Le sentiment d’injustice

Sur papier, nos lois nous apparaissent généreuses, égalitaires. En pratique, toutefois, elles sont hors de portée de la majorité d’entre nous, estime Me Julien David-Pelletier.

Maria1 habite, comme 30 % des ménages de Montréal, un logement affecté par des problèmes d’insalubrité. Un supplice pour son fils asthmatique, qui entre cette année à l’école. Son médecin ne peut pas vraiment faire plus que de lui recommander une médication, même s’il aurait trouvé bien plus utile de lui prescrire un avocat (le professionnel, pas le fruit).

Maria est découragée, car elle sait pertinemment que son propriétaire ne craint pas une Régie du logement qui met en moyenne 790 jours à entendre un recours en insalubrité. Le Code civil est pourtant très clair sur les obligations du propriétaire, mais c’est onéreux que de l’invoquer. Son fils manquera beaucoup de jours d’école. Imaginez les conséquences de ces journées d’absence pour un enfant en plein apprentissage.

Cette histoire rappelle que les injustices structurelles, systémiques, économiques, toutes ou presque, portent en elles une norme qui les permet, ou une autre qui en permettrait l’éradication. C’est le pas à franchir entre les deux qui s’avère souvent complexe, ou considéré comme tel par les adeptes du statu quo.

Par exemple, seulement 5 % des agressions sexuelles ont été rapportées à la police en 2014. Le Globe and Mail mentionnait, dans une enquête nationale, qu’environ 20 % des plaintes rapportées à la police ont été jugées non crédibles, et rejetées sans suite. Elles n’apparaissent même pas dans les statistiques officielles.

Justine2 suit en ce moment toutes les pénibles étapes pour dénoncer son agresseur, mais elle doit poireauter encore huit mois pour réaliser l’enregistrement vidéo de sa plainte avec la police. Comment espérer, sur le plan humain, qu’elle puisse donner les réponses les plus précises après une attente si longue ? N’y a-t-il pas moyen d’accélérer le processus, surtout en ces temps où l’on tente de réduire, avec raison, les délais des procès ?

N’empêche. Au lieu des injustices elles-mêmes, on commentera plutôt le sentiment d’injustice. Celui qui aurait entraîné l’élection de Donald Trump, celui qui provoquerait le clivage de nos sociétés, celui qui amène certains à commettre l’irréparable, celui que cultivent certains élus pour favoriser leur candidature. Au point qu’on en oublie les éléments structurels des injustices.

Notre système de justice est sous-financé, et ne satisfait pas, selon une majorité d’études, aux besoins réels et pressants des gens. Et pour cause : on oublie trop souvent l’instrument de changement social qu’il pourrait représenter s’il était plus accessible.

Sur papier, nos lois nous apparaissent généreuses, égalitaires, et découlant d’un humanisme qui tend vers le mieux. En pratique, toutefois, il est facile d’en oublier l’essence, tant elles sont hors de portée de la majorité d’entre nous. On ne peut alors s’étonner de ce qui habite le cœur et l’esprit de ceux qui subissent les imperfections du système.

Le droit est le plus souvent abordé sur le plan criminel, parce qu’il nous fascine. Il a pourtant une incidence bien plus importante sur notre quotidien que ces seuls procès très médiatisés. L’ignorance que nous en avons collectivement — qui a déjà suivi un cours de droit obligatoire à l’école secondaire ? — nous prive d’éléments fondamentaux de notre vie en société.

La porte est alors ouverte au maintien perpétuel de l’inertie, et le manque d’accès à la justice devient une fatalité. Il faudrait un arrêt Jordan pour effectuer un simple rattrapage du financement de la justice.

Et pourtant, Maria et Justine ont besoin de bien plus qu’un rattrapage. Elles auraient plutôt besoin d’un système réellement capable de traduire ses promesses en mesures concrètes de réparation pour ses bénéficiaires. Là est tout le défi, et le relever est incontournable pour contrer ce sentiment d’injustice.

[1] [2] Noms fictifs.

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Julien David-Pelletier est conseiller spécial du bâtonnier du Québec pour l’accès à la justice, et cofondateur de la Clinique juridique Juripop.

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Si les règles de la Régie du Logement étaient plus équitables envers les proprios et moins complaisantes envers les locataires, peut-être que les proprios seraient plus motivés à rénover leurs logements. Par exemple, selon les règles actuellement en vigueur, ça prend 40 ans à un proprio pour récupérer une dépense en capital (i.e.: chauffe-eau, toiture, balcons, etc…) ce qui est une totale aberration (quel chauffe-eau ou toiture dure 40 ans?) et qui démotive complètement les proprios d’effectuer des dépenses en capital et même des dépenses courantes.

De plus, si la Régie permettait aux proprios de conserver 1 ou 2 mois de loyer à l’avance comme ça se fait partout dans le monde civilisé, les attentes à la Régie seraient diminuées de beaucoup car peu de locataires quitteraient sans payer sachant qu’ils perdraient leur dépôt de 1 ou 2 mois.

Mais nâââôôôn, on est au Québec ici, paradis gauchiste de la sôôôcial-démocratie, de l’illogisme et de l’incohérence.

Il n’existe pas d’hypothèque sur 40 ans, le terme étant d’un maximum de 30 ans, et ce, depuis font longtemps. Le problème est la mise de fonds que le gouvernement n’a pas l’intelligence d’en exiger un minimum descent mais surtout comment cette mise de fond est acquise.

Combien de propriétaires utilise un prêt pour payer une mise de fonds ? En fait il s’étouffent dès le départ pour plusieurs années avec le paiement de deux prêts, celui de la mise de fonds et celui de l’hypothèque principale sur l’immeuble. Ces personnes ne sont pas dans le bon domaine et devrait plutôt faire autre chose avec son argent.

J’ai trois immeubles et nous les ai payer en 20 ans et non 30 mais nous avions ramassé 40% du montant en capital en vendant notamment notre maison (qui était entièrement payée) et aménagé dans l’immeuble convoité pour acheter le premier immeuble.

Selon la SCHL, seulement 17% des propriétaires d’immeubles de moins de 8 logements habitent dans l’immeuble. Hors lorsque l’on veut faire la vie de château on en paye les frais.

Lorsque vous êtes présent dans votre propre immeuble, vous avez beaucoup moins de problèmes et apprenez comment parvenir rapidement à des solutions viables pour vous et les locataires.

Nous avons toujours fait nos devoirs avant d’accepter un locataire pour lesquels nous avons toujours demandé un rapport détaillé de crédit ce dont la très grande majorité des propriétaires ne font pas car ils ne veulent pas payer pour obtenir les rapports.

Pourtant ces rapports procure la réalité sur l’endettement et la façon de payer de la personne qui veut louer chez vous. Le rapport détaillé vous indique clairement le taux d’endettement auprès des créanciers. Hors si un couple détient des prêts qui grugent plus de 50% de leur revenu net est une indication claire qu’ils ne savent pas s’administrer.

Nous avons toujours exiger que la / les personne(s) disposent d’un revenu suffisant pour payer leur loyer que nous avons établit à 25% de leur revenu net durant les années 80 et 90 que nous avons augmenté à 30% depuis 2003. Personne ne peut vous en empêcher, ni même la Régie du logement puisqu’il s’agit d’une méthode basée sur rendement et non basé sur toute forme de racisme.

C’est très bien de rêver en prismacolor, avoir deux automobiles, un prêt pour deux fois les meubles dont ils ont besoin et des cartes de crédit qui sont toujours à leur maximum mais ce n’est pas cette clientèle que nous désirons. Le logement le moins dispendieux est présentement à 930$.

Des personnes qui n’ont pas de revenus suffisants pour se payer le logement qu’ils convoient n’auront pas de décision en leur faveur de la Régie du logement.

Une personne qui reçoit de l’aide sociale et qui veut avoir un logement qui est bien au delà du bon sens ne sera pas accepté. La presque totalité des propriétaires vivent eux aussi à la petite semaine et n’ont pas de réserve, ils se retrouveront un jour ou l’autre dans le pétrin.

Le second problème est celui des achats sur deuxième hypothèque, un piège à rat que plusieurs utilisent, croyant qu’ils deviendront riches plus rapidement alors qu’en fait ils ne font vivre que les banques.

Il y a 14.2% de mauvais payeurs pour lesquels plus de 60% des sommes impayées sont récupérées. Consulter le rapport annuel de la Régie du logement qui est déposé à chaque année à l’Assemblée Nationale, vous verrez que ce problème n’est pas ce dont ce qui est véhiculé pour permettre aux propriétaires de se trouver des excuses pour ne pas effectuer de réparations.

Selon la SCHL, il n’y a que 17% des propriétaires qui vivent dans leur immeuble pour les immeubles de moins de 12 logements. C’est très peu.

@ Wentworth Roger:

Je crois qu’il y a errance dans votre réponse.

Le point que j’essayais de mettre en évidence est le fait que les taux d’ajustements de loyer reliés aux dépenses majeures préconisés par la Régie du logement (autour de 2% par année depuis plus de 5 ans!) sont totalement déconnectés. Au final, que le proprio ait 1, 2 ou 3 hypothèques n’a rien à y voir. Le fait est que ça lui prendra plus de 40 ans pour récupérer son argent investi dans une dépense majeure (i.e.: chauffe-eau, toiture, portes et fenêtres, etc…), donc, il n’a absolument aucun incitatif pécuniaire (avec ces taux, qui en aurait d’ailleurs…???) à effectuer les réparations majeures.

Vous en connaissez vous des chauffe-eau ou des toitures qui durent plus de 40 ans?

Je partage totalement le point de vue de l’auteur. Notre systeme de justice ne fonctionne plus pour tous ceux et celles dont les moyens financiers ne leur permettent pas de se battre contre les abus et les injustices qu’ils subissent. Il faut etre pratiquement sans le sou pour avoir droit à l’aide juridique. Le problème ne va pas en s’améliorant et nos élus en bien peu de cas.

Il n’y a pas seulement que la Régie du logement qui est problématique mais bien l’administration de la ville de Montréal qui ne fait pas « sa job ». C’est à chaque ville de mettre en branle un service d’inspection et transmettre aux propriétaires une amende pour tout ce qu’ils trouve non conforme et ordonner que les travaux soient fait dans un court délai. Ceux-ci peuvent revenir sur les lieux après l’expiration du délai pour voir si tout est conforme et si ce ne l’est pas, de donner une seconde amende à un prix plus élevé et bien entendu un délai pour effectuer les travaux.

Je crois que lorsque l’inspecteur parvient à la troisième inspection et que les travaux ne sont pas fait, il peut ordonner que les travaux soient faits par un entrepreneur au choix de la ville et rétrofacturer les coûts au propriétaire. Si le propriétaire ne paie pas dans un court délai, les paiements de loyer sont saisis par la ville qui les reçoivent directement des locataires.

Un autre processus qui est dévolue à la ville est de déclarer le bâtiment « insalubre » et en ordonner la fermeture jusqu’au moment où tous les travaux ne seront pas entièrement effectués. La ville pourrait prendre en charge le processus de relocalisation des personnes touchées afin de le rétrofacturer au propriétaire, voire effectuer un saisie avant jugement de ses autres biens.

Mais les membres de l’administration des villes, incluant les maires sont plus préoccuper par leur mobilier urbain et autres artifices inutiles que d’aider les citoyens de leur ville respective. Il y a un nombre insignifiant d’inspecteur dans les villes depuis quatre décennies, raison principale de l’ampleur du problème actuel, « 30% des logements sont insalubres ». Ces logements ne sont pas devenus insalubres durant la même nuit, n’est ce pas ?

Au surplus, le gouvernement du Québec, par le biais de son ministère des affaires municipales, ministère de la justice et autres pourraient venir en aide aux villes mais aussi de les obliger de pourvoir aux citoyens un nombre d’inspecteurs suffisants pour la tâche.

Ce ne sont pas les pouvoirs qui manquent mais le vouloir et ce sont encore une fois les plus démunis qui payent la note avec la santé. Imaginez les coûts faramineux qu’engendrent ces problèmes au niveau du ministère de la santé, que se soit à court, moyen et long terme.

Le contrôle des loyers est la meilleure façon de détruire une ville mis à par un bombardement!

Si une ville veut gérer son parc immobilier, elle n’a qu’à l’acheter. Elle en fera ensuite ce qu’elle en veut.

L’entretient d’un immeuble est en directe relation avec les revenus que les proprios peuvent en tirer (on ne sort pas du sang d’une roche!), or, avec les règlements actuels et le contrôle qu’exerce de la Régie du logement sur la plupart des immeubles, il n’y a AUCUN incitatif pour que les proprios entretiennent leur bien adéquatement.

Renseignez-vous adéquatement et vous verrez… J’ai tout à fait raison.

Un autre inconditionnel pour qui le piédestal social sur lequel repose la business juridique ne sera jamais assez haut pour lui rendre les hommages qu’il mérite.
Toujours plus d’argent, plus de pouvoirs, plus d’emprise sur les gens…, ça commence à devenir vraiment monotone.

Les avocats sont comme les médecins, des petits rois qui se croient tout permis et ont besoin de changer le BMW à chaque année. Nous sommes revenus aux années 60 où le même problème existait sous une forme différente mais dont les résultats étaient les mêmes.

Ces personnes ont rapidement oublié que c’est l’ensemble des citoyens qui ont payé pour leurs études puisque les étudiants ne payent qu’environ 3$ des frais scolaires véritables. Ils ne payent pas pour les immobilisation (immeuble et équipement ainsi que leur entretient) les millions de livres que les bibliothèques de l’ensemble des départements mettent à leur disposition.

Pour un médecin, les frais scolaires exigés aux étudiants ne représentent que 0.8% des frais, mais de quels frais s’agit-il. Ce ne sont pas les professeurs, ni les équipes techniques etc… Il m’est impossible d’en faire un résumé sur ce blog parce que trop volumineux mais il s’agit en fait de moins que la facture d’électricité des université. Par la suite se dont les citoyens qui payent pour leurs salaires dont il payent moins de la moitié du taux d’impôt des citoyens.

Un petit jeu insidieux de la part des administrations des universités ainsi que du gouvernement pour leurrer la population. Plus ça change et plus c’est pareil dit-on mais lorsque nous répétons les mêmes bêtises à répétition, elles sont de plus en plus dispendieuses à réparer.

Commentaire très triste dans une société qui se dit « de droit ». Sans une certaine cohésion sociale quant aux moyens de régler les différends et les violations aux lois, c’est l’anarchie et personne ne gagne, sauf le plus fort. Reste la règle antique d’œil pour œil, dent pour dent… c’est çà que vous voulez?

@ NPierre
Une saine justice est admirable et essentielle mais une justice corrompue bâtie sur l’argent, le pouvoir et le mépris des petites gens n’est peut-être pas plus souhaitable que l’anarchie malheureusement.

Faudrait quand même pas mêler les pommes avec les oranges. La Régie du logement est très différente du système judiciaire pénal. Les délais de la Régie dépendent uniquement de la volonté du gouvernement de lui donner les outils nécessaires pour fonctionner. Le système pénal lui est le fondement des rapports entre les gens ainsi que celui du respect des lois votées par le Parlement et l’Assemblée nationale. Une victime de viol qui doit attendre 8 mois pour faire sa déposition est un déni de justice, tout simplement. Mais le « gouvernement » s’en fiche car ce n’est pas une priorité pour la majorité des électeurs; seuls ceux qui sont victimes d’un crime ou ceux qui sont accusés injustement en sont conscients.
Le Québec est particulièrement réticent à financer un système judiciaire efficace et ce depuis des décennies. On tire la patte sur tous les fronts. D’abord, les tribunaux et les procureurs qui dépendent du financement publique ont toujours été sous financés et on a ce qu’on mérite: une justice à rabais. Ça ne veut pas dire qu’il faut continuer à nommer des juges payés d’une manière exorbitante: comme société nous n’avons pas besoin de gens sur un piédestal qui se pensent au-dessus des autres, seulement parce qu’ils ont eu la chance d’avoir une bonne plogue politique pour se faire nommer. Au contraire, il faut une justice plus égalitaire où les juges sont égaux avec les autres intervenants, de vrais citoyens-juges. Il faut aussi cesser de tout judiciariser devant les tribunaux: il y a d’autres moyens de traiter des infractions qui s’y prêtent et d’utiliser la justice réparatrice de sorte que les tribunaux puissent se concentrer sur les affaires qui sont plus graves et qui nécessitent leur intervention. Quand on voit un jeune qui a brisé une vitre se retrouver devant un tribunal, on se dit qu’on tente d’écraser une mouche avec un canon… Dans la plupart des cas, la collectivité peut s’en charger.

Il y a une solution très…très simple pour réduire de beaucoup le temps d’attente à la Régie du logement: demander 1 ou 2 mois de loyer d’avance aux nouveaux locataires comme ça se fait partout ailleurs dans le monde civilisé.

Comme près 85% des cas présentés à la Régie viennent des proprios dont les locataires ont déguerpi, ces derniers seraient alors hésitants à foutre le camp sans payer et ainsi perdre leurs dépôts. Le nombre de causes et la longueur des attentes serait alors réduites de façon importante.