L’école prend l’eau

Il semblerait que le hockey raccroche à l’école. Je préférerais comprendre pourquoi l’école ne peut pas en soi être accrocheuse.

Photo : Christian Blais pour L’actualité

Il y a de quoi désespérer de la santé et de l’éducation, les plus importantes missions de l’État québécois. Les deux systèmes sont enlisés depuis tant de… décennies qu’on se demande si on parviendra un jour à en corriger les lacunes.

En santé, je me raccroche au fait que les problèmes tiennent surtout à des questions de structure et d’organisation du travail.

Si on sortait de l’optique hospitalocentriste, si on répartissait les responsabilités plutôt que de compter sur l’intervention systématique du médecin, si les gestionnaires côtoyaient davantage le personnel, si employés et patients partageaient la même cafétéria… Tous ces « si » contribueraient à rendre le réseau plus efficace et plus humain. Les changements requis se butent à des choix d’approche et à des acquis, mais il n’y a pas de fatalité ici. Avec concertation, avec volonté, on pourrait y arriver.

Mais l’éducation, ciel ! Elle est indissociable de l’état de notre société et en même temps de plus en plus en contradiction avec celle-ci.

À moins de souhaiter que le Québec maintienne un taux élevé d’analphabètes fonctionnels (46 % des 16 à 65 ans en 2022), un retour à la base s’impose donc.

Un exemple : les écrans. Ils nous hypnotisent au quotidien et modifient notre rapport à l’écriture (si abrégée qu’elle se ramène à quelques lettres) et à la lecture (si c’est trop long et sans images, on décroche).

Parallèlement (ou conséquemment !), on constate qu’une forte proportion d’élèves du secondaire et un grand nombre de cégépiens ont de la difficulté à comprendre un texte simple et à écrire au minimum correctement.

À moins de souhaiter que le Québec maintienne un taux élevé d’analphabètes fonctionnels (46 % des 16 à 65 ans en 2022), un retour à la base s’impose donc. Cela signifie retrouver le temps long de la lecture et la méticulosité qu’exige l’écriture pour être bien compris. Bref, l’école devrait enseigner le contraire de ce que nous faisons en société. Tout un défi !

D’ailleurs, ce n’est pas l’analphabétisme littéraire mais celui qualifié de numérique que les gouvernements craignent le plus. Québec a ainsi prévu 158 millions de dollars d’ici 2026-2027 « pour soutenir l’apprentissage par le numérique ». Il s’agit de l’une des quatre mesures pour les élèves dans le volet éducation du budget 2022, les autres étant la formation professionnelle, les programmes de tutorat et le soutien aux élèves défavorisés.

Mais quelqu’un s’est-il demandé si miser ainsi sur les écrans avait un effet sur la maîtrise des connaissances de base en français ou en mathématiques ?

Et puis, est-ce qu’un gouvernement investirait 158 millions de dollars pour assurer le bon usage du français dans toutes les matières ? Accepterait-on même de bousculer l’horaire pour ce faire ? J’en doute. Pourtant, on ne se gêne pas pour faire de la place aux programmes Sport-études ou Arts-études que Bernard Drainville, le nouveau ministre de l’Éducation, voudrait étendre à toutes les écoles secondaires publiques du Québec.

Il semblerait que le hockey raccroche à l’école… Je préférerais comprendre pourquoi l’école ne peut pas en soi être accrocheuse. Mais puisque notre époque mise sur le plaisir, qui se soucie que le temps de l’apprentissage scolaire soit réduit ?

Bien d’autres travers sociaux se répercutent sur l’éducation.

Nos sociétés sont axées sur la consommation ; en éducation, cela signifie que les parents, encouragés même par le gouvernement, magasinent l’école secondaire de leur enfant. L’approche citoyenne exigerait plutôt que toutes les écoles publiques du Québec soient à la hauteur afin que l’on cesse de fuir celle du quartier.

Pensons aussi à notre obsession de la performance. À l’école, elle prend la forme de notes gonflées. Peu importe ce que l’enfant maîtrise vraiment, peu importe les récriminations des enseignants, ce qui compte, ce sont les chiffres à afficher. Mieux encore, les élus, les médias, les centres de services scolaires et les parents en redemandent. La réussite doit se mesurer !

Je pourrais en outre parler des pilules que nous exigeons des médecins pour régler vite fait nos problèmes. À l’école, cela se traduit par la montée depuis 20 ans des diagnostics de trouble du déficit de l’attention — deux fois plus nombreux au Québec que dans le reste du Canada ! En fait, on médicalise bien des problèmes sociaux.

Il y a aussi les effets de la démographie. L’enfant unique, si précieux que le parent n’accepte aucune critique à son égard, côtoie des jeunes négligés par des parents désorganisés ou adulescents. La part grandissante de l’immigration, régulière et irrégulière, exige beaucoup d’adaptation, mais les enseignants sont mal soutenus. Les 65 ans et plus sont désormais plus nombreux que les moins de 20 ans au Québec ; leur poids électoral éclipsera les besoins des jeunes.

Et je trouve que l’école est un bien petit bateau pour naviguer sur une mer aussi houleuse.

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Un peu d’histoire.

En 1763, les élites françaises du pays d’alors ont été retournées en France; il n’est resté que les paysans et le clergé qui les a dominés pendant longtemps. Peu instruits, ils devenaient faciles à dominer et ceux-ci ont pris en aversion ceux qui avaient un certain savoir. Passons les événements du lent réveil qui a mené à la Révolution Tranquille où le MEQ est apparu avec tous ces changements. Je suis né en 1951 et mon père, ouvrier de la construction, avait en tête de nous faire instruire. C’était important et il veillait au grain.

J’ai débuté ma carrière d’enseignant en 1973. 2-3 cas par classe régulière, ça demeurait un milieu où l’enseignement pouvait se faire. Aujourd’hui, c’est souvent plus de la moitié des élèves de l’école qui ont un plan d’intervention.

Puis, vint le moment charnière: la récession de 1982. C’était facile de s’en prendre à la fonction publique et de couper leur salaire de 20%. En Suisse, la population est sortie dans la rue pour interdire au gouvernement de toucher à l’éducation. C’est d’ailleurs là que s’est instruit Kim Jung-un en se faisant passé pour le fils du chauffeur de l’ambassadeur.

Mais, que s’est-il donc passé au Québec? Je me souviens de cette publicité gouvernementale à la télé où on mentionnait les 27 1/2 d’enseignement par semaine. Et là, oui, là, c’est là que tout a pris une débarque pour parler québécois. Vu sous cet angle, le reste du temps consacré à la préparation et à la correction, à l’accompagnement des élèves n’était pas mentionné. L’atavisme séculaire de la population à l’encontre des gens instruits s’est éveillé. Là, on en a mangé du prof.

Je me souviens d’une rencontre au garage de mon village avec 5 paroissiens qui décriaient les enseignants. Je leur ai dit que s’il y a dans ma classe 5-6 enfants qui redoublent parce que les parents ne s’en occupent pas, chaque enfant coûtant à l’époque 5 500$ chacun. Si 6 enfants redoublent et qu’on paie encore une fois pour eux, ça donnait un montant de 33 000$ et que je gagnais 35 000$, je leur ai demandé où était le gaspillage. Long moment de silence.

Il s’en est suivi la longue période où une animosité latente était présente chez les élèves, disons de 2e année à sec. V, le temps qu’ils quittent l’école. Mais quand les plus vieux ont commencé à avoir des enfants à leur tour, la dégringolade a commencé. En 1995, un ami ayant une longue carrière qui enseignait à Ste-Agathe en 5e année a vu ses résultats commencés à s’effondrer et les cas de comportements à augmenter. Comme j’enseignais en sec. III, la chute des notes de mes élèves a commencé en 1999, 4 ans plus tard. Nous n’enseignions pas dans la même Com. Scol.

Dès le début de l’année, je leur faisais lire quelques lignes dans leur manuel scolaire. Je savais qui échouerait à la fin de l’année; certains de ces élèves de 14 ans (minimum) avaient un niveau de lecture à la syllabe d’un enfant de 7 ans. Alors, on revient ici à la maitrise du français en lecture. Et les troubles de comportements ont recommencé à augmenter.

Aujourd’hui, ce sont des moitiés ou plus de classes qui sont en problème. Même à l’université, les étudiants ont besoin de soutien qu’ils trainent depuis le secondaire. J’aimais apprendre et j’avais de bons résultats au primaire. Ma mère y veillait tout comme sur ses 5 autres enfants. Étrangement, à la fin de mon primaire, il était très rare que je fisse une faute d’orthographe ou d’accord. Ceci s’explique par les dictées quasi quotidiennes et l’analyse grammaticale qui en était faite régulièrement. Mon père gaucher qui n’avait qu’une 7e année avait une belle créature de la main droite et faisait très peu de fautes.

Plusieurs réformes se sont succédé, mais ce ne sont pas tous les éléments de ses réformes qui se sont avérés positifs.

L’apprentissage nécessite un effort et c’est ce que l’on veut éviter aux élèves: faire un effort. Ils sont obligés à être en classe, mais personne d’autre qu’eux-mêmes ne peut décider d’apprendre.

Alors, à quand un retour à la base et à l’effort?

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Si on veut rendre les écoles accrocheuses, il faudrait peut-être commencer par la base: construire un bâtiment invitant où passer du temps semble agréable. Quand on regarde ailleurs dans le monde, il y a des endroits où les nouvelles écoles sont bien construites, lumineuses avec des espaces communs aérés et bien conçus.

Ici, je ne sais pas trop qui s’occupe de la conception des écoles, mais, soit la personne ressource qui donne les contrats ou soit les architectes qui conçoivent les écoles semble venir d’une autre époque. Peut-être serait-il temps d’arriver au 21e siècle et de construire des bâtiments, qui ont non seulement une bonne efficacité énergétique, mais qui ressemblent à autre chose qu’un amalgame entre une prison et un bunker. À partir de là, on va pouvoir se concentrer sur ce qui se passe à l’intérieur même de cette école.

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