Plus de concret, plus de débouchés, plus de plaisir. C’est pour ces raisons que Jo-Anie Dechamplain est retournée au cégep après des études universitaires en anthropologie et en biologie. Diplômée en soins préhospitaliers d’urgence du collège Ahuntsic (Montréal) en mai, à 31 ans, elle a aussitôt trouvé un emploi de technicienne ambulancière paramédicale. « C’est un métier stimulant, varié et où on a une grande autonomie, dit-elle. Ça a valu toutes les nuits blanches passées à étudier ! »
Le parcours de Jo-Anie est de plus en plus répandu. En 2014, 4 030 étudiants universitaires, diplômés ou non, ont présenté une demande d’admission au collégial (4 % de l’ensemble des demandes). C’est deux fois plus qu’en 2003. « Beaucoup de Québécois croient encore que l’université est la voie royale, alors que la formation technique correspond mieux à certains étudiants », explique Bernard Tremblay, PDG de la Fédération des cégeps — des chefs d’entreprise disent d’ailleurs avoir besoin de plus de techniciens. À l’inverse, suivre une formation technique de trois ans n’est pas forcément une fin en soi : 27 % des diplômés enchaînent avec des études universitaires.
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Les cégépiens ont plus que jamais l’embarras du choix. Le réseau collégial donne accès à une foule de programmes : 132 dans le secteur technique et 9 dans le secteur préuniversitaire. Les profils aussi se sont multipliés. En sciences humaines, fini le simple choix « avec ou sans maths » : il faut désormais trancher entre les profils Monde et société, Individu, Administration… Sans parler des nouveaux diplômes que le Conseil supérieur de l’éducation recommande d’ajouter au secteur technique.
« Le monde du travail est plus complexe et plus spécialisé qu’il y a 20 ou 30 ans », dit Isabelle Falardeau, auteure du guide Orient-Expert (Septembre éditeur). Psychologue et conseillère d’orientation au collège de Maisonneuve, à Montréal, elle en est à sa 31e rentrée scolaire. « Beaucoup de jeunes occuperont des emplois que personne n’a exercés avant eux ou dont ils ignorent encore tout. »

Ce qui explique peut-être que les indécis foisonnent. Le Tremplin DEC, qui leur est réservé, attire 6,7 % des cégépiens. Le temps d’une session, ils prennent de l’avance dans les cours de base obligatoires — français, philosophie, anglais, éducation physique —, suivent des cours échoués ou non faits au secondaire et préalables à certains programmes, et apprennent à mieux se connaître. Les journées portes ouvertes et les activités « étudiant d’un jour » peuvent aussi les aider à se faire une idée.
Reste que, en dépit de la variété accrue, les étudiants choisissent à peu près les mêmes formations que leurs aînés. « Les métiers et professions liés aux domaines de la santé et de la loi sont en tête depuis 30 ans », dit Isabelle Falardeau. Les plus populaires sont toutefois souvent contingentés : en techniques policières, par exemple, 25 % des candidats sont admis.
Si les cégépiens optent en masse pour ces programmes, c’est aussi parce qu’ils conduisent à des métiers bien définis. « Il faut les aider à sortir des sentiers battus, dit Line Auclair, conseillère d’orientation au secondaire à L’Assomption, dans Lanaudière. D’autres programmes, méconnus, offrent des perspectives très intéressantes. » Des dizaines de formations techniques permettent d’accéder à un emploi où le chômage est à peu près nul (voir « Top 15 des programmes techniques »). Ainsi, en technologie de maintenance industrielle, le taux de placement (100 %) et le salaire (50 000 dollars pour un finissant) sont alléchants… Pourtant, on ne compte qu’une cinquantaine de diplômés par année (voir « Non, nous ne sommes pas des concierges ! ») !
Les perspectives d’emploi et l’argent ne sont cependant plus les premiers critères de choix. Aujourd’hui, l’équilibre travail-famille-loisirs et l’épanouissement personnel priment. « Comme nous sommes en période de plein emploi ou presque, les jeunes peuvent espérer travailler dans un domaine qu’ils aiment », dit Isabelle Falardeau.
Pression parentale ou pas, beaucoup d’adolescents sont inquiets à l’idée de faire le mauvais choix. Et pour cause : 30 % des cégépiens changent de voie en cours de route. Or, les conseillers d’orientation tiennent à relativiser les choses. Selon eux, il ne faut pas considérer cela comme du temps perdu : ayant accumulé des crédits pour les cours de base, ils profitent d’un horaire moins chargé dans leur nouvelle formation. « Le choix qu’on fait à 16 ans n’est pas celui de toute une vie, il est possible de se tromper, insiste Line Auclair. Le mieux est de suivre ses passions. »
C’est le pari de Vincent Morand, 18 ans à peine et finissant en soins préhospitaliers d’urgence au cégep de Saint-Hyacinthe (voir « Adrénaline et hémoglobine »). Tenté par le métier de conducteur de machinerie lourde, il s’est ravisé. « J’aurais pu faire la “piasse”, mais je me serais vite ennuyé, dit-il. Pour moi, le salaire ne compte pas. Ce que je veux, c’est une poussée d’adrénaline et le sentiment d’aider les gens. » L’avenir ne le préoccupe pas non plus. « Je serai d’abord “paramédic”, mais peut-être que j’irai plus tard à l’université, ou que je reviendrai au cégep… Et si jamais il faut que j’aille travailler à Tombouctou, ça ne me dérange pas ! »
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Vieux Montréal
«Non, nous ne sommes pas des concierges!»
Laver des planchers et vider des poubelles : pour bien des gens, telles seraient les tâches d’un diplômé en technologie de maintenance industrielle (TMI). Mais la réalité est bien différente : en 2013, des étudiants en TMI du cégep du Vieux Montréal ont participé à la conception d’un lubrifiant avec l’entreprise belge Sogelub. Destiné à prolonger la durée de vie des chaînes d’escaliers mécaniques du métro de la Société de transport de Montréal, ce produit, très poétiquement baptisé R 603 TM 2, est désormais vendu dans le monde entier !

« Personne ne connaît notre formation », dit en riant William Lechasseur, 19 ans, queue de cheval et écouteurs dans le cou. Finissant au Vieux Montréal, il veillera au bon fonctionnement d’équipements industriels, de l’installation à la réparation en passant par la prévention de bris ou la création de systèmes de production. « Toutes les usines ont besoin de nous ! »
Mal nommé, mal connu, le programme de TMI peine à recruter des étudiants : seulement une cinquantaine de diplômés sortent chaque année des huit cégeps qui l’offrent. Au Vieux Montréal, 40 étudiants suivent le programme, dont 13 sont en dernière année. « C’est loin de répondre à la demande, dit Stéphane Boivin, coordonnateur du Département de génie mécanique du cégep. Le taux de placement frôle les 100 %. »
Ce métier fait partie des priorités de la Commission des partenaires du marché du travail, et le salaire moyen (à partir de 50 000 dollars à Montréal) est l’un des plus élevés parmi les titulaires d’un DEC. Ce qui n’empêche pas la moitié des diplômés du Vieux Montréal de poursuivre leurs études à l’université, la plupart en génie de la production automatisée à l’École de technologie supérieure.
Répartis entre théorie (40 %) et pratique (60 %), les cours se déroulent dans les laboratoires ultramodernes du cégep. Robots, microscopes électroniques, fours à haute température, atelier de soudure, bancs de simulation hydraulique ou pneumatique… Les équipements ont nécessité des investissements importants : plus de deux millions de dollars pour la seule salle de robotique, aménagée en 2013.
En plus d’un stage de trois semaines en dernière session, les futurs techniciens en maintenance industrielle réalisent une « épreuve synthèse programme » en industrie, afin de démontrer leurs compétences (modifier ou optimiser des équipements existants, concevoir un programme de maintenance…). Ils seront appelés à travailler dans divers secteurs, comme l’aéronautique, l’agroalimentaire, l’éolien, l’industrie pharmaceutique, etc.

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Garneau
Un cégep entreprenant!
Cégépiens entrepreneurs…
Garneau vise haut. Avec son École d’entrepreneuriat, la première du genre au Québec, le cégep compte former 40 entrepreneurs par année. « Notre ambition est de combler le déficit entrepreneurial de notre région, dit la directrice, Denise Trudeau. Mais aussi de maintenir notre santé financière grâce à de nouvelles sources de revenus. » Privée et payante — droits de scolarité de 10 000 dollars pour quatre à six mois de formation —, l’École, ouverte en mai dernier, s’adresse aux aspirants entrepreneurs, et se différencie ainsi de l’École d’entrepreneurship de Beauce, fondée en 2010, qui cible les personnes déjà dans les affaires.
Bernard Guay-Dumas, 27 ans, fait partie de la première cohorte de l’École. Étudiant en sciences humaines, il avait troqué le cégep contre les Forces armées canadiennes, en 2010. Mais c’est avec enthousiasme qu’il s’est réinscrit à Garneau avec l’idée de créer une entreprise pour concevoir des sites Web à prix abordables. « Je n’avais jamais osé passer à l’action, mais l’encadrement motivant de l’École m’a permis de lancer enfin mon projet », dit-il.
L’École d’entrepreneuriat de Québec ne décernera pas de diplôme : le gage de réussite résidera dans la création de l’entreprise de chacun des participants. Elle pourrait toutefois faire des petits, puisqu’une dizaine de cégeps souhaitent créer la leur sur le même modèle.
… et globe-trotteurs
Étudiante en sciences humaines, Jennifer Couttet n’avait que 17 ans, en 2013, lorsqu’elle est allée faire une session d’études de quatre mois en Argentine. Ses parents l’ont laissée partir sans inquiétude ? « J’étais tellement motivée que je ne leur ai pas vraiment donné le choix ! » répond-elle en riant. Ayant réussi tous ses cours, elle avait obtenu une bourse du ministère de l’Éducation couvrant le tiers de ses frais de séjour et elle a travaillé pour combler la différence. Aujourd’hui, en deuxième année au bac en enseignement à l’Université Laval, à Québec, elle envisage de poursuivre ses études en Amérique latine et d’enseigner un jour l’espagnol au secondaire.
Pionnier en la matière, le cégep Garneau offre depuis 2011 des sessions complètes à l’étranger avec l’accompagnement d’un professeur — d’autres établissements en proposent aussi, mais de plus courte durée ou sans encadrement. Les étudiants peuvent choisir entre deux profils : Globe-trotter (en sciences humaines, avec une session en Amérique du Sud) et Immersion (en arts, lettres et communication — option langues, avec une session en Espagne et en Allemagne).
Frais de séjour
Profil Globe-trotter : de 8 500 à 9 000 dollars pour les droits de scolarité, l’hébergement en famille d’accueil, les repas et le transport aérien. Profil Immersion : environ 10 000 dollars.
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Maisonneuve
Parc ici, les pompes et les turbines
Un métier à la fois physique et intellectuel. C’est ce que recherchait Gabriel Limoges quand il était au secondaire. Mais quelle formation choisir ? Le déclic s’est fait lors d’une « journée métiers » à sa polyvalente, à Pointe-aux-Trembles, à laquelle participait une représentante de la société pétrolière Suncor. « En entendant parler du programme de techniques de procédés chimiques, je me suis rendu compte que c’était pour moi, raconte ce solide gaillard de 18 ans. Il faut réfléchir, être débrouillard et réagir vite en cas d’urgence. »
Aujourd’hui en deuxième année au collège de Maisonneuve, à Montréal, Gabriel ne regrette pas son choix. Le taux d’emploi et la rémunération sont alléchants : un débutant peut gagner 70 000 dollars avec les primes de nuit. Mais surtout, le DEC ouvre les portes d’une foule d’industries : pharmaceutique, alimentaire, cosmétique, etc.

Gabriel a même obtenu une bourse d’études de 2 000 dollars sur trois ans de Suncor, où il fera un stage d’été de trois mois à la fin de sa deuxième année et où un emploi d’opérateur l’attend. Il n’écarte cependant pas l’idée d’enchaîner plus tard avec des études universitaires en génie chimique ou mécanique.
Alors que les besoins sur le marché du travail sont en pleine croissance, les candidats comme Gabriel sont rares, notamment en raison de la perception négative que beaucoup de personnes ont à l’égard des secteurs chimique et pétrochimique. Actuellement, 51 étudiants sont inscrits au DEC sur trois ans à Maisonneuve, seul cégep à offrir le programme. Une quarantaine d’autres suivent une formation continue. Les cours sont donnés dans un bâtiment moderne, à trois stations de métro du campus principal. Dotés d’équipements de pointe, les laboratoires comprennent entre autres une minicentrale thermique avec chaudière produisant de la vapeur à haute pression.
« On essaie de reproduire toutes les conditions réelles de l’industrie », dit Claude Lanteigne, coordonnateur du département. Chimie, mécanique, électricité… le programme vise à former des techniciens polyvalents, capables notamment de diriger un procédé industriel de fabrication, de faire fonctionner pompes, turbines et autres réacteurs, de détecter des anomalies et de déterminer leurs causes. Et dans les cours, l’accent est mis sur la santé et la sécurité du travail, tout comme sur le respect des normes environnementales.
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Saint-Hyacinthe
Adrénaline et hémoglobine
Sang sur les mains, œdème aux lèvres, douleur au dos. Victime d’un accident de voiture, Dora-Elsy Blanchette a réussi à sortir de sa voiture quand deux techniciens ambulanciers paramédicaux arrivent. Rassurants, appliqués, ils évaluent l’état de la jeune femme, lui mettent un collet cervical, l’allongent sur une planche dorsale, prennent ses signes vitaux, puis la glissent sur un matelas immobilisateur avant de la transporter en civière jusqu’à l’ambulance.
Cette scène, fictive, se déroule au laboratoire de simulation d’interventions en traumatologie du cégep de Saint-Hyacinthe. Dora-Elsy et une dizaine de ses condisciples de troisième année en soins préhospitaliers d’urgence jouent le rôle que l’enseignant leur a assigné : accidenté ou paramédical. Chaque fois différents, ces « accidents » feront bientôt partie de leur quotidien : chute d’un balcon, blessure causée par une scie à chaîne… Leurs moindres gestes sont scrutés par l’enseignant, qui donne ses commentaires à la fin de l’exercice. « C’est la meilleure façon de constater nos erreurs et de ne pas les répéter, dit Vincent Morand, 18 ans, cadet de la cohorte. Ça m’est arrivé de “tuer” mon patient : c’est sûr que je vais m’en souvenir ! »

Les cours pratiques se déroulent dans des salles comprenant la partie arrière d’une véritable ambulance, une voiture dans laquelle s’entassent des mannequins blessés, ainsi que des décors variés (chambre d’un centre pour personnes âgées, salon d’un bungalow, escalier en colimaçon…). Les étudiants font également des simulations à l’extérieur du cégep (ferme, forêt…). Enfin, ils s’initient à la conduite d’urgence sur la piste de course automobile de Saint-Hyacinthe.
Le programme de soins préhospitaliers d’urgence est l’un des plus populaires au Québec, surtout chez les garçons. Il jouit d’un excellent taux de placement, mais c’est aussi l’un des plus contingentés. Créé en 2006 et offert dans neuf cégeps et deux collèges privés, il reflète l’évolution du métier : les brancardiers d’autrefois sont devenus des techniciens pratiquant certains actes médicaux et administrant des médicaments.
Le DEC ne suffit toutefois plus pour exercer ce métier. Depuis 2011, les diplômés doivent passer l’évaluation du Programme national d’intégration clinique du ministère de la Santé. Cet examen, dont le taux de réussite avoisine les 70 %, permet à ceux qui le réussissent de s’inscrire au Registre national de la main-d’œuvre des techniciens ambulanciers.
Bonjour,
Je suis ingénieur retraité et j’ai enseigné un an en minéralurgie à Sept-Iles.
Ils m’ont engagé pour partir le secteur et surtout les laboratoires
Je déplore le manque de budget et d’équipements nécessaire à la formation des éléves surtout en troisième année.
En fait il n’existait aucun équipement pour satisfaire les normes du ministère en troisière année alors que l’abitibi et Tedford étaient pleinement équipés pour cette matière.
Comment celà se fait-il et ou sont allés les budgets pour partir ce département.
Noter que l’ingénieur responsable de cette formation avait donné sa démission l’année précédente.
Je crois que certains cours auraient intérêt à être concentré dans un nombre restreint de CEGEP afin de fournir la meilleure formation possible.
Inutile de vous dire qu’en minéralurgie (procédés de concentration) il est primordial qu’un mini usine pilote soit existante afin que les élèves puissent se familiariser avec le contrôle de procédé.
L’usine pilote du CEGEP de l’abitibi a couté $4 millions.