L’équipe de L’actualité a renoué avec la tradition en se réunissant cet automne pour élire les personnalités de l’année. L’exercice a été enlevant, car quand vient le temps de défendre leurs idées, les journalistes et collaborateurs du magazine peuvent se montrer convaincants !
Qui sont les Québécois qui ont le plus marqué les esprits et les vies au cours des 12 derniers mois ? Ceux qui, par leur audace, leur action ou, hélas, leur destin tragique, ont contribué à imprimer un changement profond dans notre société ?
Après deux heures de débat, il est apparu que l’année a été marquée par les hommes et les femmes derrière d’importants changements sociaux et politiques, davantage que par des visages issus du monde des affaires, du sport, de la science ou de la culture. Et rassurez-vous, contrairement au premier ministre François Legault, nous n’avons pas tenu compte de la quantité de mentions J’aime sur Facebook pour appuyer nos choix.
Un chiffre bien plus éloquent a pesé dans nos discussions : 500 000, soit le nombre estimé de Québécois ayant pris part à la marche mondiale pour le climat du 27 septembre dernier. Le mot « historique », toujours à utiliser avec parcimonie, est plus qu’approprié pour décrire la mobilisation menée par une bande de jeunes irréductibles. Les défis à relever pour freiner le réchauffement climatique peuvent être paralysants, tant ils sont immenses. Remercions les jeunes de nous aider à rassembler le courage nécessaire pour s’y attaquer.
Du courage, il en a fallu des silos entiers à l’agronome Louis Robert pour dénoncer publiquement la trop grande influence de l’industrie des pesticides et des engrais sur les politiques agricoles du Québec. Tout comme il a fallu un courage colossal à Nicole Gladu et à Jean Truchon pour porter leur cause devant les tribunaux, afin que soit élargi l’accès à l’aide médicale à mourir. Leur victoire va forcer les gouvernements à injecter une dose de compassion supplémentaire dans leurs lois.
Nous avons également choisi d’inclure à titre posthume la fillette de Granby dans notre bouquet de personnalités de l’année. Sa mort, tout aussi atroce que sa vie, nous oblige à regarder une dure réalité en face : le Québec doit en faire beaucoup plus pour protéger les enfants les plus vulnérables.
De tous nos choix, c’est celui d’inclure ou pas François Legault qui a suscité le plus de divergences. « Il n’a fait que le travail attendu d’un premier ministre », ont objecté certains.
Mais il suffit de rappeler à quel point les Québécois étaient à cran il n’y a pas si longtemps pour mesurer la puissance de l’effet Legault. Pas moins de 69 % trouvaient que le Québec allait mal en 2017 et réclamaient un changement de cap majeur. Ce chiffre grimpait même à 79 % au sein de la génération X !
Après un an de régime caquiste, la pression a diminué dans le presto : moins d’un Québécois sur deux est toujours de cet avis, selon un sondage Léger mené pour L’actualité. C’est encore beaucoup de mécontents, bien sûr. Mais il n’est pas mince, l’exploit de réussir à réduire les divisions, ce qui va à contre-courant du mouvement que l’on observe dans bien des pays du monde.
Pressé d’agir, le gouvernement inexpérimenté de François Legault a commis des bourdes, mais le premier ministre a eu le mérite et l’humilité de reconnaître ses erreurs et de corriger le tir. On ne peut que lui souhaiter de poursuivre de façon éclairée son apprentissage du pouvoir.
Le grand défi qu’il devra relever, c’est de trouver une réponse adéquate aux attentes des jeunes en matière de lutte contre les changements climatiques. Ils ont découvert en 2019 l’immense pouvoir qu’ils ont entre leurs mains. Et ils seront encore plus nombreux à avoir l’âge de voter lorsque viendra la prochaine élection, dans trois ans. Si François Legault tient à son avenir politique, il aurait avantage à aider les jeunes à garder espoir dans leur propre avenir sur cette terre.
Cet éditorial a été publié dans le numéro de janvier 2020 de L’actualité.