Les Québécois ont misé près de 61 millions de dollars dans les jeux en ligne de Loto-Québec au cours des six premiers mois de 2020. C’est quatre fois plus que pendant la même période de l’année précédente. Quant au casino en ligne de Loto-Québec, ses revenus ont bondi de 132 % durant le même espace de temps pour atteindre une somme record frôlant les 106 millions de dollars, selon les données du dernier rapport financier de la société d’État.
Un tel bond des revenus dégagés par les jeux en ligne de Loto-Québec durant le premier semestre de 2020 étonne peu, puisque la pandémie de COVID-19 a grandement perturbé les activités normales de Loto-Québec : la vente de billets de loterie chez les détaillants a été suspendue dès la mi-mars jusqu’au début de mai, et les casinos ont dû eux aussi rester fermés tout au long de cette période.
De plus, les confinements et le télétravail ont facilité l’accès aux jeux d’argent en ligne : d’un clic, on peut miser sans avoir besoin de se déplacer physiquement au dépanneur ou au casino. « Dans le confort de son domicile, on évite le regard des autres, lequel est souvent un frein salvateur pour les joueurs qui risquent de contracter un trouble lié au jeu », dit la psychologue Andrée-Anne Légaré, chargée de cours à l’Université de Sherbrooke.
Cet engouement phénoménal est peut-être bien le premier signal d’une croissance de la dépendance au jeu d’argent en ligne observée à la Maison Jean Lapointe. « Concernant les demandes en lien à des problèmes de jeux de hasard et d’argent, maintenant neuf joueurs sur dix ont des problèmes de jeu en ligne alors qu’avant la pandémie, c’était une minorité [les demandes étaient principalement pour des problèmes avec les appareils de loterie et les jeux dans les casinos] », explique Anne Élizabeth Lapointe, directrice générale de cet établissement qui offre des services de traitement et de réadaptation aux alcooliques, aux toxicomanes et aux joueurs problématiques.
Une spirale infernale
Patrick Bordeleau est aujourd’hui « l’homme le plus heureux de la planète », selon ses propres mots. Ce solide gaillard de 34 ans, mesurant presque 2 m et pesant 102 kilos, a notamment porté le numéro 58 de l’Avalanche du Colorado pendant trois saisons, au milieu des années 2010.
À le voir, lors de l’entrevue en visioconférence, on sent qu’il respire le bonheur et la joie de vivre, lui qui est devenu entraîneur personnel auprès aussi bien de monsieur et madame Tout-le-Monde qui entendent rester en forme que du jeune athlète qui a pour ambition de gagner des compétitions. Et pourtant, cela ne fait qu’un an qu’il a arrêté de consommer alcool et drogues et, surtout, de s’adonner à des jeux d’argent, lesquels avaient ruiné sa vie.
Il y a quatre ans, une suite de malchances et de mauvaises décisions l’ont mené à la dépression. « J’avais 30 ans, tout allait de travers, je me suis mis à vivre dans le noir chez moi, raconte-t-il. Du jour au lendemain, j’ai commencé à boire, à prendre de la drogue et à jouer à l’excès, au casino et beaucoup en ligne. J’allais jusqu’à vider mon portefeuille, incapable de me raisonner, avec une seule pensée en tête : “Je vais me refaire !”»
C’est à 18 ans, durant ses années de hockey junior avec les Foreurs de Val-d’Or, qu’il s’était initié aux jeux de hasard. « On sortait prendre un coup entre coéquipiers, on s’amusait, les jeux d’argent nous détendaient. »
Douze ans plus tard, en proie à une profonde dépression, il a cru que le jeu l’aiderait à se relaxer, comme à l’époque. « Je suis tombé dans une spirale infernale, lâche-t-il. J’ai perdu ma maison, ma femme, mes enfants… » Un soir d’été de 2018, il a mis la main sur la carte bancaire d’un proche et a joué en ligne — et englouti — les 63 500 dollars qui s’y trouvaient. Ce qui lui a valu 45 jours de prison.
Cet engrenage, et les conséquences financières qui l’accompagnent, Anne Élizabeth Lapointe le présente sous la forme des « trois trop ». « Dès lors qu’on joue trop longtemps, trop souvent et trop d’argent, on a un gros problème », décrit-elle. Elle souligne que le jeu en ligne rend difficile la perception des barrières des « trois trop » : « D’un clic, on peut miser 50 dollars, les perdre, et en remiser 50 autres dans la foulée, dit-elle. Ça va très vite, on ne réalise pas vraiment ce qu’on est en train de faire. Même chose avec le temps, il file à toute vitesse lorsqu’on est en ligne. »
La psychologue Andrée-Anne Légaré cite une étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de 2018 dans laquelle il est établi que les jeux d’argent en ligne sont associés à des conséquences négatives nettement plus prononcées qu’avec les autres formes de jeux d’argent : « Les joueurs en ligne misent des montants sept fois plus importants, ils passent plus de temps à jouer, ils diminuent davantage leurs activités physiques, ils ont plus de problèmes de sommeil, ils boivent plus d’alcool, ils ont plus de problèmes de couple et de famille, ils perdent davantage en productivité au travail, bref leur qualité de vie et leur santé mentale sont globalement plus détériorées. »
Cela peut carrément tourner au film d’horreur… En octobre dernier, le juge Carol Richer, du palais de justice de Saint-Jérôme, a condamné à une probation de trois années un homme de 49 ans qui avait gardé chez lui pendant six mois le cadavre « momifié » de sa mère — morte dans son sommeil à l’âge de 71 ans — afin de continuer de toucher les chèques de rentes de celle-ci, d’une valeur estimée à 1 500 dollars par mois. En cour, ce joueur compulsif sans revenu avait argué qu’il avait besoin de cet argent pour payer ses factures et jouer en ligne à Mise-o-jeu, la plateforme de paris sportifs de Loto-Québec.
Que fait Loto-Québec ?
Loto-Québec a-t-elle entrepris quoi que ce soit pour éviter le boum du jeu compulsif observé actuellement ? Dans le dernier rapport financier, Lynne Roiter, présidente et chef de la direction de la société d’État, indique que « l’achalandage sur [leur] site de jeu en ligne, lotoquebec.com, ayant augmenté, [ils ont] jugé opportun d’y tenir des campagnes sur le jeu responsable ».
Marisol Schnorr, chef de service des affaires publiques à Loto-Québec, précise qu’il s’agit des campagnes « Les limites » et « Jouez de façon responsable, jouez chez vous ». L’objectif de la première était d’« informer la clientèle de la possibilité de se fixer des limites de temps et de perte d’argent ». Et celui de la seconde, de « rappeler que, compte tenu de la pandémie, il est responsable de jouer chez soi, en toute légalité, sur le site officiel de jeu en ligne de Loto-Québec ».
Loto-Québec reconnaît par ailleurs qu’elle a mené des campagnes publicitaires en 2020 pour ses jeux en ligne : « Le mandat de Loto-Québec est de canaliser l’offre de jeux sur un site légal, réglementé et contrôlé, dit Mme Schnorr. Dans ce cadre-là, nous avons diffusé et diffusons toujours des publicités télévisées afin de faire connaître notre offre de jeux en ligne. » Elle ajoute dans un même élan que « Loto-Québec se doit d’améliorer constamment son offre de jeux afin de demeurer compétitive ».
De fait, les sites de jeu en ligne foisonnent. « Il y en a des milliers accessibles depuis le Québec, c’est effrayant », affirme Anne Élizabeth Lapointe. « Loto-Québec a mis en place de nombreuses mesures pour empêcher les joueurs de faire n’importe quoi en ligne, des initiatives que l’on ne retrouve pas sur d’autres sites, tempère la psychologue Andrée-Anne Légaré. Par exemple, un joueur peut s’autoexclure pour une durée de trois mois à cinq ans, ou encore il a l’obligation de se fixer une limite de dépôt hebdomadaire au moment de son inscription, une limite qui, s’il décide de l’augmenter, ne changera effectivement que sept jours plus tard. »
Patrick Bordeleau doute de l’efficacité de ces règlements. « Toute forme de publicité pour les jeux d’argent en ligne devrait être interdite, lance-t-il. L’autre soir, j’ai regardé une partie de hockey à la télévision et j’en ai vu passer cinq. Pas une, cinq ! Ces publicités télévisées, c’est aussi indécent que si on diffusait des pubs de cocaïne. »
Je suis tout à fait en accord avec vous, il ne devrait surtout pas y avoir des pub de casino des États Unis Spin palace etc…
J’ai découvert le jeu en ligne avec cette pub il y a quelques années et ça m’a ruinée.
J’ai fais une thérapie mais j’ai fait quelques rechutes.
Présentement chaque publicité me rend mal alaise. Il est facile de d’auto-exclure du Casino de Montréal mais il en reste beaucoup en ligne et je reçois beaucoup de pub par texto et email
C’est l’enfer
J’aimerais un plainte au près des chaînes de tv qui publicise c’est publicité attrayante de casino en ligne.
Mais comment faire?
Comment me bloquer de tous les site de casino en ligne? Certains pays ont ce genre d’outils mais pas ici.
C’est difficile
Merci