Le véritable courage

Et si la bravoure, pour un homme, consistait simplement à demander de l’aide en cas de besoin ?

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Le comédien et dramaturge Steve Gagnon se tient au milieu de la salle, entouré par le public. Juché sur une petite plateforme, il dévide avec ferveur le texte émotivement surchargé de la pièce qu’il a écrite, Os : La montagne blanche. Sur son bras, il a marqué au feutre : Boys do cry. Traduction de l’adage qu’il a retourné comme un gant : ben oui, Chose, les garçons pleurent.

Pendant plus d’une heure, avec une intensité en proche banlieue de la transe rock, il présente un texte profondément poétique, sur fond de musique électronique pulsée en direct. C’est le témoignage d’un homme brisé par la mort de sa mère, sur le bord de l’implosion, et qui fait payer le prix de son désarroi à sa copine en se vautrant dans son malheur.

Quelques jours plus tôt, comme bien d’autres, j’ai suivi avec effarement l’attentat contre des femmes mené dans les rues de Toronto. J’ai parcouru les reportages sur les incels, un groupe masculiniste dont se réclamait le présumé tueur. J’ai lu leurs messages, leurs témoignages. J’ai pris connaissance de cette idée que leur sexualité est brimée par les femmes qui la leur « refusent », et qu’elles méritent donc d’être châtiées.

Le texte de Steve Gagnon répond avec aplomb au théâtre de la laideur masculine qui ne semble pas vouloir cesser les représentations depuis Ghomeshi, Weinstein, Cosby et autres ogres.

Il est temps que des gars disent à d’autres que leur crise d’identité n’est pas un sauf-conduit. Que s’il existe un problème, les femmes n’en sont pas la source et ne devraient pas être la cible d’une revanche.

Parce qu’il nous amène ailleurs. Vers la lumière. Vers un idéal masculin où la souffrance trouve un autre exutoire que la violence. Vers un endroit qui s’éloigne de la banalité du machisme comme dernier refuge d’hommes en mal de repères.

Et franchement, ça fait du bien d’entendre des hommes dire que ça suffit. Pas parce qu’on n’a pas envie d’écouter les femmes, non, non. Seulement parce qu’il est temps que des gars disent à d’autres que leur crise d’identité n’est pas un sauf-conduit. Que s’il existe un problème, les femmes n’en sont pas la source et ne devraient pas être la cible d’une revanche.

« Ça ne veut pas dire de nier la souffrance, il nous arrive tous de souffrir », lance Francis Dupuis-Déri. Lui aussi débarque avec un ouvrage providentiel dans les circonstances : La crise de la masculinité : Autopsie d’un mythe tenace.

Selon ce prof de science politique de l’UQAM spécialisé en études féministes, la crise de la masculinité est une vaste supercherie, presque vieille comme le monde, et qui témoigne d’une chose : la crainte, pour les hommes, de perdre leurs privilèges.

« En surface, ça a l’air de faire écho à des enjeux émotifs, au mal-être, me dit-il, c’est pour ça que c’est aussi délicat. Mais au fond, ça renvoie au partage des tâches, de la richesse, du pouvoir… » Tant dans les affaires que dans la vie de famille. « Si on considère que le féminisme est une menace, nécessairement, ça veut dire que les hommes sont avantagés. »

Dans son bouquin, il s’emploie à démonter les discours sur le prétendu matriarcat dont se délectent les adeptes des différents Doc Mailloux et autres Denise Bombardier de ce monde. Il oppose aux interprétations fumeuses quelques faits qui, eux, ne mentent pas. Résumons : les postes de pouvoir, l’argent, les tâches ménagères, peu importe où le regard se porte, les hommes sont encore les grands gagnants de notre société. Point barre.

Mais là où je l’aime le mieux, c’est lorsqu’il rejoint Steve Gagnon dans un plaidoyer en faveur d’un nécessaire détournement des clichés de la masculinité violente et d’une féminité essentiellement bienveillante. Comme si ces valeurs appartenaient à un sexe ou à l’autre, et comme s’il était déplorable de préférer la médiation aux claques sur la gueule.

Dupuis-Déri rappelle la métaphore décortiquée par Michel Foucault du berger qui guide et qui prend soin de son troupeau. Une figure masculine, fondamentalement rugueuse, et pourtant bienveillante.

Dans la salle de la Maison pour la danse, à Québec, où j’assiste à la représentation d’Os, Steve Gagnon change de promontoire. Il adresse alors le plus puissant extrait de son texte, qui exprime parfaitement l’idée de ce que c’est, pour moi, d’être un homme. Et c’est, au fond, l’audace d’aimer autrement que sous forme de clichés, de conventions, de banalités. C’est d’avoir l’aplomb de cesser de vivre en cherchant à reproduire les conventions périmées de la masculinité ou à copier ce que la pub et la culture populaire commandent.

Parce que le véritable courage, ce n’est pas de tenir tête aux féministes ou de tenter d’éviter les changements sociaux en invoquant des modèles masculins qui remontent au pléistocène. La bravoure, c’est de demander de l’aide si on en a besoin parce qu’on se sent perdu. C’est d’accepter que les femmes puissent rejeter nos avances sans en faire une guerre des sexes. C’est de pleurer comme un homme, un vrai, si on en a envie.

Le reste n’est que pleurnichage. Ce qui n’est pas très viril. Et pas féminin non plus. C’est juste puéril, et vain.

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Dupuis -Déry ? Bof ! Me semble que ce type démolit le concept
de masculisme trop rapidement . Il réduit ce mouvement à des
comportements anti-femmes . Un peu simplet ! Comme si les
féministes étaient toutes des anti-hommes .

Wow, juste wow. Quel texte lumineux, osé et si vrai. Le courage, c’est de prendre sa place sans revendiquer de prendre toute la place, renoncer à avoir du pouvoir sur l’autre (sinon le pouvoir de l’influence qui se mérite et laisse l’autre libre de sa réponse), refuser de définir ou réduire (ou pire, écraser) l’autre, sa femme, son enfant, son collègue, son patient. C’est choisir d’aimer, tout simplement. Le pouvoir de l’amour plutôt que l’amour du pouvoir. Et accepter sa vulnérabilité. Et son impuissance à posséder et à dicter. Le vrai courage, c’est résister à Trump et au Trumpisme. Et à la suprématie. C’est choisir le respect, l’amour, l’entraide, la compassion, la solidarité. C’est simplement être humain. Merci David Desjardins.

Wow! merci de votre commentaire. Enfin un homme qui a compris ce qu’est être un vrai homme!

@ Lucie: Wow ! Une femme qui sait ce que devrait ¨être un vrai homme¨… c’est comme si un homme disait savoir ce que devrait ¨être une vraie femme ¨ ! C’est une prétention très boiteuse, définitivement très féministe et même dangereusement sexiste. Aimeriez-vous vous faire dire par des hommes comment vous devriez être en tant que femme ? J’en doute !

Toujours la même rengaine. Quand une femme (D. Bombardier) prend très occasionnellement du côté des hommes contre les excès d’un certain féminisme débridé, on crie au ¨masculinisme éhonté¨. Pourquoi peut-il y avoir un ¨féminisme¨, et pas de ¨masculinisme¨ ?
Je ne prêche pas pour la violence, loin de moi cette infamie, mais je m’élève par contre contre la ¨moumounaison¨ des hommes. Cet esprit qui tend à rendre l’homme semblable à la femme à tous points de vue en gommant sa masculinité innée. Oui les hommes pleurent; mais doivent-ils pleurer pour tout et pour rien ?
Un enfant ne cherche pas une deuxième mère dans le père. Ils cherchent autre chose de différent.
Aucun tollé de protestation n’est soulevé quand des hommes se prétendent (souvent hypocritement) féministes, mais quand un Mailloux ou une Bombardier osent être quelque peu masculinistes, oh là là, quel scandale: c’est une vendue, c’est un psychopathe …
Si les hommes ont tant besoin d’aide, ce qui est peut-être évident aussi, qu’on les aide en les subventionnant au même niveau qu’on subventionne toutes ces organisation qui promeuvent le bien-être féminin, mais qu’on cesse de vouloir en faire des pro-matriarches.

Dans « courage » il y a le mot : « cœur » et le suffixe « -age » qui définit le caractère associé au mot. Dans ce cas, cela indique la condition. Avoir du « cœur », cela donne du « courage ». Le courage est une forme de condition : on est courageux ou on ne l’est pas. On a du cœur ou on n’en a pas.

Bien sûr cela définit la capacité de réaction d’un humain face à toutes sortes de situations.

Une des questions que je me pose, face à la lecture de ce texte est la suivante : est-ce que le courage est sexué ? Pleurer de l’injustice et de l’immoralité de la vie, est-ce une forme de courage ? — L’auteur de cette chronique établit d’ailleurs une distinction entre « pleurer » et « pleurnicher ».

Une autre question que je me pose est la suivante : tous les mâles sont-ils privilégiés et quelles seraient donc les attributs de ces privilèges ? Qu’est-ce qui me rend privilégié en tant que mâle peu fortuné et célibataire ? Ou qu’est-ce qui me rend infâme puisque je suis obligé de me coltiner 100% des tâches ménagères ?

Le nombre de mâles dans une situation analogue à la mienne est en forte croissance. Les femmes aussi seules au monde sont légion. Dois-je estimer que ces changements sociaux soient un bien qui marque notre évolution ?

Une autre question encore : le féminisme est-il une menace pour un l’ordre patriarcal ou plutôt un mouvement réactionnaire dans un ordre existant ? Est-il possible que quel que soit le sexe, ce soit toujours les réactionnaires qui tiennent le gros bout du bâton et non les progressistes ?

Se peut-il que le militantisme de quelques femmes puisse également nuire au plus grand nombre d’entre elles et d’entre eux ? Que l’égalité de pacotille des hommes et des femmes soit devenue une fois de plus une récupération d’un pouvoir établi pour toujours diviser les gens ?

Je fais partie de ces hommes qui en quelques occasions ont demandé de l’aide. Je me suis aperçu que demander de l’aide et trouver de l’aide sont deux choses passablement différentes. Eh oui ! Nous manquons de ressources…. Je ne pense pas avoir fait preuve d’une quelconque forme de bravoure dans de telles démarches. Plutôt de la persévérance.

— Qu’est-ce qui fait d’ailleurs qu’on ait besoin d’aide ou bien pas ? Si ce n’est d’une vision toujours subjective sur la profondeur et la véritable nature de ce que constitue notre état ? À ce titre nous pourrions pousser la métaphore un peu plus loin. Qui conduit le troupeau : le propriétaire terrien, le berger, le bélier ou sont-ce les brebis qui marchent côte à côte avec les moutons ? Ou encore toutes les composantes ?

« s’il existe un problème, les femmes n’en sont pas la source »
Bien sûr que non, c’est un fait bien connu. C’est TOUJOURS les hommes qui sont la source d’un problème…

¨Ça, la gogauche ne le comprend pas et jamais ne l’admettra. Ayant été pendant des années pro-féministe, j’ai fini par m’ouvrir les yeux un jour pour réaliser que cette guerre des sexes n’aura jamais de fin et que plus on donne, moins on reçoit. Par bonne volonté, dans les années 70, les hommes sont embarqués dans la cause des femmes afin d’équilibrer les choses entre les deux sexes. Mais depuis, des excès ont eu lieu et les exigences dépassent maintenant certaines bornes au point de tourner au ridicule (ex: pour les puristes, les non-binaires, les trans-indécis, la féminisation de tout ce qui est masculin, etc, etc.). Quand on vire fou, on ne le réalise pas, mais en plus, on le nie en accusant tous et toutes les autres. Alors, bonne chance à la relève.

Moi je pense que toute idéologie a ses extrémistes et le féministe n’échappe pas à ça. Et les extrémistes sont toujours les plus bruyant(es). La vérité c’est qu’en général les hommes et les femmes fonctionnent ensemble d’une façon acceptable. J’ai travaillé 25 ans dans un hôpital (très majoiritairement féminin) et je ne m’en suis pas porté plus mal.

Mailloux affirme qu’il est normal qu’un homme pleure lorsque qu’il est APPROPRIE de pleurer. Lorsque qu’on a un probleme, ce n’est pas APPROPRIE de pleurer. Un adulte mature solutione des problemes, lacher la pleurniche un moment. Devant un probleme, un Homme se tient debout et ne s’effondre pas comme une lavette. Il y a un moment pour pleurer, et c’est pas a tout moment comme une ostie d’hysterique pas de tete.

Mailloux n’a jamais dit qu’un Homme ne pleure pas. Lachez moi avec les garcons osties de bonnes femmes meprisantes. On est des Hommes. Comme a l’habitude, on trouve encore des gens assez peu intellectuellement cultives pour saisir les propos du Doc Mailloux.