Le tout nouveau projet de loi C-21 va plus loin que les promesses électorales que le Parti libéral du Canada a faites depuis 2015 en matière d’armes à feu, sans jamais les tenir. Cette fois, un pas a vraiment été franchi. La preuve, c’est que le point de presse du premier ministre s’est déroulé avec des représentants de groupes qui l’avaient encore tout récemment critiqué pour ses faiblesses dans le dossier.
Qui plus est, sitôt l’annonce faite, des analystes ont fait valoir le bon côté des nouvelles dispositions, et des élus qui avaient incité le premier ministre à en faire davantage, au premier chef la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ont salué « le signal fort » qui venait d’être envoyé.
Néanmoins, je ne pensais qu’à la soirée qui allait suivre…
De fait, quelques heures plus tard, ça tirait dans un secteur résidentiel du quartier Rivière-des-Prairies, à Montréal. Il ne s’agissait pas d’un seul tir : une dizaine de douilles ont été retrouvées, deux logements d’un immeuble affichaient des impacts de balles et un projectile a même traversé une pièce.
Évidemment, je ne pensais pas sérieusement qu’un projet de loi mettrait fin comme par miracle aux fusillades qui ponctuent dorénavant les nuits montréalaises ! Je cherche plutôt à exprimer un malaise.
Le projet de loi C-21 a attiré l’attention de grands médias internationaux comme Le Monde, le New York Times, le Guardian. Tout en détaillant le texte de loi canadien, ces reportages ajoutaient en toile de fond l’effroyable tuerie d’enfants survenue la semaine dernière à Uvalde, au Texas. Justin Trudeau lui-même semble avoir été inspiré par ce drame pour enfin dévoiler son projet de loi.
Mais les tueries ne sont pas caractéristiques de la violence par armes à feu telle qu’elle se vit au Canada. Ici, ce qu’il faut craindre, comme le savent depuis un bon moment les citoyens de Toronto et d’Ottawa et comme le découvrent depuis peu les Montréalais, c’est la balle perdue. Celle-là provient d’armes illégales détenues par des bandes criminelles, que le nouveau projet de loi n’ébranlera guère.
Un rapport de Statistique Canada qui vient tout juste d’être publié montre qu’en une dizaine d’années, soit de 2009 à 2020, les homicides commis à l’aide d’une arme à feu ont augmenté de 37 %, et qu’il s’agissait majoritairement d’armes de poing. On parle donc de fusillades qui se sont conclues par la mort d’êtres humains ; le nombre de décharges est évidemment beaucoup plus élevé. Ainsi, Statistique Canada évalue que les braquages avec arme à feu et les décharges ont doublé en 2019.
De son côté, le Service de police de la Ville de Montréal a dénombré 135 événements violents où une arme à feu a été déchargée en 2021. On s’attend à pire cette année, eu égard à la multiplication d’incidents comme celui survenu lundi soir à Rivière-des-Prairies.
Des tirs de ce genre n’ont pas toujours des résultats funestes, mais quel climat cela crée dans les quartiers ! Autrefois l’apanage de coins réputés difficiles ou mal famés, les échanges de tirs se sont déplacés dans des secteurs résidentiels et sans histoire, à deux pas d’écoles ou de garderies. Chaque fois, le voisinage reste hébété.
Il y a peu, c’était au tour de ma sœur de me raconter qu’elle voyait de sa fenêtre de cuisine le logement où une balle perdue venait d’être retrouvée. L’attroupement policier avait attiré son attention.
On allait vite apprendre que le logis était habité par une dame âgée qui n’était pas visée ; c’est une bagarre dans la rue, à deux pas de chez elle, qui lui avait valu d’être réveillée par un coup de feu, un samedi matin ensoleillé.
J’ai dit à ma sœur d’être prudente, mais à quoi servent ces mots quand on est tout bonnement chez soi et qu’une bataille à laquelle on n’a aucunement part éclate, de surcroît dans un quartier tranquille ? Pour les résidants, la seule prudence possible, c’est de croiser les doigts pour qu’un événement pareil ne se reproduise pas.
Il faut bien sûr souligner les avancées du projet de loi. Le gouvernement Trudeau va interdire l’achat et la vente d’armes de poing partout au Canada, sans toutefois les retirer à ceux qui en possèdent déjà. On parle ici d’un million d’armes.
Par contre, les armes d’assaut, dont l’usage était déjà prohibé, seront soumises à un programme de rachat obligatoire à compter de 2023 afin qu’elles soient détruites. Quant aux armes d’épaule, la capacité des chargeurs sera réduite.
Par ailleurs, dans les cas de violence conjugale, la personne qui menace pourra perdre son permis de port d’armes ou celles-ci pourront être saisies, à la demande de son entourage.
Mais la lutte contre les gangs de rue doit être renforcée et les tirs dans les lieux publics, plus sévèrement punis. Le contrôle du trafic d’armes aux frontières est un enjeu prioritaire. De plus, comme l’a répété Valérie Plante mardi, il faut en arriver à « l’interdiction complète des armes de poing et leur retrait de nos rues et des mains des jeunes », et ce, le plus tôt possible.
Et bien sûr, puisque les jeunes dont il est question sont parfois vraiment très jeunes — des adolescents ! —, il faut également miser sur des groupes communautaires susceptibles de leur présenter d’autres objectifs que la puissance du feu où la vie devient aussi désincarnée qu’un jeu vidéo.
Bonjour,
Merci pour votre réflexion. La mienne est plutôt à l’effet que de créer de nouvelles lois qui attaquent et briment les droits des citoyens respectueux des lois déjà en place, et qui plus est très sévères, pour régler un problème lié à la criminalité est un non-sens. Je pratique le tir sportif, je peux témoigner qu’il s’agit d’une activité qui demande concentration et contrôle de soi, une activité qui regroupe des gens de tous âges, gentlemen et respectueux, une activité qui est pratiquée en compétition, une activité qui peut être très enrichissante.
Qui croit réellement que les fusillades entre gangs de rue vont cesser parce qu’on va tuer une industrie? N’oublions pas que le gouvernement retire des taxes de la vente d’armes légales, que les entreprises qui en font le commerce paient des impôts et que leurs employés paient des impôts et sont un apport à l’économie comme n’importe quel employé. Il y aura des pertes d’emploi partout au Canada.
Qui croit que de pénaliser tous ces gens empêchera les criminels de se procurer des armes de façon illégale?
La loi ne concerne pas les armes des criminels, et la saisie d’arme pour violence c’est déjà vieux comme loi. Les coups de feu sont du aux guerre de territoire pour le marché de la drogue, d’ou les armes des criminels sont issues. Des anti guns ( élus, lobbyistes, assermentés, citoyens, etc … ) qui trop souvent sont aussi consommateurs en sont directement responsables. Il ne cesseront pas de consommer, regardez comme la mafia est florissante. Il faut légaliser comme pour l’alcool, et foutre la paix aux gens honnêtes. Vous consommez ?
La question des armes à feu au Canada est surtout l’affaire des villes où le crime organisé règne en maître. Les libéraux sont ceux qui s’amusent le plus à triturer des lois pour faire croire à Poly se souvient (dont la connaissance dans ce domaine se limite au fait qu’elles ont été victime d’armes à feu mais ça attire l’attention des médias et donne des votes urbains aux libéraux) qu’ils font quelque chose pour limiter la violence par armes à feu. Rien n’est plus faux.
D’abord, le Canada a un régime de contrôle des armes à feu des plus robustes et cela limite grandement les crimes commis par des gens qui les possèdent légitimement. On peut avoir tous les registres au monde, ça ne change strictement rien pour les victimes éventuelles car ce type de violence se fait en marge des lois de A à Z et même l’acquisition de pistolets et révolvers se fait illégalement, sur le marché noir. D’ailleurs déjà les armes de poing sont sévèrement contrôlées et il est extrêmement difficile de s’en procurer légalement car ce sont des armes à autorisation restreinte.
Compliquer les lois en la matière ne fait que punir les citoyens qui y obéissent mais ne fait aucune différence pour le crime organisé (ils sont morts de rire) ni sur les actes de violence spontanés comme en matière de violence familiale. Même chose pour les peines plus sévères alors que toutes les études depuis des décennies démontrent que plus les peines sont lourdes, plus les activités criminelles augmentent. La prison est le meilleur foyer, de loin, pour le recrutement et le maintiens des gangs criminels et plus on emprisonne, plus on fournit des candidats au crime organisé et plus on a de crime de violence dans les rues, comme aux ÉU où on incarcère proportionnellement beaucoup plus de gens qu’ici ou dans les pays européens où les crimes de violence sont moindre.
Les milieux ruraux sont plus familiers avec les armes à feu mais les crimes avec ces armes sont bien moins fréquents alors que les gens des villes ne connaissent généralement pas ces armes et ont une peur irraisonnée qui les mène à être bernés plus facilement par les politiciens qui veulent faire des gains avec ce type de crimes. Les libéraux sont des experts du taponnage de lois mais les derniers de classe quant au combat contre le crime organisé d’où les balles perdues chez vos voisins. Autrement dit, leur cible est la mauvaise et leurs investissements à même l’argent des contribuables ne servent à rien en matière de protection du public.
@ NPierre Je vous suis sauf sur un point: vous dites que le Canada a un système de contrôle des armes à feu des plus robuste. Effectivement, mais il n’est pas sans failles: l’arme qui a été utilisée à Polytechnique ainsi que celle utilisée durant l’attentat qui visait la Première Ministre Pauline Marois étaient des armes sans restriction. Selon moi, c’est un vide juridique qu’il faut absolument régler, mais pas de la manière dont le gouvernement Trudeau le fait, en ce moment. Il faut juste prendre le temps de s’assoir et de bien penser à tout ça pour arriver avec un projet de loi qui fait du sens au lieu de procéder à la hâte en utilisant un discours infantilisant comme le fait, malheureusement, le gouvernement Trudeau.
Avec le système actuel, on est tout près d’avoir le meilleur des deux mondes: en prenant le temps de bien faire les choses, on n’a pas besoin d’avoir une « black list » d’armes, les tireurs sportifs peuvent continuer de pratiquer leur sport et les citoyens se sentent plus en sécurité. On n’a pas besoin de réinventer la roue… juste de travailler là où c’est nécessaire.