Monarchie ou frais de cellulaire : une question de priorités

Est-ce que les inondations et le coût de la vie sont de bonnes raisons pour ne pas discuter de l’abandon de la monarchie ? se demande Olivier Niquet. 

Paul Ducharme / montage : L’actualité

Olivier Niquet a étudié en urbanisme avant de devenir animateur à la radio de Radio-Canada en 2009 dans les émissions Le Sportnographe et La soirée est (encore) jeune. Il est aussi chroniqueur, auteur, conférencier, scénariste et toutes sortes d’autres choses. Il s’intéresse particulièrement aux médias mais se définit comme un expert en polyvalence.

J’ai suivi le couronnement de Charles III de loin, comme pour tout ce qui concerne la monarchie. Un peu de Marc Laurendeau par-ci, du Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques par-là, quelques vidéos cocasses à travers tout ça, et la plupart du temps parce qu’on me l’avait imposé. Jamais vraiment par choix. Je réussis quand même à trouver ça drôle entre deux moments où je trouve ça ridicule.

Il y a cette histoire de « pierre du destin », qui selon la légende aurait servi d’oreiller à Jacob en 700 avant Jésus-Christ (une époque où, de toute évidence, Matelas Bonheur n’existait pas), mais qui finalement daterait plutôt du XIIIe siècle. Il y a ce carrosse chromé dont le côté bling-bling a de quoi inspirer un amateur de chars montés de la troisième couronne (la banlieue). Même les chevaux sont déguisés, les pauvres. Et que dire de cette couronne (le couvre-chef) caricaturale qui menace l’équilibre du monarque sous le poids des carats ? Tout cela me semble anachronique, comme les télécopieurs dans les hôpitaux ou les Maple Leafs de Toronto en deuxième ronde des séries.

Que l’Angleterre aime cette mascarade est une chose, mais que le Canada insiste pour la subir me dépasse. Les royaumes du monde entier ont bien beau faire ce qu’ils veulent. Que le roi du Bhoutan ou le prince de Monaco possèdent des fauteuils sertis de diamants, c’est leur affaire. Même si je comprends l’importance des symboles, je n’ai personnellement pas le gène de l’idolâtrie. Je ne fonds devant aucun chanteur populaire, princesse ou figure biblique (quoique si je croisais Jésus dans la rue, je ferais sans doute le saut). Je peux quand même comprendre les gens qui s’émeuvent devant ces personnages, dans la mesure où c’est inoffensif. On ne parle pas du roi Charles comme du roi d’Arabie saoudite. L’un est une décoration, l’autre est un dictateur.

Je trouve juste que l’on devrait avoir nos propres décorations. La monarchie coûterait quelque chose comme 47 millions de dollars aux contribuables canadiens chaque année. Quarante-sept millions d’une monnaie qui mettra bientôt en valeur la belle bouille du nouveau roi. Il y aurait amplement de quoi mettre en valeur nos propres symboles. De quoi construire un palais du castor avec des rondins d’émeraudes, un trône en érable massif (si ça se peut), et de quoi couronner un roi de la poutine. 

Tout ça pour dire que j’avais d’autres priorités que de suivre le couronnement de Charles III. Ce qui m’amène à mon sujet principal. Ça ne paraît pas, mais ce n’est pas vraiment de couronnement que je voulais parler. Je me suis laissé emporter. Je voulais parler de priorités. Parce que c’est l’argument numéro un que nous ont servi les ministres du Parti libéral du Canada la semaine dernière lorsqu’il a été question de se distancier de la monarchie. Même si, selon les sondages, la majorité des Canadiens sont prêts à s’en départir, le gouvernement refuse de s’y mettre parce qu’il y a d’autres priorités. 

À la Chambre des communes, devant les questions du Bloc québécois à ce sujet, le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a estimé que les Canadiens étaient plus intéressés par les changements climatiques, l’économie et l’attraction d’entreprises que par le divorce d’avec la monarchie. La députée Rachel Bendayan a dit qu’il fallait plutôt se concentrer sur les inondations, la crise du logement et le système de santé. François-Philippe Champagne, lui, a évoqué les frais de cellulaire et l’abordabilité : « Il faut le faire, en 2023, de parler de monarchie alors que les Canadiens s’intéressent à l’abordabilité », a-t-il déclaré, comme si l’abordabilité était sur toutes les lèvres.

C’est là une tactique qu’utilisent de nombreux politiciens et chroniqueurs dans l’espace public. C’est bien commode, parce qu’il y aura toujours quelque chose de plus important à souligner dans l’échelle des priorités. C’est une manière facile de se tirer d’affaire dans un débat, lorsqu’on est mis au pied du mur : « D’accord, tous vos arguments sont bons, mais je pense qu’on devrait plutôt se concentrer sur l’élimination de la famine dans le monde. » Ou à l’inverse, il est facile d’illustrer la nature peu prioritaire d’une situation en prétendant que personne ne se bat à ce sujet dans les autobus. Ça s’est déjà vu. Pourtant, on peut vouloir changer deux choses en même temps. On peut vouloir faire réduire les frais de cellulaire et en même temps se libérer du royaume d’Angleterre. 

Il faut avoir une vision plus globale de la situation. Si on quittait le Commonwealth et qu’on épargnait 47 millions de dollars par année, peut-être qu’on pourrait investir cet argent dans la réduction des frais de cellulaire. Le roi est mort, vive les frais de cellulaire plus bas !

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Abandonner la monarchie pour quoi? La république? Prouvez-nous que la république coûte moins cher, que nos impôts vont baisser, et que nous vivrons dans une société plus démocratique. Vous trouvez la France et les États-Unis plus démocratiques que le Canada, l’Australie, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas?

Ces derniers jours j’ai vu des manifestants Not My King et j’ai vu l’énorme foule le long du Mall à Londres. Deux jours plus tard à Paris on commémorait Jean Moulin et la Résistance sur des Champs-Élysées quasi vides… après la mise en place d’un large périmètre de sécurité pour empêcher l’opposition de manifester… Macron se rendit ensuite à Lyon où les rassemblements ont aussi été interdits. (La Presse)

À chacon de faire son constat sur l’état de la démocratie.

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Abolir la monarchie ? D’accord. Garder la monarchie ? D’accord. Mais approcher la question par un rapport comptable $$$$… Complétement dans les patates ! Il n’y aurait aucune économie à faire, aucune !
Le dernier couronnement à coûté très cher aux contribuables du Royaume-Uni. En contre partie il lui a apporté beaucoup plus en revenus (taxes,ventes, hébergements touristiques etc.).
D’un point de vue canadien, un régime « républicain » coûterait au moins la même chose (le budget de l’Élysée et nettement plus élevé que celui de celui de Buckingham par exemple. Il est vrai que la France Républicaine. et, « monarchique » n’est pas un modèle ) . Le choix est politique et personnel à chacun.

Tout à fait d’accord. La royauté, le Commonwealth, n’ont plus aucune pertinence et comme vous le soulignez si bien , nous coûte des millions. L’Angleterre elle-même aux prises avec d’énormes problèmes n’a plus aucune raison de s’accrocher à ce roi sans aucune dignité. La monarchie au Canada n’est plus qu’un relent de domination impérialiste anglaise avilissante pour un pays indépendant comme le Canada et d’autant plus pour le Québec. Je préférerais nettement que notre monnaie soir estampillée l’effigie de Lester B. Pearson ou d’Idola Saint -Jean qu’à celle de cet individu qui au fond n’a rien fait d’autre de sa vie que d’attendre de devenir roi. L’abolition de l’obligation pour les députés de prêter serment à la reine ou au roi au Québec est un pas dans la bonne direction.

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Si seulement c’était aussi « facile » de se défaire de la monarchie dans la structure de gouvernance du Canada… Les Australiens ont voté pour l’abolition récemment et ont vite déchanté, en apprenant que le pouvoir exécutif doit d’abord être remplacé par qq chose d’autre si la Sanction royale est abolie!! Ben oui, j’ai appris ça en écoutant un spécialiste sur Radio-Can! Ce qui prouve aussi que Justin pourrait expliquer ce que ça implique pour que les journalisss puissent comprendre que ce n’est pas juste une affaire d’ouvrir la Constitution. À bon entendeur…

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Admettons qu’un pays a besoin d’un chef d’état et que devant la difficulté de changer de formule, on garde la royauté. Les provinces ne sont pas des états souverains et non pas besoin d’un chef d’état. Donc commençons pas mettre dehors les lieutenant-gouverneurs qui coûtent une fortune et qui ne servent à rien du tout. Ce sera un premier pas avant de mettre la royauté dehors…..

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Je suis d’accord sur le fait que le gouvernement est capable de travailler sur plusieurs dossiers à la fois et, sans se débarrasser de la monarchie (pour l’instant), le gouvernement pourrait faire au moins un effort pour réduire cet appareil au minimum. Une formule du genre: Un Gouverneur Général et un seul Lieutenant-Gouverneur, les deux à Rideau Hall et ils se déplacent dans les provinces et territoires seulement quand c’est nécessaire.

À moins que je sois dans les patates, il y a quelques années, la Barbade est devenue une république tout en restant membre du Commonwealth; il serait peut-être intéressant de regarder comment ils ont fait pour y arriver.

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