
Kevin Tremblay
Technique en interprétation théâtrale, collège Lionel-Groulx
C’était dur sur le moral cette fin de session en confinement. Je trouvais même ça parfois pathétique. C’est quatre ans d’une vie où tu viens aiguiser la personne que tu es, l’artiste que tu es, en compagnie de tes profs, de tes collègues de classe. Tu crées une famille. Du jour au lendemain, on t’enlève cette famille. Oui, il y a Zoom, mais quand tu pèses sur le bouton rouge, tu te retrouves seul. C’est cette solitude-là que je trouve difficile.
Notre cohorte est la seule en 50 ans d’histoire à l’option théâtre pour qui le creux, à la sortie de l’école, va demeurer pour on ne sait combien de temps. Est-ce qu’on va passer sous le radar ? On va sortir positivement ou négativement de cette crise ? Je ne le sais pas.
Déjà, dans le milieu, la compétition est assez difficile. Les offres de travail ne sont pas tant là. Je me demande si les institutions théâtrales vont pouvoir se permettre le luxe d’engager de la relève.
Ces deux derniers mois, je suis retourné au Lac-Saint-Jean, chez mes parents. Ça fait quatre ans que je suis autonome, que je vis mes affaires et que je veux vivre mon rêve, ma passion. Je reviens au Lac-Saint-Jean et c’est comme si rien ne s’était passé. Pour moi, c’était comme si je n’avais pas prouvé à mes parents que j’étais capable de faire ce métier. Pour l’orgueil, c’est confrontant retourner chez ses parents.

Rosalie Malo
Études préuniversitaires en sciences humaines, Cégep de Sorel-Tracy
C’est le fait de bouger et les contacts sociaux qui me manquent. Le confinement, ça se fait très bien à l’ordi, c’est juste que je me sentais comme dans une bulle.
Chaque enseignant a décidé de prendre des manières différentes. C’était un petit peu difficile de s’y retrouver. Comme si les profs se disaient : « Tu n’as que ça à faire ». Et toutes les remises étaient en même temps.
Habituellement, lorsque la journée d’école est finie, tu passes à la suivante. Ne pas avoir d’horaire précis, pouvoir faire ça n’importe quand, ça te donne l’impression de ne jamais avoir fini parce qu’il en reste toujours encore un peu.
J’ai eu de la misère à me dire : « Tu peux faire moins d’efforts, parce que la cote R [qui ouvre la porte ou pas aux programmes contingentés] ne compte pas ». Je me mettais beaucoup de pression pas nécessaire. Ça m’a dérangée.
L’université me fait un peu peur. Au cégep, j’avais déjà la moitié de la session de faite, je connaissais mes profs. Là, ce sera nouveau à 100 %. En commençant à distance, comme créer des liens, des amitiés ? On va faire quoi pour les travaux d’équipe ? T’as un beau nom, je veux travailler avec toi ? Par contre, on s’est déjà fait un groupe Facebook, tout le monde se présente, tout le monde se parle déjà.

David Carpentier
Maîtrise en sciences politiques, Université du Québec à Montréal
Ça se passe plutôt bien. J’ai des livres pour m’aider dans la rédaction de mon mémoire. J’ai conduit l’ensemble de mes activités de recherche à distance, procédé à des entretiens sur Skype avec des fonctionnaires. C’est une grosse adaptation technologique pour mener des activités qui traditionnellement ne s’y prêtent pas forcément. Le plus gros défi auquel je suis confronté dans la rédaction de ma thèse à distance, c’est le fait de ne pas pouvoir bénéficier de l’appui et de discussions avec mes collègues sur les thématiques spécifiques qui m’intéressent. Quand tu écris sur un sujet très précis, tu finis par épuiser le réservoir de gens qui peuvent s’y intéresser.
Il y a beaucoup d’incertitude autour de l’accès au campus de l’Université d’Ottawa pour mon doctorat, à la session d’automne. Alors je vais rester à Montréal et attendre à la session d’hiver. À Ottawa, les séminaires et les cours risquent de se passer à distance. Il va y avoir des besoins d’assistants pour épauler le corps professoral dans la transition numérique. Ça risque d’être intéressant à ce niveau-là.
Je ne ressens pas de stress particulier. Ça tarde juste un peu à se préciser.
Émile Bouthillette
École secondaire le Carrefour, Varennes
J’aimais mieux aller à l’école. À la maison, tu es moins attentif, tu veux toujours faire d’autres choses. Il faut se concentrer quand même. C’était dur de ne pas voir mes amis. On recommence à se voir de temps en temps. C’était dur pour la motivation de ne rien faire chez moi.
Je m’en vais étudier dans le coin de Trois-Rivières, dans un DEP en mécanique d’engins de chantier. Ils ne savent pas si le programme va commencer en septembre. J’ai trouvé un appartement, mais pas encore d’emploi pour arriver à le payer.

Kim Lapierre Saoussaou
Baccalauréat en enseignement de l’éducation physique et à la santé, Université Laval
J’ai terminé il y a deux semaines, et j’ai pleuré dans mon bain. Je me disais : « Je viens de terminer quatre ans de bac toute seule. Je ne vois pas tous ceux que j’ai côtoyés pendant ces quatre années, je n’ai pas de bal, je ne peux pas célébrer. » Tout ce que j’ai eu c’est « Félicitations ». Et peut-être une collation des grades virtuelle. Il y a des étudiants qui viennent d’un peu partout. On va être un bout sans les voir ou on ne les reverra peut-être plus. Ça a été rough. On n’a pas conclu la chose.
J’ai vu plein d’annonces de postes des professeurs en remplacement, j’ai saisi l’occasion. J’ai pris un remplacement d’une semaine, j’ai finalement été engagée jusqu’à la fin de l’année. Avec le nombre limité d’élèves dans une classe, on a des belles conditions pour commencer.
Ça ne m’étonnerait pas qu’on ait des contrats assez rapidement. Des profs ne pourront pas revenir et d’autres vont peut-être développer des symptômes, ou quelqu’un de leur famille. Et donc, ils ne seront pas disponibles pour travailler.
En septembre, je pense qu’il va y avoir beaucoup de rattrapage à faire et de révision. Pour certains enfants, ça va être difficile au niveau comportemental. On va s’adapter à la clientèle qu’on a, au nombre qu’on a, aux cas qu’on a dans chacune des classes. Ça, ça ne changera pas.
Alice Famelart
Doctorat en médecine, Université Laval
À ma première année d’études, un de mes enfants a eu des difficultés, alors j’ai interrompu un stage pour régler ces affaires familiales. Ces semaines de stage, il fallait que je les reprenne à la fin, mais en mars et avril, j’étais dans l’incertitude totale. C’était insécurisant, je ne savais pas si j’allais trouver une place. Une semaine avant que les stages reprennent, j’ai appris qu’on m’avait trouvé un stage à l’Hôtel-Dieu de Québec en neurologie.
J’avais hâte, après deux mois chez-moi à ne rien faire… Quand on s’embarque dans des études en médecine, on est devant beaucoup d’années planifiées, beaucoup de sacrifices. Je n’ai pas un parcours standard, je suis maman, j’étais cuisinière. Il a fallu que je fasse mes cours de sciences pures avant d’être acceptée en médecine. Ça fait sept ans que je suis aux études. Tout était setté au quart de tour.
J’ai essayé un stage en santé publique pendant la pandémie : à temps plein en lecture, devant mon ordinateur. Ça ne marchait pas à cause de ma fille. J’ai fait une semaine.
Tu vois tous tes plans qui tombent à l’eau. Tu essaies de t’adapter, mais ce n’est pas tout le temps facile quand la situation change tous les jours.
Depuis que les stages ont repris, je suis plus motivée, je sais davantage où je m’en vais. Je vois la lumière au bout du tunnel. Il va y avoir un décalage, mais je vais entrer quand même à la résidence.

Marc Anhoury
Baccalauréat en génie informatique, Polytechnique Montréal
Ça a été un peu stressant de ne pas savoir pendant des semaines quand tes examens vont arriver. Dans mon cas, tout est bien qui finit bien, j’ai passé tous mes cours.
Je suis en informatique, j’avais déjà l’habitude de travailler sur mon ordinateur. J’ai donc tout réussi de chez moi.
J’avais été embauché un peu avant le début de la pandémie comme programmeur de jeux vidéos. Je travaille de la maison. Je ne pense pas que l’industrie du jeu vidéo ait ralenti avec le confinement. Je dirais même l’inverse : les gens sont plus chez eux, ils vont plus jouer.
C’est mon deuxième baccalauréat et c’était le premier bal des finissants où je voulais vraiment aller. J’avais tellement hâte. Je n’ai pas vu tous ceux avec qui j’ai souffert pendant quatre ans à travailler dur. Je n’ai pas eu ma dernière célébration avec eux.

Loika Beauvil
Baccalauréat en communication, Université de Montréal
J’ai dû déménager chez mon oncle qui habite dans l’Est de Montréal. J’habitais aux résidences de l’université mais je n’avais plus tellement envie de rester aux résidences, qui n’étaient plus aussi accueillantes qu’avant. C’était comme une ville fantôme. Le sentiment de sécurité que j’avais au début, ce n’était plus la même chose. Je ne voyais pas d’employés, ils ne travaillaient plus.
En ce moment, j’envoie des CV. La compétition est plus grande que ce qu’elle était avant. J’ai fait mon possible pour avoir un bon CV en sortant de l’université. J’ai travaillé pendant toutes mes études, j’ai fait des stages, je me suis impliquée dans mon association étudiante et dans mon regroupement étudiant. Je suis confiante dans mes capacités, mais si pour une offre d’emploi il y a 200 personnes qui postulent, les chances que ce soit moi qui sois prise sont quand même réduites. Je suis une étudiante étrangère. Je n’ai pas encore mon permis de travail. Certaines entreprises veulent que j’aie les documents en main pour m’engager, même si je peux travailler dès que je fais ma demande de permis en ligne.
J’aime me projeter dans l’avenir, faire des plans. La pandémie m’a appris que ça ne fonctionne juste plus. En décembre, je ne sais pas dans quelle ville je vais être, je ne sais pas ce que je vais faire, mais j’aimerais être en train de travailler.

Laurie Dumouchel
École secondaire des Patriotes de Beauharnois
Je me suis fait opérer à la jambe le 21 février et j’étais censée retourner à l’école après la semaine de relâche, mais je n’ai pas pu à cause de la pandémie.
Notre école n’était pas très organisée. Ça a pris trois semaines avant que nos profs entrent en contact avec nous pour nous envoyer des devoirs et des leçons.
J’ai été très déçue. Tout était prévu pour qu’à la fin de l’année, à mon bal, je sois capable de marcher, de mettre des talons. Avec mes amies, on avait pas mal toutes nos robes de bal, nos rendez-vous étaient pris. Ça a été un choc.
Je m’en vais à l’ITA [Institut de technologie agroalimentaire] de Saint-Hyacinthe en gestion d’entreprise agricole. C’est une rentrée hybride, en classe et sur l’ordinateur. Je vais déménager à la mi-août. Le stress est beaucoup moins pire parce que j’y vais avec deux de mes amies d’enfance.
Je trouve ça plate de ne pas pouvoir expérimenter la vie au cégep à ma première session. Surtout qu’on n’a pas eu notre fin de secondaire. J’aurais aimé avoir un début de cégep régulier.

Mika Pluviose
École secondaire Sophie-Barat, Montréal
Le confinement en tant que tel n’était pas si difficile. Je n’ai pas nécessairement de misère à rester chez moi. Ça m’a permis de développer de nouveaux intérêts, comme la couture, et de faire plus de lectures.
C’est devenu plus difficile à cause de ce qui se passe aux États-Unis en ce moment, la brutalité policière. Je suis allé aux manifestations la fin de semaine dernière et l’autre d’avant. C’était beau de voir la solidarité des gens. C’était beau de voir que les gens peuvent prendre position là-dessus et supporter ce mouvement social. On est une génération plutôt conscientisée, qui prend position sur plusieurs enjeux. Avec les médias sociaux, on a accès aux informations assez facilement. Ça aide à rester au courant.
Je vais entrer au cégep du Vieux-Montréal en sciences humaines dans un programme qui s’appelle Innovation sociale. Ce sont les enjeux qui touchent le monde, comment conscientiser, comment prendre action par rapport à ça.
J’avais vraiment hâte au cégep pour toute l’expérience que ça représente — rencontrer plein de gens, l’atmosphère. En apprenant qu’il y aurait des cours en ligne, ça m’a un peu déçu. Mais je suis quand même content, je vais avoir des cours au cégep.