La dernière fois que des collègues cosmonautes leur ont rendu visite là-haut, ils sont repartis avec le jardin expérimental, laissant les deux jardiniers de l’espace isolés du monde jusqu’à la fin de l’aventure. « Nous avons admis être tristes et démunis sans nos chères plantes. L’homme a besoin d’avoir quelque chose à entretenir, sinon il se sent vide », écrivit Valentin Lebedev dans Diary of a Cosmonaut : 211 Days in Space (1988). Chaque jour de ce journal intime racontant cette lourde expédition, on observe le cosmonaute solitaire sombrer dans la dépression. À cette époque, le seul fait de pouvoir décrocher le téléphone pour souhaiter, de l’espace, bonne fête à sa mère était de la science-fiction. En 30 ans, l’humanité a fait un très grand pas. De géant.
En décembre dernier, lorsqu’il est arrivé dans la Station spatiale internationale (ISS), l’astronaute canadien Chris Hadfield était excité comme un écolier de trouver son nom sur son casier. Il a illico twitté son bonheur et une photo à ses 20 000 abonnés, 350 km sous lui. Depuis, il en abreuve plus de 500 000, assoiffés de nouvelles en direct du cosmos.
Grâce à son authenticité et à l’utilisation décontractée qu’il fait des outils technologiques, Hadfield est vite devenu l’étoile du Web la plus proche du firmament. Sur Twitter, on l’a vu copiner avec le capitaine Kirk (l’acteur montréalais William Shatner), jouer au guerrier de l’espace en brandissant les capteurs de pression des toilettes et révéler que, au petit coin, les astronautes savourent les citations mordantes du livre Sh*t My Dad Says. Les sons qu’il fait partager avec SoundCloud montrent que l’ambiance sonore de l’ISS est aussi agréable que de coller l’oreille à un aspirateur en marche. Plusieurs fois par jour, il envoie des images de la Terre d’une « flabergastante » poésie.
Cette connectivité avec la Terre est sans précédent : tout a commencé le 22 janvier 2010, moment historique où le premier tweet a été envoyé de la galaxie par Timothy J. Creamer.
Bien que ces 140 caractères n’apportent rien à la science, cette communication humanise les astronautes aux yeux du grand public. Qui d’ailleurs se demande bien comment ils trouvent le temps de nous parler aussi souvent — leur programme du jour tient sur quatre pages 8 1/2 x 11… en version abrégée !
En 1982, Valentin Lebedev avait aussi des contacts, hebdomadaires, avec sa famille. Tout comme les autres astronautes en mission depuis, il voyait s’arrimer à la station spatiale russe des fusées-cargos remplies de fruits frais, de lettres et de journaux.

« Les outils technologiques améliorent le soutien psychologique aux astronautes, affirme Raffi Kuyumjian, médecin de vol de l’Agence spatiale canadienne. La solitude n’est plus une réalité des missions actuelles. Quand viendront les missions vers Mars, ce sera plus difficile : un simple “allô” téléphonique mettra 20 minutes à atteindre la Terre. »
Les deux pieds au sol, Buzz Aldrin, d’Apollo 11, deuxième homme à marcher sur la Lune, observe à l’écran de son ordinateur le quotidien de Chris Hadfield. Il lui a même écrit : « Neil [Armstrong] et moi aurions twitté de la Lune si ça avait été possible, mais je préférerais twitter de Mars. Peut-être en 2040. »
L’espoir dont l’astronaute arrose ses rêves, ça, personne ne peut le lui enlever.
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Les astronautes de l’expédition 34/35 voient 16 aubes et 16 crépuscules chaque jour. Lorsqu’ils font leur exercice quotidien sur le vélo stationnaire, ils parcourent 27 000 km en une heure. Un rêve de cycliste.
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On suit l’expédition 34/35 de Chris Hadfield : @Cmdr_Hadfield, et de son homologue américain, Thomas H. Marshburn : @AstroMarshburn
Buzz Aldrin : @TheRealBuzz
Timothy J. Creamer : @Astro_TJ