L’égalité entre les pères et les mères, c’est pour bientôt. Du moins dans le petit groupe de parents avec lesquels Louis-Michel Tremblay, 27 ans, participe aux activités familiales organisées par le Carrefour des Petits Soleils, un organisme communautaire de Montréal. «Parmi huit parents, nous sommes trois ou quatre pères, selon les semaines!» dit ce fier papa d’un petit Augustin, 16 mois.
À la naissance de son fils, en novembre 2005, Louis-Michel Tremblay a pris un congé parental de 35 semaines, le maximum à l’époque. Chargé de projet au sein d’un organisme de coopération internationale du Saguenay–Lac-Saint-Jean, il a opté pour le télétravail, et la petite famille s’est installée à Montréal, le temps que maman, infirmière, termine ses études d’acupuncture au collège de Rosemont. «Pour le moment, on mise sur la carrière de ma blonde plutôt que sur la mienne», dit-il.
Tout comme Louis-Michel Tremblay, 6 Québécois sur 10 ne croient pas qu’il soit «plus normal pour la femme que pour l’homme de sacrifier sa carrière au profit de la famille». Ailleurs au Canada, près des deux tiers des gens pensent au contraire qu’il est plus normal pour la femme de mettre sa carrière en veilleuse.
Au Québec, les rôles des hommes et des femmes sont moins catégorisés que dans le reste du pays, confirme Denyse Côté, directrice de l’Observatoire sur le développement régional et l’analyse différenciée selon les sexes de l’Université du Québec en Outaouais. «L’union libre et les naissances hors mariage ainsi que la garde partagée sont plus fréquentes.»
Les mesures favorisant la conciliation travail-famille, comme les garderies à sept dollars, encouragent aussi les mères québécoises à regagner le marché du travail, souligne Francine Descarries, professeure à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM.
«Est-ce que les comportements des hommes et des femmes sont vraiment plus égalitaires au Québec?» demande Évelyne Lapierre-Adamcyk, professeure titulaire au Département de démographie de l’Université de Montréal. Il a fallu attendre le début des années 2000, fait-elle remarquer, pour qu’au Québec le pourcentage de mères avec conjoint et qui travaillaient atteigne puis dépasse celui qu’on observait en Ontario.
De toute façon, «il n’y a pas de quoi se péter les bretelles!» dit Germain Dulac, chercheur invité à l’École de service social de l’Université de Montréal et spécialiste de la condition masculine: près de 4 Québécois sur 10 croient toujours que c’est à la mère de sacrifier sa carrière pour la famille. «Il y a beaucoup de travail à faire auprès de la population et des employeurs», dit-il.
Le père québécois s’occupe davantage des enfants qu’il y a 20 ans, mais la mère demeure la première responsable de l’organisation familiale, selon Francine Descarries. «L’homme accepte de faire le marché, mais sa conjointe doit dresser pour lui la liste des achats à faire», dit-elle.
Fait étonnant: 36 % des Québécois (41 % des hommes et 32 % des femmes) pensent que «l’homme conserve certaines supériorités naturelles sur la femme contre lesquelles on ne peut rien»! C’est plus qu’il y a 15 ans (29 %). Ailleurs au Canada, ce pourcentage a baissé, passant de 25 % à 20 %.
Selon Alain Giguère, président de CROP, les gens pensent à la force physique masculine et non aux facultés intellectuelles. «Le Québec est une société latine, traditionnellement plus machiste, dit-il. Les archétypes des hommes héros et des femmes féminines et maternelles demeurent dans les esprits. Mais c’est purement symbolique.» Au quotidien, les couches de bébé rattrapent les hommes québécois. Ceux-ci, estime Alain Giguère, rêvent seulement de «faire encore un peu les coqs!»