
La nouvelle est tombée, suivie d’un tollé : après avoir été menacée par la vague d’austérité qui déferle sur le Québec, la subvention de 189 000 dollars au magazine Les Débrouillards sera finalement maintenue.
Mais si on a insisté sur l’importance de l’éducation scientifique, on a omis le plus important : expliquer que Les Débrouillards ne se contentent pas d’être une simple publication ; ils font aussi de la magie.
Chaque mois, j’en suis témoin. Comme un lapin sorti d’un chapeau, le magazine apparaît dans la boîte aux lettres. Puis, ma fille de 10 ans s’en empare, et pouf ! elle disparaît pour toute la soirée. Des heures pendant lesquelles, sans qu’elle s’en aperçoive, elle se gave de sciences, de savants savoirs, et, presque malgré elle, grandit le désir d’en savoir plus encore. La voilà qui, plutôt que de se coucher, cherche maintenant sur le Web pour approfondir un sujet. Il n’y a que la menace parentale qui pourra rompre l’enchantement : c’est l’heure de dormir, bébé !
Je parle de magie ; disons un miracle. Les 27 000 abonnés des Débrouillards acquièrent, sans s’en rendre compte, des connaissances sur la chimie, la physique, la biologie animale et humaine, l’espace, la robotique, la génétique… Mais aussi, grâce aux numéros hors série, sur les arts et les sports.
J’ai été abonné au magazine dans ma jeunesse : il n’est pas étranger à ma curiosité pathologique. Ni à la vocation médicale de ma sœur. Ni d’ailleurs à l’inclination de nombreux lecteurs qui y ont découvert l’envie de faire des sciences leur carrière.
Je parle de magie, mais c’est pour rire. L’édition est une science. Une manière d’attraper le lecteur, de séduire sans racoler.
« On essaie de stimuler l’intérêt par la variété du traitement des sujets, explique la rédactrice en chef et éditrice adjointe des Débrouillards, Isabelle Vaillancourt. On change le style, le traitement. Ça peut être illustré, sous forme de bande dessinée, voire de photoroman. »
Ça fonctionne si bien que les enseignants, toujours à la recherche de matériel pour susciter l’envie de lire, particulièrement chez les garçons, vouent un culte au magazine. Quitte à s’y abonner à leurs frais, raconte Félix Maltais, l’éditeur. « Mais le magazine n’a toujours pas le prestige du livre », déplore-t-il en énumérant les obstacles économiques qu’il doit surmonter, comme les taxes de vente (dont les livres sont exemptés) et celles pour la récupération. Félix Maltais aimerait bien que le ministère de l’Éducation comprenne l’apport de son produit, et l’aide à faire encore mieux.
La survie de la publication n’a jamais été menacée par le retrait de la subvention qui planait sur elle l’automne dernier. Mais Les
Débrouillards assuraient le développement d’un nouveau produit, Curium, destiné aux adolescents. « Depuis septembre, on est allé chercher 3 500 lecteurs pour Curium », se félicite Maltais, qui sait bien que le milieu de l’édition bave d’envie de créer un tel produit de niche qui rencontre une adhésion rapide.
Peut-être est-ce parce que les enfants mesurent encore la valeur de ce qu’est un magazine : un rendez-vous entre une équipe éditoriale et des lecteurs. Un carrefour d’idées, de connaissances, présentées avec un souci de qualité, dans un instrument pensé pour rendre plus agréable la passation du savoir.
Les Débrouillards, c’est une initiation à ce que recèlent les meilleurs magazines d’information, une clé pour apprendre à douter, qui nous affranchit du charlatanisme, de la manipulation politique, de la pseudoscience ou, plus généralement, de la mauvaise foi intellectuelle que distillent avec un certain talent ceux qui cherchent à obtenir notre argent ou notre affection.
Ne serait-ce que pour cela, pour sa capacité de faire de meilleurs citoyens, non seulement on n’aurait pas dû songer à retirer la subvention de l’État aux Débrouillards, mais on aurait dû la doubler.
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Notons aussi l’apport de l’émission Génial !, à Télé-Québec, dont le scientifique attitré, Martin Carli, est une véritable idole des jeunes. Ça nous change de One Direction.
Je crois aussi à la magie car je suis la maman de 2 jeunes lecteurs qui ont la chance de tourner les pages d`un livre et de magazines à tous les soirs. Cependant, ce n`est pas le cas pour tous les jeunes. Combien d`enseignants voir d`écoles sont abonnés au magazine? Est-ce vraiment à eux de défrayer les coûts, j`en doute? La subvention demeure, parfait, il ne faut pas en rester là, Félix Maltais dit qu`il aimerait que le ministère de l’Éducation comprenne l’apport de son produit, et l’aide à faire encore mieux, alors à quand une recherche sur l`impact de la lecture du magazine sur nos jeunes?
Je suis peut-être idéaliste mais si chacun de nous demande au ministère de subventionner l`abonnement à chaque école, un autre pas sera franchi.
Tellement d’accord avec vous ! Je vis la même magie à la maison avec les Débrouillards pour ma fille de 12 ans et les Explorateurs avec mon garçon de 8 ans. Et notez que j’habite Winnipeg au Manitoba, et cette magie qui entre dans la maison est tellement importante pour des jeunes qui vivent en situation minoritaire pour développer le goût des sciences et de la langue française. Longue vie au Professeur Scientifix !
Merci pour ce bel article, M. Desjardins. Merci à votre fille, c’est tellement motivant pour nous de lire que nos magazines font le bonheur des enfants. Nos problèmes avec le ministère sont bien réglés, mais pour notre nouveau et immense défi — faire un succès de Curium, notre nouveau magazine pour les 14-17 ans — nous aurons besoin d’autres coups de pouce.
Je lis aussi avec grand plaisir les commentaires des parents à la suite de votre article, merci à ces lectrices et à leurs enfants.
Toute notre équipe est très motivée pour continuer à participer à l’éducation des jeunes. Cette malheureuse affaire des subventions coupées a quand même eu le bon effet de nous mettre à la Une et de nous amener tellement de commentaires positifs de jeunes, de parents, d’enseignants et de journalistes. Ça nous galvanise encore plus !