L’UQAM a un nouveau recteur, elle a maintenant besoin d’un nouvel élan

L’Université du Québec à Montréal est un symbole national fort du rattrapage spectaculaire des Québécois en matière d’éducation. Mais l’établissement prend l’image du quartier qui l’entoure, et ce serait dramatique qu’il soit de plus en plus cantonné dans la marge de ses grands voisins anglo-saxons.

Photo : Christian Blais pour L’actualité

L’Université du Québec à Montréal (UQAM) est née des espoirs de dynamisme, de progressisme et de démocratie associés à la Révolution tranquille. Aujourd’hui, elle semble plutôt le miroir d’un Montréal déglingué et d’un Québec français en perte de prestige. Il faut s’en inquiéter.

Bien sûr, ce n’est pas la faute de l’établissement si le Quartier latin où il a son campus n’est plus que l’ombre de ce qu’il a déjà été. Tout occupée à soigner la place des Festivals, l’administration municipale n’a pas voulu voir la dégradation qui s’installait plus à l’est.

La pandémie a terminé le travail : les cours en ligne qui en ont découlé ont fait que l’université a été désertée par le personnel et les étudiants. Les itinérants sont devenus les maîtres des rues des alentours. Le « retour à la normale » n’a pas changé cette dynamique.

Les commerces, eux, mettent la clé sous la porte les uns après les autres ; l’annonce de la fermeture du mythique magasin de musique Archambault, angle Sainte-Catherine et Berri, a même eu l’effet d’un électrochoc. Quelque 125 ans d’histoire prenaient fin, et rien d’emballant ne se profile pour les remplacer.

Tout cela ne donne donc pas envie de s’attarder dans le quartier. Qu’une grande université y siège apparaît même comme une incongruité. De quoi oublier à quel point cet emplacement au cœur de la ville répondait à l’effervescence sociale et intellectuelle qui a amené la création de l’UQAM il y a 50 ans.

Les cyniques diront qu’effectivement, l’UQAM a très bien fait en matière d’effervescence — et de turbulences et de débordements —, ce qui a terni son image.

Je dirais plutôt qu’avec les critères de performance économique qui servent maintenant de référent en Occident, il est plus facile de s’arrêter sur les dérapages que sur les missions particulières. Or, l’UQAM en avait, et en a encore, toute une : démocratiser l’accès à l’université.

Le réseau de l’Université du Québec, et l’UQAM en particulier, accueille toujours une forte proportion d’étudiants de première génération, comme on appelle ces premiers de leur famille à se lancer dans des études supérieures. Non, le Québec n’a pas fini son rattrapage scolaire, lui qui est monté si tard dans le train de l’éducation ! Pour rappel, le Québec a été la dernière province à imposer la fréquentation de l’école jusqu’à 14 ans ; il l’a fait en 1943, alors que l’Ontario, suivant l’Europe, s’y était attelé dès… 1891. Notre rapport à l’instruction, surtout aux cycles supérieurs, s’en ressent toujours.

Cela aurait dû suffire pour accorder une attention particulière à l’UQAM, en concurrence avec deux universités anglophones au centre-ville de Montréal. Au contraire, la structure même du monde universitaire s’est traduite par le sous-financement grandissant de l’UQAM, comme le rappelle une pétition rassemblant plus de 1 400 signataires et dont le texte a été publié dans Le Devoir jeudi dernier.

Ces pétitionnaires demandent maintenant au gouvernement de « s’engager formellement et concrètement à défendre l’UQAM et sa mission ». Pendant que McGill ne cesse de s’épanouir grâce à ses généreux donateurs et que Concordia prend de la vigueur, reflets d’une anglophilie de plus en plus présente au Québec, on ne peut laisser l’UQAM, qui assume pleinement sa mission francophone, devenir l’enfant pauvre du monde universitaire.

Justement, le gouvernement caquiste s’est lancé dans une vaste opération de valorisation du français, sous la conduite de Jean-François Roberge, ex-ministre de l’Éducation aujourd’hui titulaire du tout nouveau ministère de la Langue française. L’appel en faveur de l’UQAM devrait l’intéresser.

C’est dans ce contexte qu’arrive Stéphane Pallage, dont la nomination comme recteur a été recommandée au gouvernement du Québec à la fin de la semaine dernière par le conseil d’administration de l’UQAM.

La recherche d’un recteur a en soi été complexe. Un premier essai l’automne dernier n’avait pas permis de départager les deux candidats qui s’étaient alors présentés. Cette fois, trois candidatures étaient soumises au vote de la communauté universitaire et Stéphane Pallage s’est clairement démarqué.

Celui-ci ne souscrit toutefois pas au « misérabilisme » quand il est question de l’UQAM, comme il l’a exposé dans une lettre à La Presse la semaine dernière. Il y vantait plutôt les experts qui font rayonner l’université et le dynamisme de ses différents départements.

Plutôt que de se plaindre, ajoutait-il, il faut « proposer des solutions novatrices » qui renforceront la confiance du gouvernement envers l’établissement, histoire d’aller chercher les « enveloppes particulières de financement » tant espérées.

L’optimisme de Stéphane Pallage est séduisant : on peut croire qu’il a joué en sa faveur, autant que le fait d’avoir une expérience de recteur à son actif, à l’Université du Luxembourg, après avoir été doyen de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM de 2013 à 2017. Ce passage fut toutefois agité puisque M. Pallage avait alors cherché à détacher l’École de l’UQAM. Les débats et les accrochages avaient finalement conduit à un rapport qui a clarifié les rôles de chaque entité. Ce projet semble maintenant bel et bien appartenir au passé.

Mais est-ce que le nouveau recteur, réconcilié avec l’UQAM, voit l’avenir avec des lunettes trop roses ? Il y a en tout cas beaucoup de travail à faire pour redonner de la visibilité à l’établissement.

On ne peut mieux illustrer l’effacement de l’UQAM qu’en soulignant qu’après cinq ans de mandat, le nom de Magda Fusaro, rectrice que M. Pallage va remplacer, reste méconnu même de personnes qui, comme moi, s’intéressent aux milieux universitaires. On est loin de la notoriété d’un Claude Corbo. Or, il faut être connu pour être entendu à Québec.

La lettre de M. Pallage qu’a publiée La Presse avait pour titre : « Pour que l’UQAM retrouve (enfin) sa place ! » Elle a d’abord besoin de retrouver une voix, et pas seulement celle des batailles étudiantes !

La voix institutionnelle doit sortir de son cocon pour parler fort afin de revendiquer l’importance de la différence québécoise, que reflètent la langue de l’UQAM et ses particularités pédagogiques, et surtout pour la faire croître.

Car ce serait un vrai drame que l’UQAM soit renvoyée à la marge alors que Montréal glisse toujours plus loin sur la pente de l’anglicisation.

Laisser un commentaire

Les commentaires sont modérés par l’équipe de L’actualité et approuvés seulement s’ils respectent les règles de la nétiquette en vigueur. Veuillez nous allouer du temps pour vérifier la validité de votre commentaire.

J’ai terminé un B. A. ès arts en design 3D à l’UQAM en 1978. Je suis fier de cette formation qui m’a permis, entre autres, de réaliser le rêves de mes parents et d’amis : la conception du plan de leur maison. Même si j’ai bifurqué vers le monde des communications, après avoir complété une maîtrise à l’UdeM, j’ai gardé un grand intérêt sur tout ce qui touche l’architecture et le design en général.
Je suis un des créateurs, en 1979, de la revue 24 images, qui s’attache à penser le cinéma d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui (https://revue24images.com/qui-sommes-nous). À 67 ans, après avoir travaillé avec de grandes agences de communication québécoises, j’enseigne depuis près de 40 ans la conception-rédaction publicitaire à l’UdeM et à l’Université Senghor à Alexandrie, en Égypte, ainsi que dans plusieurs universités d’Afrique francophone. Aujourd’hui encore, je suis à la recherche de nouveaux défis, tant en agence qu’en enseignement. Au plaisir d’en discuter de vive voix!

Répondre

On oubli que l’UQAM est également en région à Terrebonne, à Longueuil, à Laval et à St-Constant. Ces Campus en région attirent également une clientèle de gens qui apprécient pouvoir étudier dans des environnements de qualité et ne pas avoir à se déplacer au Centre Ville. Allez faire un tour!

Répondre