Parlons fringues et politique

Il y a dans le choix de vêtements délibérément ostentatoires de Catherine Dorion et Safia Nolin un militantisme, un geste intime autant que politique. Elles s’habillent d’abord par respect pour elles-mêmes, mais aussi pour faire passer un message d’identification à ce qu’elles croient être leur public.

Photo : Daphné Caron

L’exposition consacrée au travail du couturier et styliste Thierry Mugler a remporté un franc succès l’été dernier au Musée des beaux-arts de Montréal. Pendant les années 1980-2000, Mugler, avec ses créations futuristes, a inventé le défilé-spectacle, a conçu des tenues sexy et fortes à la fois, des armures pour affronter un monde incertain. Il a imaginé des silhouettes de superhéroïnes, parées de vêtements de combat dissimulés sous les paillettes et les volants. Cette phrase de Mugler, en exergue de l’exposition, m’a frappée : « J’ai toujours essayé, dans mon travail, de rendre les gens plus forts en apparence qu’ils ne le sont vraiment. »

Cela rejoint intimement ce que je pense des vêtements. J’aime la mode, les allures qu’on se donne, les tissus qui nous protègent ou qui nous propulsent dans la société. Le vêtement est une politesse, un respect envers l’autre. C’est aussi un marqueur de classe, un outil de pouvoir. Il y a dans les habits une lecture du monde, un rapport à celui-ci, qu’on peut organiser à sa guise pour autant qu’on en maîtrise le langage. Ils sont un message, une signature.

Je suis peut-être d’une autre génération, celle qui croit qu’on peut être plus que soi en s’habillant, en choisissant expressément certains morceaux. C’est pourquoi les récentes prises de position sous forme de vêtements référant à l’égalité, à la modestie, à la transparence m’interpellent. Je pense à ces deux exemples marquants : les t-shirts de Safia Nolin dans des galas, et les tenues de la députée Catherine Dorion à l’Assemblée nationale. Il y a dans le choix de vêtements délibérément ostentatoires des deux femmes un militantisme, un geste intime autant que politique. Elles s’habillent d’abord par respect pour elles-mêmes, mais aussi pour faire passer un message d’identification à ce qu’elles croient être leur public.

C’est un discours d’authenticité, qui critique implicitement les diktats imposés aux femmes, qui parle de diversité. Cela confirme que le vêtement est un pouvoir. C’est aussi un discours à l’opposé de celui de Mugler, qui voyait le vêtement comme de l’empowerment. Le tissu mou parle à une autre génération, il charrie une vision plus naturaliste, plus collective, quelque part. Il s’inscrit dans l’air du temps, qui est à la transparence, à l’égalité, à une vision de la société basée sur le bien collectif plutôt que sur le triomphe personnel.

Ce qui est, ce qui reste est que le corps féminin, nu ou paré, continue à déranger. Tous et toutes ont quelque chose à en dire.

Safia Nolin va plus loin. En se dénudant pour son clip Lesbian Break-Up Song, elle donne à voir son imperfection, elle nous dit : voilà, c’est moi, vulnérable, à prendre ou à laisser. L’humoriste Mariana Mazza renchérit, exposant ses formes sur Instagram. Aux États-Unis, Lena Dunham, créatrice de Girls, ne fait pas autre chose. Plus loin encore que le t-shirt contestataire de l’ordre établi, les corps imparfaits et dénudés affirment : je compte aussi ! Ils s’inscrivent dans cette mouvance d’une quête de transparence qui touche toute notre société.

Ça me ramène à l’auteure Nelly Arcan. Un de ses derniers romans, Burqa de chair, faisait un parallèle fulgurant entre le supercorps remodelé par la chirurgie, dissimulé dans sa carapace de silicone, et celui qui disparaît sous la burqa et les diktats de la religion. Dans ces deux extrêmes, le corps des femmes, offert ou voilé, est ramené au regard des hommes. La peau, Nelly l’avait bien compris, est une prison et une arme à la fois, une construction sociale même lorsqu’elle se revendique comme œuvre personnelle. On a souvent critiqué (et on continue à le faire) les femmes de tout âge qui ont recours au bistouri et aux implants ; on les juge. Mais condamne-t-on la société qui les conduit là ?

Comme Mugler, Arcan, dans sa vie, croyait au pouvoir paradoxal et personnel de l’apparence. Nolin et Dorion semblent tenir le discours inverse. Mais ce qui est, ce qui reste est que le corps féminin, nu ou paré, continue à déranger. Tous et toutes ont quelque chose à en dire. Les femmes ont beau, ces dernières décennies, s’être réapproprié leur corps, celui-ci n’a pas fini de susciter la controverse. Il ne doit pas vieillir à la télé, ne doit pas contrevenir à la norme, ne doit pas être trop aguichant ni trop banalisé. Nous avons beau nous dire que nous nous habillons, maquillons pour nous-mêmes, prétendre que c’est personnel, l’enjeu est social et collectif : celui de la place des femmes dans la société, et ultimement à qui leur corps appartient.

Alors, oui à des corps nus ou débridés dans l’espace public, mais oui aussi à des superhéroïnes moulées dans des costumes de vinyle avec des seins comme des obus. On ne verra jamais assez les femmes.

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¨Elles s’habillent d’abord par respect pour elles-mêmes¨… j’oserais espérer, mais je n’y crois pas, mais pas du tout. Cette phrase est d’une hypocrisie des plus totale. Les femmes s’habillent pour ce qu’elles peuvent dégager autour d’elles, et non pas pour elles mêmes ! Une femme se fait belle pour VOIR ce qu’elle fait réagir autour d’elle en se disant que c’est ELLE qui est ainsi… et en le croyant profondément: provocante, aguichante, affriolante, désirable . Comme la réplique de Harrisson Ford dans le film ¨Six jours, sept nuits¨, à sa cliente d’un magasine féministe, dans toutes les façons pour séduire un homme, ¨les femmes n’ont qu’à se montrer¨. Et si on va voir dans un peu plus coquin, dans ¨Les Boys Le Film¨, 30 secondes sur 1:30 h que dure le film, les ¨boys¨ qui sont tombés sur un vieux ¨Playboy¨ lancent spontanément ¨ça c’était du vrai…¨ en parlant des formes naturelles des femmes des années 50-60-70.
Effectivement, le corps féminin fera toujours parler, autant par les femmes elles mêmes que par les hommes… des unes en bien, les autres en … moins bien.
Les humains étant ce qu’ils sont, ils seront toujours à améliorer; c’est une vis sans fin.

Madame Bazzo,

Madame Dorion est ma députée. Elle est sûrement intelligente mais elle a surtout un grand besoin d’attention. Si elle s’arrêtait au coton ouaté, passe, mais quand elle nous entretient sur sa philosophie du poile et qu’elle pose en pin-up à l’Assemblée nationale ce n’est pas de la mode dont il est question. C’est de l’irrespect à l’égard du peuple québécois dont il est question et pas de mode.
Quoi que vous en pensiez madame, elle me fait honte…j’ai honte de celle qui me représente à l’Assemblée Nationale. Ça c’est grave.

P.s. vous êtes toujours vêtues élégamment lors vos apparitions à la télé.