
Dix-huit heures, par un chaud vendredi soir d’été. Sur les terrasses de Montréal, l’heure est au rosé, à la sangria ou aux mojitos. Mais au sous-sol du magasin pour bébé Rose ou Bleu, dans le quartier Rosemont, de futurs mamans et papas sont loin de ces distractions futiles. Confortablement calés dans des fauteuils berçants capitonnés, ils écoutent attentivement les deux formatrices sur la scène devant eux. Le sujet de la présentation : comment s’équiper en prévision de l’arrivée de bébé. Pendant deux heures et demie, les employées du magasin expliquent comment choisir une poussette, un siège d’auto ou un porte-bébé.
Révolue, l’époque où les parents déposaient leur nouveau-né dans un moïse sur la banquette arrière de la voiture ; où le trousseau de bébé se composait de quelques couches et camisoles de coton. Sur la liste de naissance que la boutique Rose ou Bleu distribue aux futurs parents, on ne recense pas moins de 80 articles ! Il faut penser aux déplacements (siège d’auto, porte-bébé, poussette, mais aussi habillement de pluie, moustiquaire, store d’auto…), à la détente (balançoire, transat, tapis d’éveil…), à l’allaitement (biberons, stérilisateur, chauffe-biberon…), au sommeil (berceau, mobile, humidificateur…), à l’hygiène (baignoire, lingettes, poubelle à couches…) et, bien sûr, aux vêtements.
« Aujourd’hui, les accessoires sont aussi nombreux que raffinés », note Olga Cherezova, conseillère à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de l’Est de Montréal, une organisation qui a pour mission d’éveiller l’esprit critique des consommateurs et qui a publié un guide intitulé Un bébé à bas prix pour parents avertis. « Le resserrement des normes de sécurité justifie l’arrivée sur le marché de certains équipements plus perfectionnés, dont les sièges d’auto. Mais il y a aussi du superflu dans ce qu’on propose désormais aux nouveaux parents. Les fabricants et les spécialistes du marketing exploitent leur corde sensible. Ils savent que les parents veulent offrir ce qu’il y a de mieux à leur poupon. »
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Au magasin Rose ou Bleu, le prix des poussettes va de 329 à 1 400 dollars. Les conseillères n’incitent pas les clients à choisir un modèle plutôt qu’un autre, mais la Bugaboo Cameleon3 (la Cadillac) semble particulièrement pratique avec ses grosses roues qu’on peut faire passer devant ou derrière en un tournemain, selon le terrain sur lequel on se trouve. Et il faut évidemment payer un supplément pour se procurer l’édition limitée conçue par la marque de vêtements Diesel, aux couleurs de style militaire.
Vous cherchez un moniteur pour surveiller votre bébé à distance ? Oubliez les interphones, qui ne permettent d’entendre que les gazouillis ou les pleurs du petit. Les modèles modernes sont assortis d’un détecteur de mouvement qu’on glisse sous le matelas et qui fait retentir une alarme lorsque le poupon n’a pas bougé pendant 20 secondes. La marque Angelcare propose un modèle à 329 dollars, muni d’une caméra infrarouge, pour voir l’enfant même s’il fait nuit, et qui transmet les images de votre trésor par voie sans fil jusqu’à votre téléphone cellulaire, où que vous soyez. Sur l’emballage, un bébé à la peau de pêche dort paisiblement.
Pour les parents pressés, le mélangeur de lait en poudre est tout indiqué. Le Formula Pro, de la marque Baby Brezza, fait penser à une cafetière à capsules de type Nespresso. On n’a qu’à appuyer sur un bouton pour que la machine prépare un biberon à la température idéale. Le prix ? Cent quatre-vingts dollars.
« Les parents confondent souvent leurs désirs avec les besoins du bébé », constate Olga Cherezova, qui leur conseille de se concentrer d’abord sur les articles de base : un lit de bébé, un bon matelas et de la literie, un siège d’auto sécuritaire, une poussette, des couches et des biberons.
Mais même en se limitant à l’essentiel, la facture peut… empêcher de dormir ! Un siège typique pour nouveau-né coûte de 180 à 350 dollars (pour un modèle avec similicuir). Si on veut pouvoir le fixer à sa poussette, il faut payer de 35 à 90 dollars pour se procurer un adaptateur. En outre, le siège pour nouveau-né ne convient plus lorsque le petit dépasse les 10 kilos. Il faut alors acheter un siège d’auto pour enfant, qui coûte généralement de 350 à 500 dollars.
Gabrielle van Durme, mère de Sacha, quatre ans, et de Robin, deux ans, a déniché son siège d’auto sur le site de petites annonces en ligne Kijiji. « Je sais, ce n’est pas recommandé », admet celle qui travaille comme associée de recherche à l’École polytechnique de Montréal.
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Lorsqu’on achète un siège d’auto usagé, il faut en effet s’assurer qu’il n’a jamais subi d’accident… et qu’il n’est pas devenu obsolète ! Selon les modèles, les sièges ont des durées de vie s’échelonnant sur 6 à 10 ans. « Après un certain temps, l’exposition à la lumière altère les propriétés du plastique et le siège n’est plus sécuritaire, explique Anne-Sophie Hamel-Longtin, porte-parole de CAA-Québec. Les fabricants ont l’obligation d’indiquer sur le siège la date limite au-delà de laquelle il ne peut plus être utilisé. Les personnes qui ne respectent pas ce règlement s’exposent à une amende. »
Hormis le siège d’auto, tous les autres accessoires pour bébé peuvent s’acheter d’occasion, sans condition. « Pourvu que ce soit propre », dit Gabrielle van Durme, qui a trouvé grâce au site Kijiji une table à langer, une chaise haute, un transat, mais aussi des jouets et des vêtements. « Il n’y a à peu près que les chaussures que j’achète neuves », dit-elle. Le site Kijiji permet même de programmer des alertes lorsqu’on est à la recherche d’un objet en particulier, à l’intérieur d’un périmètre donné.
Gabrielle van Durme compte également sur son réseau d’amis et de collègues, qui lui refilent gratuitement les articles dont ils n’ont plus besoin. « Il y a une belle solidarité entre les jeunes parents », observe-t-elle.
Olga Cherezova encourage tous les futurs parents qu’elle rencontre à privilégier les articles d’occasion. « Au cours de la première année, les bébés changent tellement vite que les articles sont souvent encore en excellente condition quand les parents décident de s’en défaire, dit-elle. Mieux vaut profiter de toutes ces aubaines et économiser en prévision de l’avenir. » Parce que les traitements d’orthodontie, ça ne s’achète pas sur Kijiji.