du Laboratoire Triangle et l’un des rares spécialistes de la sociologie des animaux de compagnie, le rapport à l’animal s’est approfondi pour des raisons idéologiques, sociales et… commerciales. Le discours antispéciste, qui rejette l’idée même d’une hiérarchie entre les espèces (y compris l’humain), est de plus en plus répandu. En entrevue par vidéoconférence, il insiste sur le fait qu’au cours des 50 dernières années, les grands fabricants de nourriture — dont certaines multinationales telles que Nestlé et Mars (30 % du marché canadien) — ont beaucoup encouragé ce discours par l’intermédiaire de toutes les études qu’ils ont financées sur le bienfait des animaux pour l’humain, notamment en matière de zoothérapie, mais pas seulement. 

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Comme bien des enfants d’une génération nourrie aux céréales et au Dr Dolittle, je me suis rêvé en ami des animaux. J’ai eu un rat belge, des gerboises, des souris blanches, des poissons, une salamandre, des lapins, une chatte. Mais ma zoophilie n’est jamais allée jusqu’à faire des bêtes le centre de ma vie sociale ou affective. C’est donc avec un mélange de curiosité, de fascination, de perplexité et parfois d’indignation que j’ai plongé dans le « monde merveilleux des animaux » québécois.

Premier arrêt : à Baie-Saint-Paul, chez mon cousin Alain Nadeau, qui se passionne pour toutes les bêtes. Lui et sa conjointe, Chantal Pothier, tous deux psychologues, sont propriétaires d’un barbet noir de 25 kilos appelé Bayou. 

« Bayou est un compromis, car j’ai plutôt un faible pour les très gros chiens de 60, 70 kilos », raconte Alain. On va se le dire, un mastiff ou un saint-bernard, ça prend de la place dans une maison. Il a choisi le barbet pour son caractère hypoallergénique et sa tolérance au froid, entre autres, mais aussi en fonction du temps et de l’argent qu’il était prêt à lui consacrer, et des ressources offertes dans sa ville (cliniques vétérinaires, toilettage, chenil).

Malgré cette apparente rationalité, Alain, Chantal et leurs deux filles aiment passionnément leur pitou. « J’éprouve une affection très particulière pour cet animal-là. Le chien répond, jase. Tu as de la peine, il le sent. Il y a un aspect thérapeutique très fort au chien. Il est là pour toi », explique Alain. 

L’amour étant un peu aveugle et certainement pas comptable, ni Alain ni Chantal ne sauraient dire combien leur coûte Bayou, hormis les 75 dollars de nourriture et les 125 dollars d’assurance animale par mois. Une assurance ? « J’ai pris la totale, qui inclut l’incinération, dit Alain. Je ne veux pas me retrouver à devoir décider si j’ai les moyens de payer pour les soins ou non. » Et Chantal ajoute : « Nous avons des amis qui ont décaissé un REER pour faire soigner leur chatte. » 

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Du temps où je possédais un animal, mes visites dans une animalerie se limitaient à la section nourriture. Je ne portais aucune attention aux joujoux divers, encore moins aux vêtements. Aussi, je suis tombé en bas de ma chaise quand mon cousin m’a informé que le Québec avait sa boutique de mode canine comme il en existe à Paris et à New York.

La boutique Chien Mondain, à Québec, ouverte depuis 2013, tient plus de 400 modèles : manteaux, vestes rafraîchissantes estivales, bottes, mais aussi robes, imperméables, chapeaux et pyjamas. « Nous avons élaboré notre propre gamme adaptée à nos hivers très durs, avec des manteaux plus longs et des cols mieux fermés. Et nos bottes sont faciles à enfiler et ne tombent pas », dit Annick Marchand, la propriétaire, qui offre également des centaines de produits différents, dont la lotion solaire pour pitou, en plus d’un service de halte-garderie et de photographie. « On veut que nos gens soient bien avec leur chien, qui mérite mieux qu’un sac de patates », explique l’entrepreneure. 

Sa « niche » est à l’opposé de celle de La Belle Bête, à Beauport, laquelle fait davantage dans le chien « de plein air », avec du matériel de sports comme le ski attelé (souvent appelé « skijoring »), le vélo tracté ou la course tractée. Pour des races sportives telles que les chiens de traîneau, les golden retrievers, les labradors ou encore les lévriers.

Parmi les nouveautés des dernières années, on a vu apparaître des promeneurs de chiens, des services de psychologues, des pensions en tout inclus comprenant physiothérapie et massage.

Dans l’évolution du rapport de l’humain aux petites bêtes, celles-ci deviennent des compagnons de jeu. Émie Tremblay, qui se passionne depuis 10 ans pour les concours d’agilité canine, cherche le bon mot pour décrire sa relation avec ses deux chiennes, Shaïla et Kinaï. « Je dirais que c’est de l’amour, oui, l’animal est haut dans ma liste de priorités », dit cette conseillère en efficacité opérationnelle chez Desjardins, à Lévis. « Mon conjoint est plutôt content de ne pas être seul à combler mon besoin d’affection et de réconfort. »

La sportive de 28 ans passe beaucoup de temps avec ses animaux, qui nagent, courent et randonnent avec elle. Ils ont remporté de nombreuses médailles canadiennes et québécoises pour des parcours très exigeants combinant saut, tunnel, slalom, tremplin et diverses épreuves d’habileté. « C’est au moins trois heures d’entraînement par semaine, sans compter le jogging et le jeu libre, comme de rapporter la balle ou le frisbee », raconte la jeune femme, qui est également instructrice au club Agilité Rive-Sud, à Lévis, l’un des 17 clubs canins québécois membres de l’Association canadienne d’agilité canine. 

Parmi les nouveautés des dernières années, on a vu apparaître des promeneurs de chiens, des services de psychologues, des pensions en tout inclus comprenant physiothérapie et massage. Quand Bagheera a manqué à l’appel pendant 19 jours, Chantal Tellier a eu recours à l’OSBL Sauvetage Animal Rescue. Et pour Seamus, qui a miaulé toutes les nuits pendant six mois, elle a embauché une spécialiste de la psychologie des comportements félins. 

Si vous voulez tout savoir des tendances, le Salon national des animaux de compagnie (SNAC) — qui se tient chaque année à Montréal, Québec, Sherbrooke et Gatineau — est la vitrine par excellence. À Montréal, plus de 30 000 personnes viennent parcourir les kiosques des cliniques, des refuges et des marchands de tout acabit. « La grosse tendance actuellement, c’est la nourriture crue, surtout en surgelé pour les chiens, mais de plus en plus pour les chats », souligne Michel Beausoleil, président du SNAC.

Pas de vente d’animaux sur place, par contre. « Trop souvent, l’animal acheté sans réflexion ni préparation, sur le coup du moment ou pour faire plaisir au petit, vivra négligé et finira abandonné, voire euthanasié longtemps avant sa fin de vie naturelle », déplore Michel Beausoleil, qui est aussi avocat en droit commercial et municipal à Rosemère.

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Il suffit d’une visite d’une heure dans n’importe quel refuge québécois pour prendre la pleine mesure du phénomène d’abandon, de négligence et de maltraitance des animaux.

« Les propriétaires sans cœur sont rares, mais on voit beaucoup de gens qui ont des problèmes d’emploi, de logement, d’argent, de santé mentale, d’allergie, ou qui ne savent pas quoi faire avec un animal agressif, peureux ou fuyant », dit Élise Desaulniers en me faisant visiter les rangées de cages d’animaux de la SPCA de Montréal, 10 jours avant de quitter son poste de directrice générale. Chaque année, les 140 employés recueillent 15 000 bêtes délaissées, soit une quarantaine par jour.

Toutes les personnes interviewées pour ce reportage s’entendent sur la nécessité de responsabiliser les propriétaires, et cela commence par la décision d’acheter ou d’adopter un animal. 

« Trop souvent, c’est de la mauvaise information qui est à l’origine du mal-être animal », selon Chantal Allinger, directrice générale de l’Association nationale d’intervention pour le mieux-être des animaux (ANIMA) au Québec. Cet organisme, fondé en 2002, a pour mission d’optimiser les lieux et les conditions de garde des animaux. « Les associations de vétérinaires et de protection des animaux ont créé toutes sortes de registres qui mentionnent les bons éleveurs, mais également des fiches sur les caractéristiques de chaque race et sur comment s’en occuper », poursuit Chantal Allinger, qui est vétérinaire depuis 30 ans. « L’information est accessible sur les sites Web, mais il faut que le public se renseigne. »

La SPCA de Montréal, par exemple, exige que tous les membres d’une famille soient présents lors de la rencontre d’adoption. « Un animal de compagnie, ce n’est pas pour tout le monde, et toutes les espèces ou races ne conviennent pas à n’importe qui », explique le Dr Michel Pepin, porte-parole et responsable des communications de l’Association des médecins vétérinaires du Québec. Ainsi, une personne qui n’aime pas marcher ou courir sera très malheureuse avec un border collie ou un husky. « La pire chose à faire est de choisir un animal pour son apparence ou parce qu’on en a envie. Il faut partir de ses goûts, de ses habitudes, de ses moyens, et ensuite on détermine l’espèce. » Comme l’a fait mon cousin Alain.

Les vétérinaires en voient de toutes les couleurs, en clinique, à cause d’une mode amplifiée par les réseaux sociaux : des animaux « fabriqués » par croisements par des reproducteurs peu scrupuleux pour répondre à la demande d’une clientèle qui recherche l’épate et le sensationnel. « Nous sommes aux prises avec une épidémie de chiens déformés ou tarés, surtout des visages écrasés », dénonce le Dr Sébastien Kfoury. Certains bouledogues arrivent avec des problèmes respiratoires, orthodontiques, articulaires, des paralysies précoces. L’autre mode est celle des chiens miniatures, dits « teacup » : trop petits, hydrocéphales, aux fontanelles non fermées, sujets à des convulsions, qui éprouvent des troubles moteurs.

« Les croisements, c’est naturel, mais entre deux animaux consanguins, c’est problématique, explique Sébastien Kfoury. Nos clients sont frustrés d’avoir payé 4 000, 5 000, 6 000 dollars pour un animal malade, et même infirme. C’est catastrophique. »

Josée Charlebois, technicienne en santé animale depuis 26 ans, occupe son temps libre avec une petite entreprise d’élevage, la Chatterie Félin Insolite, à Saint-Lin–Laurentides. En 2010, elle a jeté son dévolu sur le rex de Cornouailles, une race féline aux très grandes oreilles et aux pattes longues, peu velue et très enjouée. Ses six femelles produisent environ huit portées chaque année. « Trop de gens veulent un animal de race tout de suite. Quand on leur dit qu’ils devront attendre une douzaine de mois, ils se tournent vers les petites annonces, dont certaines peuvent être trompeuses », s’indigne-t-elle.

Josée Charlebois fait partie du groupe grandissant d’éleveurs éthiques approuvés par ANIMA-Québec. Ces éleveurs se soumettent à des contrôles rigoureux de professionnels et respectent toute une série de règles pour éviter la consanguinité et garantir le développement normal des animaux. « Les bons éleveurs vont s’assurer que l’animal sera bien socialisé et habitué aux humains, explique-t-elle. Le sevrage ne concerne pas que l’alimentation. Un chaton qui a été séparé trop tôt de sa fratrie va avoir du mal à se maîtriser : il va être agressif, peureux ou fuyant. »

Même si les éleveurs dits « familiaux » ont la faveur du public en raison des scandales qui ont frappé les « usines à chiots », la taille d’un élevage n’est nullement garante de qualité, insiste Chantal Allinger, d’ANIMA-Québec. « Un éleveur éthique n’est pas nécessairement petit. Il y en a des gros, avec des employés, qui sont très bien. Le problème, c’est que la certification n’est pas obligatoire. »

Michel Pepin explique qu’en l’absence de certification, on peut reconnaître les bons éleveurs à certains critères qui ne trompent pas : ils limitent les femelles à deux portées par année, ils ne vendent pas les animaux trop jeunes, ils offrent des garanties sur la santé et le pedigree de l’animal. « Si vous ne pouvez pas voir le père et la mère du chiot ou du chaton, vous devriez vous méfier », dit-il.

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En dépit de la loi adoptée en 2015, les municipalités et les ministères sont plutôt timides pour ce qui concerne l’élevage, les refuges ou encore la place des animaux dans la vie de tous les jours. Par exemple, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a instauré un système de permis — à vocation sanitaire — pour les éleveurs de 15 bêtes et plus, mais rien pour ceux de moins de 15.

Chantal Allinger explique que son organisme travaille d’ailleurs à un projet-pilote avec certaines municipalités — les noms sont encore confidentiels — afin que celles-ci rendent obligatoire la certification ANIMA pour tous les éleveurs sur leur territoire.

La cinquantaine de refuges pour animaux de compagnie vivent une situation tout aussi troublante — ils sont à peine mentionnés dans la loi sur le bien-être animal et le règlement à venir en 2023. Bien des municipalités ne disposent pas d’un centre animalier, et celles qui en ont un sous-traitent le plus souvent l’accueil et le soin des bêtes à des OSBL ou à des refuges privés, qu’elles sous-financent. 

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​​Chantal Tellier, qui vient d’inscrire ses chats dans son testament, prévoit aussi un don posthume à la SPCA de Montréal. Mais elle admet ne pas faire de don annuel : « Je suis une petite SPCA à moi seule ! »

La réglementation des municipalités et celle édictée par le gouvernement et diverses agences sont plutôt déphasées compte tenu de la place que les animaux de compagnie occupent désormais dans la société. Mis à part la Sépaq, qui a autorisé les chiens dans les parcs québécois en 2019, bien peu de municipalités, de ministères et d’organismes paragouvernementaux ont actualisé leurs règles en ce sens.

Par exemple, le Code des professions interdit aux OSBL qui embauchent des vétérinaires d’offrir un service de médecine gratuit, ce qui pénalise les propriétaires d’animaux à faibles revenus. Certains locataires se voient interdire les bêtes de compagnie (en Ontario, une telle exigence n’est pas possible). Outre un projet-pilote de la Société de transport de Montréal (STM) qui autorise à certaines heures sur certaines lignes les chiens tenus en laisse courte et muselés, seuls les chiens-guides sont permis dans les transports en commun (les autres doivent obligatoirement être dans une cage), alors qu’ils ne semblent pas poser problème dans les tramways torontois.

« Les animaux font partie de la société, ils sont même indispensables à bien des gens, dit Élise Desaulniers, mais c’est comme si la société ne s’était pas encore ajustée en conséquence. »

La version originale de cet article a été modifiée le 6 octobre 2022 pour corriger le titre du Dr Michel Pepin à l’AMVQ, puis le 19 octobre pour corriger celui de Jérôme Michalon.

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Dans un 4 unités coproriété, une dame âgée recluse vit avec deux lévriers prisonniers. Ses fenêtres, stores et rideaux sont toujours fermés. Ses chiens ne voient jamais la lueur du soleil. Elle se sert de muselières les seuls fois où ils restent seuls et d’ultra-sons lorsqu’ils se mettent à japper. Lorsqu’elle ést arrivée elle n’avait qu’un seul lévrier du nom de Picasso. Elle m’avait dit que c’était « l’homme de sa vie ». J’avais déjà téléphoné à la SPCA, une employée est venue chez-elle. La même semaine, la dame en a acheté un deuxième. La SPCA considère que si le chien n’est pas battu et si on lui donne de la nourriture. Ça suffit! On ne considère pas les problèmes psychologiques non seulement de cette dame mais aussi de ses deux lévriers.

Fascinante cette évolution des mœurs! Il aurait été intéressant de couvrir un autre aspect : les dommages collatéraux et comment les prévenir. Le nombre d’oiseaux qui sont tués – mais pas mangés – par les chats domestiques laissés sans surveillance est effarant. C’est en fait une des deux causes principales de la mortalité des oiseaux, avec les collisions contre les fenêtres des maisons, chalets, balcons et édifices. Des moyens simples, comme des collerettes en tissu multicolore, permettent d’éviter ce massacre, car les oiseaux les repèrent bien. Sans compter que les chats gardés à l’intérieur ont une espérance de vie et une santé bien meilleure que ceux qu’on laisse vagabonder (voir https://catsandbirds.ca/?lang=fr). Les oiseaux sont un maillon essentiel de la biodiversité alors que le chat domestique, non. Ma chatte (Dali) se porte très bien à l’intérieur, et quand elle sort avec son joli collier anti prédation (acheté chez SOS Miss Dolittle), je la trouve même plus jolie qu’avant. Simple question d’habitude, et surtout, grande joie de savoir que mon animal de compagnie n’a plus tué un seul oiseau depuis qu’elle le porte!

Plusieurs éléments sont faux. D’abord une étude française sérieuse a montré que la prédation des chats domestiques était de 10% celle des chats errants.
Ensuite, si les chats et autres prédateurs urbains (coyotes, oiseaux de proie, geais bleus) mangent des oiseaux, ils mangent aussi des rongeurs. Sans ces prédateurs, nous serions envahis par les souris, rats, mulots, etc.
Il ne s’agit pas d’un « massacre », les prédateurs assurent d’ailleurs la santé des espèces lorsque le milieu naturel est respecté. En ville, c’est la perte de biodiversité, la pollution, les pesticides et le manque d’espaces naturels (surchauffe, pas d’accès à l’eau, pas de nourriture disponible, etc.) qui nuisent gravement à tous les animaux naturels.
Pour l’espérance de vie, elle est peut-être plus basse en moyenne à cause des risques des sorties externes, mais s’ils évitent ces dangers, ils vivent en meilleure santé et plus longtemps. Ma mère a élevé une centaine de chats qu’elle a donné surtout à de la famille et des connaissances, amis d’amis, etc. Elle a donc pu remarquer que les chats des propriétaires qui les laissaient sortir vivaient plus longtemps et ne devenaient pas obèses comme beaucoup de chats d’intérieur.

Il va bien falloir un jour aborder la question environnementale reliée à tout cela. Tous ces animaux de compagnie consomment des quantités industrielles de viande et de poisson. En Europe, le débat a cours depuis des années déjà (https://www.theguardian.com/global/2018/jun/26/pet-food-is-an-environmental-disaster-are-vegan-dogs-the-answer), mais ici, on en entend à peine parler. Encore une fois, on préfère se mettre la tête dans le sable et ignorer les conséquences de nos petits caprices sur la santé de notre planète…

Très bon papier. Félicitations M. Benoit pour le travail de recherche. Petite précision, je ne suis pas membre du conseil d’administration de l’AMVQ, mais son responsable des communications et porte-parole! 😉

Bonjour Dr Pepin,
Merci pour votre message. Nous avons intégré la correction dans l’article.

Tous les refuges débordent de chiens, chats, et autres animaux de compagnie. Si on commençait par interdire une bonne fois pour toutes les usines à chiots, voire même les élevages dits « privés », les choses iraient quand même mieux. De même, empêcher les propriétaires d’interdire les animaux de compagnie dans les logements qu’ils louent. Combien de personnes doivent abandonner leur animal faute de trouver un logement qui les accepte…

Merci pour cet article, mais qui me laisse sur ma faim. Oui, on a bien décrit le phénomène social, mais moi je j’aurais voulu connaitre les causes et les dessous. Vous n’avez qu’effleuré les raisons idéologiques, sociales et commerciales.

Idéologiques : quels sont les fondements scientifiques de l’antispécisme?

Sociales et psychologiques : d’où vient cette dépendance affective?

Commerciales. Je soupçonne que Nestlé et Mars sont derrières le fait que plus de la motié des annonces publicitaires sur les chaines télé utilisent un animal pour vendre un produit. De la manipulation subliminale à grande échelle?

Je ne comprends surtout pas pourquoi les humains commencent maintenant à chérir, caresser et aimer davantage les animaux que les humains. À titre d’exemple, ce beau chien attaché devant un supermarché qui se fait salué ou caressé par 1 passant sur 4, à comparé à cette personne dans le besoin, la tasse de carton à la main, devant le même supermarché , qui se fait ignoré par 19 personnes sur 20.

Merci pour l’exemple du grand gars se tordant sur le plancher qui pleure davantage son chien que sa mère. Je ne dirai pas ce que j’en pense…

Je remarque aussi que le discours ambient dans les médias et les réseaux sociaux ne présente qu’un côté de la médaille. Que pense vraiment l ‘autre 50 % de la population qui ne possède pas d’animal domestique?

Ayant vécu une vingtaine d’années sur la côte ouest du pays et voyagé dans l’ouest du continent, je peux dire que c’est au Québec où on retrouve le plus d’hostilité envers les chiens. Ailleurs, les chiens sont assez bien acceptés un peu partout sauf évidemment dans les restaurants mais dans bien des cas il y a des terrasses extérieures où on les admet. Les magasins ont souvent un bol d’eau à la porte pour apaiser la soif de nos compagnons. Les gens sont beaucoup plus responsables, tenant leurs chiens en laisse dans les endroits publics de sorte que les chiens sont acceptés dans bien des parcs contrairement au Québec.

Nous avons remarqué qu’avec la pandémie, les gens ont adopté beaucoup plus de chiens sans savoir comment s’en occuper et ces chiens n’ont évidemment pas de manières n’ayant pas eu d’entraînement adéquat. Dans les endroits où on «tolère» les chiens (ici on est encore loin de les accepter), il faut les garder en laisse (comme d’ailleurs partout au Québec avec les nouveaux règlements provinciaux) mais il y a un grand nombre de promeneurs avec leurs chiens qui ne les gardent pas en laisse de sorte que ce n’est qu’une question de temps avant que des accidents se produisent et les interdictions totales vont revenir.

Le Québec est véritablement une société distincte en la matière et je ne sais pas d’où ça vient. Est-ce que nous sommes encore des colons qui croient que les chiens et les autres animaux ne sont que des meubles qu’on peut acheter et disposer comme bon nous semble ? En tout cas, petite nouvelle, ce n’est pas le cas et il y a des responsabilités qui viennent avec un chien et un chat; ce ne sont pas des meubles mais des êtres vivants et sentants. Oui, ce sont véritablement des membres de la famille et si cela ne vous convient pas, oubliez le fait d’adopter un animal de compagnie.