L’impasse

« S’il a le sentiment d’être pris dans une impasse, un animal peut se rebiffer et devenir agressif. C’est peut-être ça aussi qui est en train de se produire dans nos sociétés. »

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Tout le monde est pour la vertu. Reste à décider laquelle.

Prenez la nourriture. Cet hiver, j’ai choisi de réduire la part de viande que je mange. Parce que c’est meilleur pour ma santé. Parce que je suis de moins en moins à l’aise avec l’abattage de masse. Et aussi parce que sa consommation recèle une effarante empreinte écologique.

J’ai diminué de moitié le bœuf, le porc et la volaille. Voire plus encore. Il me faut donc consommer des protéines qui proviennent du poisson, des produits laitiers et des végétaux pour remplacer celles que me procurait la viande.

Les amandes ? Voilà un excellent succédané, mais en produire un kilo nécessite 4 000 litres d’eau. Rien que ça. Elles nous arrivent souvent de la Californie, où la sécheresse guette chaque année ou presque. Quant aux poissons, lorsque je songe aux eaux dégueulasses dans lesquelles on les élève, aux métaux lourds que j’ingère avec mon thon sauvage ou aux polluants qui se logent dans le gras de mon saumon avec ses précieux oméga-3, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux m’envoyer quelques Big Mac, finalement.

On me propose de manger les bons gras de l’avocat pour reproduire l’effet rassasiant des protéines ? Pour épargner ma conscience, il faudra tenter d’ignorer que leur culture massive est à l’origine de l’empoisonnement de villages entiers, au Mexique, en raison des divers fongicides, fertilisants et pesticides épandus dans les champs illégaux qui poussent partout dans la région du Michoacán pour répondre à la demande qui explose. Si bien que même les cartels de la drogue investissent dans cette manne qui pollue et asservit les populations en plus de contribuer au blanchiment d’argent.

Se pourrait-il que l’avalanche d’informations sur la santé et l’environnement finisse par avoir l’effet contraire à celui escompté : un désengagement, une démission devant l’ampleur sisyphienne de notre amélioration collective ?

Plus ça va, et plus j’ai le sentiment de ne jamais pouvoir faire les bons choix. Que chacune de mes décisions pour la santé ou l’environnement contribue à m’empoisonner autrement ou à salir le monde d’une nouvelle manière.

Je songe à acheter une voiture électrique… Elles utilisent des piles hyperpolluantes et des métaux rares dont l’extraction est un monstre écologique qui bouscule l’ordre géopolitique mondial : ce sont les mêmes que l’on trouve dans nos ordis, nos téléphones portables et la plupart de nos gadgets connectés, qui eux aussi devaient nous permettre d’être plus verts, parce qu’on économiserait du papier, tiens.

On nous bassine avec le recyclage depuis des lustres : ce dernier en est venu à parfaitement illustrer les limites de notre volonté de mieux faire sans trop changer nos habitudes. Du verre jeté à la tonne. Du plastique pour lequel on ne trouve pas toujours preneur. On a parfois le sentiment que nos déchets n’ont fait que changer de conteneur, ce qui apaise nos consciences plus qu’autre chose.

Ce n’est pas tout à fait vrai. Et dans les changements sociaux, le mieux est souvent l’ennemi du bien.

Mais se pourrait-il que l’avalanche d’informations sur la santé et l’environnement finisse par avoir l’effet contraire à celui escompté : un désengagement, une démission devant l’ampleur sisyphienne de notre amélioration collective ?

Les données et études contradictoires nous font vivre dans un état de culpabilisation permanente. Nous sommes donc plus ou moins condamnés à exister dans cette sorte de schizophrénie constante pour jongler avec le mode de vie occidental et la conscience sociale ou environnementale.

Et ça, ça rend mal à l’aise. Sans parler de l’impression que chacun de nos gestes prétendument progressistes est finalement annulé par une nouvelle découverte ou le contrecoup d’un changement d’habitude massif. Ce qui est hautement décourageant.

Depuis quelques années, nombre de penseurs et de stratèges politiques tentent d’expliquer la montée des nouveaux populismes. On cherche le plus souvent à les expliquer par un choc culturel : l’arrivée de nouveaux immigrants, et avec elle le retour du religieux dans l’État laïque en même temps que l’effritement des identités nationales.

Mais ce n’est qu’une partie du problème.

Ce qui est en train de se tramer tient aussi de la remise en question de notre mode de vie. Réconcilier le consumérisme et l’écologisme tient du fantasme. Nous en prenons conscience peu à peu, et cela vient ébranler notre identité autant que peut le faire un affrontement culturel. Parce que c’en est un.

Depuis la nuit des temps, l’humain cherche le confort d’une existence à l’abri des turpitudes. Il ploie aujourd’hui sous le poids d’un mode de vie qui le rend malade, qui hypothèque les générations futures, mais pour lequel on ne lui offre que trop rarement une voie d’évitement valable. Vraiment durable. À chaque changement, on lui dit que ce n’est pas suffisant, pas vraiment efficace, ou alors contreproductif.

S’il a le sentiment d’être pris dans une impasse, un animal peut se rebiffer et devenir agressif. C’est peut-être ça aussi qui est en train de se produire dans nos sociétés.

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Tout ça me porte à conclure que la planète est surpeuplée et qu’au rythme où elle se peuple, ce n’est pas la technologie qui la sauvera. Les occidentaux ne se reproduisent plus, ils sont en décroissance avec 1,5 enfant par femme et les autres, à cause des religions (qui nous étouffaient autrefois), font des enfants à raison de 5 à 10 par famille. Alors, tous les problèmes de nutrition du globe, combats contre le réchauffement, déplacements de masses partout, recherche d’endroits confortables et riches en EAU, tous ces ingrédients mis en place, il ne serait pas surprenant de voir un « Big Bang » humain dans peu de temps.
Je ne le souhaite pas, mais jusqu’à ce jour, plus souvent qu’autrement, l’humain a démontré qu’il était assez fou pour mettre le feu, mais pas assez fin pour l’éteindre.

Je suis d’accord avec vous.
Peut importe les efforts que l’on fait pour réduire les GES, ils sont neutralisés par l’augmentation de la population.
Si chaque citoyen réduit son impact de 10% sur une période de 10 ans, une augmentation de 10% de la population durant ce même laps de temps résultera en une réduction nulle des GES totaux.
Les gens du sud qui produisent peu de GES, voient leur production augmentés considérablement lorsqu’il émigrent vers le nord (ne serait-ce que pour le chauffage).
Plusieurs pays d’Afrique ont une croissance économique supérieure aux pays développés. Mais étant donne que leur population croit encore plus rapidement, leur PIB per capita n’augmente pas ou meme diminue.
Haiti serait riche s’il n’avait que 2 millions d’habitants plutot que 10 millions
Un pays qui ne peut nourrir sa population s’appauvrit avec chaque nouvel enfant qui y nait.

L’idée me trotte dans la tête depuis quelque temps que l’état quasi terminal du monde et les prévisions cataclysmiques dont on nous bassine quotidiennement ont peut-être à voir avec le cynisme politique, le populisme, la colère et le défaitisme qui en habitent plusieurs.

Acheter local est peut-être une avenue plus intéressante que simplement choisir de remplacer un aliment importé par un autre. Éviter le transport sur des milliers de kilomètres est déjà une bonne mesure pour l’environnement, en plus de l’impact positif sur l’économie locale. Et si on veut choisir des aliments importés, pourquoi ne pas privilégier le bio ? Bien sûr, cela implique de diminuer notre consommation de certains aliments hors saison ou qui ne sont pas cultivés ici, et d’augmenter notre budget d’épicerie selon nos capacités… Pourquoi ne pas tendre aussi vers la diminution des déchets? Acheter en vrac est de plus en plus accessible partout au Québec! Les choix responsables existent, il s’agit d’y mettre l’énergie!

Les produits bios importé sont- ils vraiment BIOS, facile d`écrire le mot bio sur un étiquette…je me sent plus en sécurité avec les bios du Québec, de proximité..

Il faut lire la très intéressante édition du The Atlantic du mois de mars 2018 qui traite de la problématique de l’accroissement de la population et notamment de la classe moyenne et des méthodes employées pour nourrir la planète. Un vrai débat doit se faire sur nos habitudes de vie, la surconsommation et le modèle économique qui se base sur la croissance continue et indéfinie. Je ne suis pas totalement convaincue que les contradictions dans lesquelles nous sommes empêtrées sont la cause de la montée du populisme. Elles peuvent être plutôt la cause du désengagement de certains. Je me demande si en Amérique du Nord, les gens ne seraient pas plutôt réfractaires aux changements requis pour effectuer une décroissance. Nous sommes attachés à certains privilèges que nous considérons comme des droits et inhérents à qui nous sommes. La décroissance nécessite que chacun et chacune d’entre nous réfléchisse à nos habitudes. Beaucoup se sentent menacés par ce discours et se réfugient dans des positions plus radicales et conservatrices.

Et puis… si l’espèce humaine disparaissait, les chevaux seraient mécontents?

Et puis… si l’espèce qu’on dit « humaine ». disparaissait… qui se plaindrait… à part les chevaux

Je l’ai toujours dit, le meilleur geste pour l’environnement, c’est la vasectomie !

Si je vous comprends, bientôt il y aura une grande révolte. C’est ce que l’inégalité apporte et l’homme détruira l’homme.

Je vous connais plus combatif que ça!
Oui c’est un effort important de réflexion et d’information pour diminuer les impacts de notre mode de vie mais il y des solutions. Par exemple, un régime alimentaire végétarien atteint très bien cet objectif selon la grande majorité des études scientifiques. Viendront très bientôt les grands cataclysmes climatiques et la baisse drastique concomitante de notre qualité de vie; nous trouverons alors que les efforts que nous aurions dû faire maintenant étaient tout simple au regard des sacrifices et des pertes définitives que nous vivrons. Nous dormons monsieur.

Vous voulez dire demander aux gens individuellement de faire leur part, de ne pas compter sur le voisin, les écolos, leur gouvernement pour tout régler.
C’est une bonne idée… utopique, mais je suis d’accord avec l’article, on est dans la merde.

Et c’est vraiment ce qui est en train de se produire dans nos sociétés ? Nous n’avons jamais été aussi paisibles, les taux de criminalité, la violence des crimes et le nombre d’homicides sont en baisses drastiques. La paranoïa par contre ?