L’armée blâmée dans le dossier de Stéphanie Raymond

Après l’acquittement de l’adjudant André Gagnon, qu’elle accusait de l’avoir agressée sexuellement, l’ex-caporale poursuit son bras de fer avec la machine militaire. Surprise : une autorité administrative de l’armée vient de lui donner raison.

« C’est un cauchemar. » En ce matin du 22 août, Stéphanie Raymond vient d’apprendre le verdict dans le procès en cour martiale de l’adjudant André Gagnon, qui était accusé de l’avoir agressée sexuellement. Non coupable. Au bout du fil, sa voix s’embrouille dans un sanglot : « C’est comme si je me faisais cracher au visage! »

Cet acquittement – qui fera l’objet d’un appel – , c’est un autre revers cuisant dans ses démêlés avec la machine militaire qui, à partir du moment où elle a porté plainte contre son supérieur, en janvier 2012, a tout fait pour lui nuire, soutient-elle. Mais l’ex-caporale de Lévis ne s’est pas laissée aller longtemps au désespoir. Car tout en digérant sa défaite, elle continue à se battre sur un autre front : la jeune femme veut obtenir réparation pour le sort que les Forces canadiennes lui ont fait subir en guise de représailles, estime-t-elle, pour ses démarches contre l’adjudant. « Jusqu’à maintenant, dit-elle, personne n’a été puni sauf moi. »

Cette bataille-là, Stéphanie est peut-être sur le point de la gagner. Une instance administrative vient de lui donner raison, dans une analyse qui confirme que l’armée n’est pas toujours tendre envers qui ose se dire victime de violences sexuelles.

À la suite des événements survenus le 15 décembre 2011, au manège militaire de Lévis, Stéphanie Raymond s’est démenée pendant près de deux ans pour faire entendre sa plainte contre l’adjudant Gagnon, qui avait d’abord été rejetée. Deux ans d’hostilités au cours desquels ses chefs ont fait pression pour qu’elle abandonne ses recours, affirme-t-elle, et ont semé sur sa route toutes sortes d’embûches professionnelles. Une accumulation de réprimandes et de portes fermées à des postes ou promotions, qui a fait dérailler sa carrière et a culminé par son congédiement, l’an dernier. Quand l’accusation d’agression sexuelle a finalement été déposée, à l’automne 2013, Stéphanie avait déjà reçu son avis de « libération » la disant « inapte à continuer son service », pour cause d’inconduite.

Pour faire corriger ces préjudices, l’ancienne commis de la réserve a engagé une joute administrative avec son ex-employeur. Les Forces ont leur propre mécanisme de résolution des griefs, assorti de plusieurs instances d’appel – Stéphanie en a déposé quatre au cours de l’année dernière. Après quelques échecs et bien des méandres bureaucratiques, son dossier s’est retrouvé chez le Directeur général de l’Autorité des griefs des Forces canadiennes (DGAGFC), l’avant-dernier étage du système de griefs de l’armée, qui a réétudié l’ensemble de l’affaire.

Cette cellule vient de lui donner gain de cause. Le DGAGFC juge que la chaîne de commandement a bel et bien manqué à ses devoirs à son égard, et que ces injustices méritent d’être redressées. La balle est maintenant dans le camp du chef d’état-major de la défense, le général Tom Lawson; c’est à lui qu’appartient la décision finale de lui accorder ou non satisfaction. Le dossier est à son bureau depuis juillet.

En cas de refus, Stéphanie passera au palier supérieur : elle contestera la décision devant la Cour fédérale, avec l’aide de l’avocat et colonel à la retraite Michel Drapeau, qui l’accompagne dans ses démarches depuis le mois de mai.

Dans l’analyse datée de juin 2014, dont nous avons obtenu copie, le DGAGFC recommande au chef d’état-major d’accéder à presque toutes les demandes de l’ancienne caporale. On y préconise, entre autres, que son congédiement soit annulé, et qu’elle obtienne rétroactivement la promotion au grade de caporale-chef qui lui avait été refusée. Elle pourrait ainsi, à son choix, démissionner volontairement; poursuivre sa carrière comme réserviste (un poste de commis est même disponible pour elle à Québec); ou encore entreprendre la formation d’officier de la force régulière qu’elle avait prévu suivre, mais dont elle avait été écartée sans raison valable, selon le document.

Pour couronner le tout, le DGAGFC suggère qu’une décoration lui soit remise « pour ses 12 années de loyaux services »… et que le chef d’état-major présente des excuses par écrit à la jeune femme ainsi qu’à son conjoint.

Finalement, dans un jargon typiquement militaire, on recommande que le commandant de la force terrestre « ordonne les enquêtes nécessaires afin d’examiner et recommander toute mesure appropriée relativement aux actions prises par ceux impliqués dans ce dossier », une façon de dire que les responsables de ces préjudices pourraient devoir s’expliquer.

Le document a été préparé par le major Pierre-Étienne Bruneau, un analyste du DGAGFC qui a mené sa propre enquête entre les mois de février et juin 2014. Lire ces 15 pages, c’est lire le récit d’une carrière ascendante qui, tout à coup, dérape et plonge. C’est l’histoire de supérieurs qui ne prennent « aucune action concrète » à la suite de la plainte d’une subordonnée; d’un « climat de confrontation » qui s’installe; d’un parti pris négatif qui teinte dès lors leurs décisions à son endroit. « Au cours des mois suivant les événements du 15 décembre 2011, la plaignante semble avoir subi une série d’injustices et elle se sent abandonnée par sa chaîne de commandement, écrit l’analyste. On explique mal les agissements de cette chaîne de commandement et cela mériterait d’être examiné plus en profondeur par une autorité autre que le DGAGFC, afin de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. (…) Le niveau de soutien offert à la plaignante n’est pas du tout conforme aux politiques des Forces ». Il poursuit : « Il semble que la plaignante est visiblement perçue comme une « faiseuse de trouble » par sa chaîne de commandement alors que c’est cette même chaîne qui, n’adressant pas la situation correctement, alimente l’exaspération de la plaignante ».

C’est la première fois qu’une instance des Forces canadiennes reconnaît, noir sur blanc, que l’ex-caporale a été injustement traitée par sa hiérarchie. « Même s’il ne s’agit pas de la décision finale, dit la principale intéressée, en lisant ça, je me suis dit qu’enfin, quelqu’un vient d’allumer, enfin quelqu’un s’est penché sur le problème pour vrai! » Mais le chef d’état-major aurait beau la réintégrer à bras ouverts dans ses rangs, la jeune femme, étudiante en administration à l’université, n’y remettra jamais les pieds. «  L’armée n’a pas changé. Ni les mentalités. Je n’ai absolument aucune confiance d’être en sécurité physique et psychologique avec eux. »

Ce que l’Autorité des griefs a documenté dans l’affaire Stéphanie Raymond est loin d’être un cas isolé. Avocats, psychologues, intervenants et victimes nous ont raconté la même histoire dans le cadre de la grande enquête parue en avril dans L’actualité et reprise dans Maclean’s : trop souvent, la chaîne de commandement se retourne contre celles qui dénoncent des violences sexuelles, car ce faisant, elles compromettent la sacro-sainte cohésion des troupes. Cette trahison, bien des victimes la vivent encore plus douloureusement que l’agression elle-même.

« C’est un peu comme l’enfant abusé qui révèle qu’il s’est fait abuser par son père, et qui est rejeté par le reste de sa famille. Plus personne ne lui parle, parce qu’il a brisé le secret de famille », nous disait l’an dernier le psychiatre Édouard Auger, qui reçoit les anciens combattants à la Clinique des traumatismes liés au stress opérationnel du CHUQ, à Québec. « L’armée, c’est une sous-culture très fermée, les gens se tiennent. Et le plus souvent, si tu aimes ta carrière, tu n’as pas avantage à risquer de te faire mettre de côté en portant plainte. » Ainsi, la vaste majorité des victimes d’agressions sexuelles (au moins 90%, selon différentes estimations) ne signalent jamais ces incidents aux autorités.

Dans la foulée du procès en cour martiale de l’adjudant Gagnon, à Québec, qui a défrayé la chronique pendant deux semaines, en août, le système de justice des Forces s’est retrouvé sous le feu des critiques. Le manque d’étanchéité (réel ou soupçonné) entre l’appareil judiciaire et la hiérarchie militaire; le jury composé de cinq hauts gradés, tous des hommes; cette pratique, de plus en plus rare sur la planète, de juger les crimes des soldats en marge de la société civile (le Canada et les États-Unis sont parmi les seuls pays occidentaux qui le font encore) : tout cela entache, aux yeux de plusieurs observateurs, l’apparence de justice du système. Or, ce n’est là qu’une partie du problème. Le traitement des plaintes de violences sexuelles déraille parfois bien avant que les allégations se fraient un chemin jusqu’à la cour.

Lorsque Stéphanie Raymond songe au verdict et aux humiliations multiples qui l’ont précédé, ça lui donne « mal au cœur », confie-t-elle. Le procès s’est avéré l’une des expériences les plus pénibles de sa vie, une chose « interminable, comme de la torture », qui lui a fait perdre le sommeil et l’appétit. Malgré tout, elle ne regrette rien. « Je savais que les chances de condamnation étaient minces. Je savais que j’allais me faire juger sur la place publique. J’ai été salie dans certains médias, sur les réseaux sociaux. C’était un risque en dévoilant mon identité publiquement. Mais il fallait absolument que le système soit exposé au grand jour, même si j’allais en payer le prix. »

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Pour avoir aussi été victime de harcèlement ..sur quelques formes…. J’avoue que je suis très admirative face à la détermination de la plaignante. Elle a fait preuve d’un courage mais surtout, d’une détermination incroyable.. j’ai aussi adressé une plainte et bien entendu, la chaine de commandement vas condamner la plaignante bien avant le coupable. Surtout si celui-ci est d’un grade supérieur et avec plus d’ancienneté.. La première parole que l’on met en doute c’est celle de la plaignante..
Félicitation pour cette très grande ténacité… je vous lève mon chapeau bien bien haut!!!

C’est un peu typique de ce que les victimes d’agressions sexuelles doivent endurer si elles portent plainte, que ce soit dans le système militaire ou le système judiciaire civil. La « justice » vise à faire condamner un accusé et la poursuite doit prouver sa culpabilité hors de tout doute raisonnable – quand on fait face à 2 versions d’un événement qui se contredisent, sans autre preuve corroborative, le juge ou le jury doivent donner le bénéfice du doute à l’accusé, selon le principe de la présomption d’innocence et du fardeau de la preuve qui incombe à la poursuite.

Mais il est aussi évident que d’avoir un système parallèle pour les militaires au lieu du système judiciaire civil est un anachronisme qui n’a pas sa place aujourd’hui. Il est paradoxal par exemple que la Cour suprême du Canada ait jugé qu’un jury composé de 6 jurés était inconstitutionnel pour le système civil (la norme est de 12 jurés mais on permettait un jury réduit de 6 en particulier pour le nord où il y a moins de candidats jurés dans les petites collectivités) alors que le système militaire fonctionne avec 5 jurés… Il est important non seulement que la justice soit rendue mais qu’elle apparaisse avoir été rendue et le système militaire, même si justice était rendue, est le meilleur exemple d’une justice qui n’apparaît pas avoir été rendue.

Mme Raymond a été bien courageuse de dénoncer l’agresseur car elle savait très bien à quoi elle s’exposait – cela en soi donne une bien grande crédibilité à sa version des faits et même si ça ne suffit pas pour une condamnation au criminel, il ne fait pas l’ombre d’un doute que la hiérarchie militaire doit redresser les torts qui lui ont été causés.

Bravo @ Stephanie Raymond pour son courage! Pour le commun des mortels qui regarde cela de loin , il était évident que l,adjudant allait être blanchi des accusations!!!! Il ne faut pas déranger l, AUTORITÉ !!

Bravo Stéphanie pour ton courage et ta tenacité Ca ne sera pas facile mais dis-toi que l’opinion publique est de ton bord et que grace à toi , peut -etre que des innocentes victimes du systeme se sentiront moins défavorisées et pourront peut-etre se sentir plus appuyées et ainsi faire les démarches afin que soient punis leurs agresseurs . Tout ce travail , cette souffrance et ces humiliations que tu a dus supporter vont porter fruits ,j’en suis certain Bonne chance .

Blamée par qui la gauche ? Rappelons que c`est elle qui est allé s`asseoir à califourchon sur l`adjudant. Et pas longtemps après ces faits, elle a posé pour Summum, magazine qui fait des photos sexy de jeunes femmes en petites tenues pour les hommes. Une femme qui subit un viol ou harcèlement sexuel grave ne va pas poser pour un magazine pour homme en petite tenue pas longtemps après les faits. Quel farce monumentale ces accusations de violences sexuels. Des scènes smblables se produisent par millions entre hommes et femmes et il n`y a jamais d`accusation de violence sexuel.

Premièrement Monsieur jackwood, madame Raymond ne sait jamais assise sur lui à califourchon. Où avez vous été cherché pareille affirmation ? Deuxièmement, les photos de Summum et le Calendrier 2012 à été sortit avant l’agression. Photos prises en Juillet 2011, sortit du Calendrier en Novembre 2011 et agression Décembre 2011. Avant de dire des faussetés, vous devriez vérifiez d’abord vos informations. Si je vois une femme dans un camp de nudistes, va-t-il me donner le droit de l’agresser dans un boisé le soir venu? Poser la question, c’est y répondre. Des fausses accusations, c’est vrai qu’il y en a. Mais je ne crois pas que dans cette cause, madame Raymond aurait inventé cette agression. Tu ne t’attaque pas aux Forces Armée Canadienne, pour le plaisir et encore moins pour l’argent. Soyez un peu plus de bonne foi et de lucidité.

Comme je l’ai déjà dit, j’ai travaillé avec Cpl Raymond pendant 4 ans environ, j’étais sa sergent (cc). Et puis mon dieu que je ne l’imagine pas s’asseoir ainsi sur un homme! C’est une fille tellement gênée ou réservée, très solitaire serait le terme. On faisait même des blagues entres commis comme quoi elle était encore la seule qui vouvoyait tout le monde. Elle était tres a sa place côté professionnalisme et c’etait bien écrit dans ses RDP et RAP. Mais bon, je ne la connais pas au lit non plus! Et l’adjudant disait qu’elle avait fait l’étoile. Quand il racontait l’événement, la premiere question qui nous venait en tete c’est « coudonc, etait-elle inconsciente!? » Parce qu’il disait fourer une pâte molle, une planche de plywood sur le sol, inerte.
Je me rappelle qu’elle m’avait déjà racontée plusieurs rumeurs auquelles elle avait a faire face. « Innacessible », indépendante. L’air bête! Elle disait qu’elle se faisait crier ca par des reguliers ou des commis sur le camps Vimy. Ouf, que de souvenir, il y en avait du haut gradé qui la voulait dans son lit, je vous en passe un papier, pis on parle pu d’adjudant-là hihi! Elle était brûlée de ca, j’imagine que cet événement l’a achevée. Plusieurs anecdotes aussi de plusieurs gars qu’elle revirait de bord devant témoins, après il s’en allait inventer toute sorte de rumeurs sougrenues à la troupe.
Je suis contente pour elle qu’elle soit sorti de là.

Excusez mes fautes de frappes, je suis avec un iphone et je m’appelle pourtant Françoise et non François hihi!

Bien contente de voir un commentaire de femme, qui à travaillé avec elle et semble bien la connaître…À savoir qu’elle genre de soldate était la Cpl Raymond, une femme respectable. À lire les commentaires sur les réseaux sociaux, c’est comme entendre la frustration de plusieurs hommes, qui n’avaient pas sue attirer son attention ou pire, cacher la vérité en sacrifiant, une des leurs, pour sauver l’image. Quelle image ?? Que tout va bien, quand on sait très bien qu’il y a des pommes pourrites dans leur rang et qui salissent la réputation des bons gars. J’espère qu’elle gagnera sa cause, parce qu’elle méritait beaucoup mieux de ses pairs, pour ses loyaux services durant plus de 10 ans dans les Forces Armée Canadienne. Les FAC devraient faire un examen de conscience, à savoir c’est qui on veut dans ses rangs…Des gens avec une force de caractère et du courage à revendre ou des hommes lâches qui sont prêt à salir la réputation des FAC en violant et en agressant leurs sœurs d’armes…Des qualificatifs pour dégrader la femme, il en a beaucoup trop. En tant que citoyen, j’attends beaucoup plus que cala des hommes qui sont censés protéger le peuple et pouvoir être FIÈRE de se qu’ils font.