«Les libéraux déposent un projet de loi visant à protéger le nombre de sièges du Québec au Parlement, une condition de l’entente avec le NPD », titrait le quotidien National Post le 25 mars dernier. Jusque-là, tout est factuel. Ça se gâte par contre dès l’amorce du texte avec la précision suivante, répétée plus loin : « En raison de la baisse de la population du Québec, la province risque de perdre un député lors de la prochaine redistribution des sièges », comme le prévoyait à ce moment un projet de redécoupage de la carte électorale.
Malgré son énormité, l’erreur est demeurée. En date de septembre dernier, l’article n’avait toujours pas été corrigé en ligne. Mais quelle est cette erreur ? Non, la population québécoise n’a pas diminué. La croissance démographique du Québec est vigoureuse par rapport à la majorité des pays développés, et même à certaines provinces.
Ce type de perception fautive au sujet de la population du Québec est fréquent dans les médias et les discours politiques, qu’il s’agisse de sa croissance, de son vieillissement, de l’immigration ou de l’émigration. Alors qu’en est-il vraiment ? Radiographie de quatre aspects de la démographie québécoise.
Le Québec est en déclin démographique
Entre les recensements de 2016 et de 2021, la population du Québec a crû de 4,1 %. C’est moins que les 5,2 % de l’ensemble du Canada, mais c’est tout de même plus que 5 des 13 provinces et territoires, et à peine moins que l’augmentation de l’Alberta (4,8 %). Autrement dit, le Québec n’est peut-être pas parmi les champions canadiens de la croissance démographique, mais il n’est pas en queue de peloton non plus. Et il n’est certainement pas en déclin.
Il faut savoir par ailleurs que le Canada fait bonne figure en matière de croissance démographique parmi les 20 plus importantes économies du monde : l’augmentation du nombre d’habitants depuis 2016 est la huitième du G20 et la plus forte du G7, révèle Statistique Canada dans son analyse du recensement de 2021.
Si on évalue la population du Québec à l’échelle internationale, on constate que, depuis 2016, elle a crû plus vite que celles des États-Unis, du Brésil, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France, de la Chine… et que celles du Japon, de la Russie et de l’Italie, trois pays dont le nombre d’habitants diminue réellement (–2 % depuis 2016 pour l’Italie !). Par rapport à ce qu’on observe chez nos voisins du Sud, le nombre d’habitants augmente 1,5 fois plus rapidement au Québec.
Enfin, la croissance s’accélère : lors du précédent cycle de recensement (2011-2016), la population québécoise avait connu une hausse de 3,3 %.
Le Québec attire peu les immigrants
Certes, comparé au reste du pays, le Québec accueille une proportion moins importante des immigrants qui choisissent le Canada. Par exemple, en 2019, dernière année avant que la pandémie vienne chambouler les flux migratoires, le Québec a accueilli 15 % des 321 049 immigrants reçus au Canada. Or, il représentait 22,6 % de la population canadienne cette année-là. L’Ontario avait la part du lion, ayant accueilli 43 % des immigrants reçus, alors que la province abritait 37 % de la population canadienne.
Mais le Canada et particulièrement l’Ontario sont des cas d’exception dans le monde industriel. Ainsi, avec ses 9,8 immigrants reçus pour 1 000 habitants en 2019, l’Ontario a accueilli, proportionnellement, trois fois plus de nouveaux arrivants que les États-Unis, première destination mondiale des immigrants en nombre total (avec plus d’un million en 2019), mais avec un taux de 3,2 pour 1 000, comme le montrent les données de l’OCDE. L’Australie, autre pays parmi les plus favorables à l’immigration internationale, a reçu la même année 6,1 immigrants pour 1 000 habitants. La France se révèle aussi plus accueillante que la première puissance mondiale, avec un taux de 3,9.
Et le Québec ? À 6,1 pour 1 000 habitants, il attire autant de nouveaux arrivants que des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni (7 pour 1 000), mais un peu moins que la Suède (9 pour 1 000) et beaucoup moins que la Nouvelle-Zélande (25,7 pour 1 000).
Le Québec est vieux
Inutile de se cacher la tête dans le sable gris : le Québec vieillit. Et vite. Comme tout le reste de l’Occident et la plupart des pays asiatiques riches, tels que le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
Par rapport au Canada, la province où le baby-boom des années 1950-1960 s’est avéré l’un des plus condensés au pays montre en effet des signes de vieillissement plus prononcés. Les données du dernier recensement de Statistique Canada révèlent que les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 20,6 % des habitants du Québec en 2021, alors qu’elles formaient 18,6 % de la population dans le reste du Canada.
Mais encore une fois, la situation du Québec n’est pas une anomalie. C’est dans les provinces de l’Atlantique qu’on trouve la population la plus âgée du pays : 22,7 % des 2,4 millions de Canadiens qui y vivent ont l’âge de la retraite. Parmi le groupe des quatre grandes provinces, la Colombie-Britannique se tient proche du Québec : les 65 ans et plus représentent 20,4 % de ses habitants.
Toutes les provinces de l’Atlantique et la Colombie-Britannique affichent un âge moyen plus élevé que celui du Québec, qui est de 42,8 ans. À 41,8 ans, celui de l’Ontario n’est pas tellement loin.
À l’échelle internationale, en examinant les données recensées par la Banque mondiale, on constate que la proportion des 65 ans et plus au Québec est dans les mêmes eaux que celle en Suède (20,5 %), en France (21 %) et en Allemagne (22 %). Elle est plus élevée qu’aux États-Unis (17 %), mais moins qu’en Finlande (23 %), en Italie (23,6 %) et au Japon (29 % !).
Par ailleurs, les familles canadiennes se ressemblent d’une région à l’autre : le nombre d’enfants par foyer où ils sont présents est de 1,7 en Atlantique et en Colombie-Britannique, de 1,8 au Québec et en Ontario, et de 1,9 dans les Prairies.
Le Québec se vide au profit des autres provinces
Depuis que des données existent sur cet aspect de la démographie, le solde migratoire du Québec par rapport au reste du Canada lui a toujours été défavorable, il est vrai. Dans les premières années du Parti québécois au gouvernement, en 1977 et 1978, la migration vers le reste du Canada, notamment vers l’Ontario, dépassait les 25 000 personnes par année.
Mais la situation s’améliore. Statistique Canada a révélé en avril que la circulation dense avait changé de sens sur l’autoroute 401. En 2021, pour la première fois depuis que ces données sont recueillies par l’agence fédérale (soit à partir de 1971), plus d’habitants de l’Ontario se sont établis au Québec que l’inverse, une différence de 787 personnes. Un an plus tôt, l’Ontario avait gagné 2 282 Québécois.
L’an dernier, l’attrait qu’exerce le Québec auprès des autres Canadiens a ainsi atteint un sommet : il a accueilli plus de gens qu’il n’en a laissé partir, soit 26 321 nouveaux résidants en provenance des 12 autres provinces et territoires, contre 26 267 résidants qui s’en sont allés ailleurs au Canada. Un tout petit gain de 54 personnes, mais un premier en un demi-siècle. Ces données sont cohérentes avec la tendance à l’amélioration du bilan migratoire du Québec par rapport au reste du Canada observée depuis 2014, le solde s’étant progressivement rétréci depuis son creux de –14 200 habitants cette année-là.
Cet article a été publié dans le numéro de novembre 2022 de L’actualité, sous le titre « Des mythes à déboulonner ».
Cet article contient lui aussi une idée reçue «le Canada fait bonne figure en matière de croissance démographique». Faire bonne figure veut dire que c’est bien, positif, nécessaire. Sinon, il ferait mauvaise figure, ce qui serait mal.
Pourtant, il est évident qu’il y a trop d’humains sur la planète. Il est grandement temps de laisser la planète respirer un peu et au minimum cesser de promouvoir la croissance constante de tout: économie, démographie, etc.
Pourquoi croître à tout prix? Qu’est-ce qu’il y aurait de mal à demeurer au même nombre?
Je comprends que vous souhaitiez relever ce que vous appellez une énormité mais vous oubliez de préciser que le poids relatif du Québec au sein de la fédération lui diminue bel et bien. La nuance est peut-être un peu occultée dans l’article que vous citez mais il ne faut pas perdre de vue qu’il y a bel et bien une tendance à la marginalisation démographique du peuple québécois au sein du Canada. Les médias n’ont pas tout bonnement fabriqué une histoire à dormir debout !