Il y a un peu du Québec dans les meubles de chambre Hurdal, la collection « à l’ancienne » qu’Ikea vend dans ses 315 magasins éparpillés dans 27 pays. C’est le designer Francis Cayouette, natif de Saint-Hyacinthe et établi à Copenhague depuis 16 ans, qui l’a conçue. Le défi était d’utiliser du bois plein, tout en restreignant les coûts de production. « Nous avons fait ressortir les nœuds du bois, habituellement mis de côté, pour sentir la matière et obtenir un cachet rustique », explique l’homme de 46 ans.
Le choix d’un matériau, une coupe, une épaisseur… dans la chaîne de production du géant suédois, chaque détail compte pour maintenir les prix de vente au plus bas. Des designers, dont Francis Cayouette, se rendent régulièrement en usine, où des professionnels calculent directement les répercussions financières de la moindre caractéristique d’un meuble.
C’est ainsi que la bibliothèque à succès Expedit a été remplacée par la Kallax au printemps 2014. La différence ? Des panneaux de structure plus fins, qui nécessitent moins de matière première et réduisent les frais de transport. Après sept mois de production, on estimait l’économie à 1 300 chargements de camions, consent-on à révéler chez Ikea.
Il y a quelques années, les palettes de bois sur lesquelles voyagent les marchandises ont pour leur part été remplacées par des supports faits de matériaux recyclés, moins lourds. Au-delà du gain pour l’environnement, les coûts de transport ont diminué.
Des prix imbattables, c’est une des clés de la réussite planétaire d’Ikea. Autre point fort de la marque : l’identité suédoise, signalée dès la façade bleu et jaune des magasins, aux couleurs nationales de la Suède, et jusque dans les noms de ses produits — incompréhensibles pour la plupart des clients ! Elle fait la promotion d’un mode de vie simple et de qualité. Ikea se présente comme l’héritière des artistes Carl et Karin Larsson, qui, à l’aube du XIXe siècle, furent à l’origine du style suédois : fonctionnalité, gain de place, forme, couleurs… Un style dont s’est inspiré Ingvar Kamprad pour créer Ikea.

En 1943, à 17 ans à peine, celui-ci fondait une société de vente par correspondance de divers produits (stylos, chandeliers, cartes de Noël, bas de nylon, etc.), qui évoluerait vers la vente de mobilier au cours de la décennie suivante, jusqu’à devenir la multinationale que l’on connaît. Aujourd’hui, l’essentiel de la production se fait à l’étranger — principalement en Asie et en Pologne —, mais c’est toujours dans la Suède profonde que tout se décide. En l’occurrence, à Älmhult, une bourgade du Småland perdue au milieu de sapins et de maisonnettes de bois rouges, à un jet de pierre du village natal de l’homme d’affaires.
Les meubles en kit offerts en libre-service dans des emballages plats, adoptés dès 1956, ont révolutionné la façon d’acheter et fait la fortune d’Ingvar Kamprad. À 89 ans, il est l’un des hommes les plus riches du monde.
Pour répondre aux besoins d’un marché planétaire, Ikea envoie ses designers dans des pays où elle a des magasins, afin qu’ils explorent des intérieurs et se familiarisent avec les modes de vie. Au printemps 2014, Francis Cayouette a pris part à des visites en Chine, où la société suédoise cherche à étendre sa présence. « En ville, les gens sont nombreux à vivre dans des appartements de plus en plus petits. En Chine comme en Russie, il n’est pas rare que plusieurs générations partagent le même espace. Il est donc important de comprendre comment les gens l’utilisent. »
- À LIRE AUSSI : Ikea vend un rêve
Une fois les solutions trouvées, il reste à mettre l’offre d’Ikea en scène dans des publicités et, surtout, dans le fameux catalogue. À l’exception de quelques adaptations en fonction de spécificités locales, c’est le même qui débarque dans les foyers du monde, ce qui a contribué à faire du design d’Ikea un modèle universel.
Ce succès n’est pas sans agacer certains designers de meubles haut de gamme, qui estiment que le géant s’inspire parfois un peu trop librement de leurs créations !
Pour Tommi Lindh, directeur de la fondation Alvar Aalto, qui gère les droits de cet architecte et designer finlandais mort en 1976, il ne fait aucun doute que le tabouret Stool 60, que celui-ci a conçu en 1933 — et qui a depuis été largement copié un peu partout dans le monde —, a servi d’inspiration à l’un des classiques d’Ikea, le tabouret Frosta, vendu 20 dollars.
Le Belge Michaël Bihain, qui voit dans l’étagère Hjälmaren d’Ikea des ressemblances avec sa Libri, trouve qu’« Ikea nivelle par le bas : plus personne n’a idée du coût réel du design. Mais il n’empêche que j’ai un certain respect pour eux. Il manquait sur le marché une façon accessible de se meubler pour le plus grand nombre avec des produits plutôt bien dessinés. »
Chez Ikea Canada, on se garde de parler de possibles ressemblances. « Il n’est jamais acceptable de copier le travail d’autres designers, dit Madeleine Löwenborg-Frick, directrice des relations publiques. Avant d’introduire un nouveau produit sur le marché, nous prenons grand soin de nous assurer que nous agissons dans le respect et l’intégrité du travail d’autres designers. »
La Française Matali Crasset, auteure de créations notamment pour la marque italienne Alessi, a pour sa part franchi le pas de la collaboration : elle a conçu deux produits pour la série Ikea PS. Sa penderie, une sorte de cage de métal que l’on peut personnaliser avec des plaquettes de couleur, fait partie des produits phares de la collection PS 2014, destinée aux « jeunes actifs urbains ».
Pour la designer de 50 ans, le géant de l’ameublement contribue à faire évoluer le design. « Sans Ikea, nous en serions encore à reproduire les mêmes structures que nos parents, dit-elle. Elle a permis de donner une réalité au design contemporain. »
Reste à l’entreprise, comme le suggère Tommi Lindh, à créer ses propres classiques.
Dans une interview accordée à l’auteur du livre Ikea : The Book, publié par Ikea, le vieil Ingvar déplorait lui-même que des best-sellers ne soient pas mis au goût du jour, puis relancés. Qui sait, le musée Ikea, annoncé pour le printemps 2016 à l’emplacement du premier magasin, aujourd’hui disparu, à Älmhult, mettra peut-être en lumière certaines de ces pièces qui mériteront une deuxième vie.
*
Testament d’un négociant en meubles

Chaque nouvel employé d’Ikea reçoit un exemplaire de ce document rédigé en 1976 par le fondateur de la chaîne, Ingvar Kamprad. Il y présente les ambitions socialistes de son entreprise pour venir en aide aux « non-privilégiés », les laissés-pour-compte des pays et des systèmes de gouvernement qui « utilisent de façon disproportionnée une grande partie des biens à satisfaire une petite fraction de la population ».
« Chez Ikea, le gaspillage est un péché capital », peut-on y lire dans un langage oscillant entre le manifeste et le discours religieux.
*
Permis de bricoler
Transformer des meubles ou de petits objets pour leur donner une nouvelle vie est une activité vieille comme le monde. Mais les pièces détournées, parfois avec beaucoup d’audace et d’originalité, par les Ikea hackers ont une particularité : elles viennent toutes de chez Ikea. Leur site Internet, aux couleurs jaune et bleu, est né en 2006 de l’idée d’une jeune Malaisienne de rassembler en un même lieu virtuel des bricolages de meubles et d’accessoires de la multinationale jusqu’alors éparpillés sur le Web.
Les passionnés peuvent y afficher leurs photos et explications. Une bibliothèque reconvertie en banquette avec rangement ? Un lit surélevé pour enfant qui devient une cabane ? On peut apprendre à faire tout ça dans IkeaHackers.net.
Le géant suédois a demandé la cession du nom de domaine en mars 2014, ce qui a soulevé une vague de protestation chez les adeptes. Un règlement à l’amiable, satisfaisant pour les deux parties, aurait été trouvé après un mea-culpa public d’Ikea, qui se défend d’avoir voulu mettre un terme à cette belle énergie créatrice. Le site poursuit ses activités.
*
Un musée Ikea!
Ikea ouvrira un musée consacré à son histoire en juin 2016 à Älmhult, en Suède, sur les lieux mêmes où fut créé son tout premier magasin, en 1958.
À l’approche de ce 60e anniversaire, le roi du meuble en kit deviendrait-il un brin nostalgique ? Cela semble être le sentiment de son fondateur, Ingvar Kamprad, contemplant du haut de ses 89 ans l’empire qu’il a bâti. C’est l’ascension de ce Suédois modeste, vendeur d’allumettes devenu multimilliardaire, que fera revivre, sur 3 500 m2, le futur musée d’Älmhult, et plus globalement celle de tout un monde en pièces détachées.
« Beaucoup de gens veulent connaître l’envers du décor d’Ikea. Ce musée nous permettra de montrer qui nous sommes, pas seulement une grande multinationale ! » explique Lotta Hofflander, chef de projet de l’établissement.

On y exposera, dans une succession de reconstitutions d’intérieurs, l’évolution du design Ikea au fil des décennies, du salon aux couleurs acidulées des années 1960 au loft moderne de 2015, où le lampadaire à chargeur intégré réapprovisionne votre téléphone sans fil. Les visiteurs pourront y retrouver les pièces-cultes de la marque suédoise qui ont meublé le foyer de plusieurs générations d’un bout à l’autre de la planète, comme la bibliothèque Billy ou le canapé Klippan, sans cesse reproduits depuis plus de 35 ans.
Un volet sera consacré à la stratégie marketing novatrice d’Ikea. Rappelons que chaque année, 716 millions d’Ikeaddicts remplissent frénétiquement leurs sacs jaune et bleu dans l’une des 315 succursales Ikea réparties dans 27 pays. Évidemment, les 200 000 visiteurs attendus à Älmhult en 2016 pourront aussi compter sur une boutique de souvenirs et un restaurant où déguster les fameuses boulettes à la sauce suédoise ! (Chloé Machillot)
Si les meubles IKEA n’étaient pas de si mauvaise qualité, ils seraient intéressant, car ils sont vraiment beaux (pour la plupart).
Il est indéniable qu’avec les années, la qualité a fortement diminué. Dans les années 80 et 90, les meubles IKEA étaient de bonne qualité et il n’était pas rare de pouvoir les garder très longtemps.
Depuis quelques années, la qualité n’est plus au rendez-vous, les meubles sont plus minces et parfois bancales. Je ne croirais pas pouvoir garder un nouveau meuble IKEA pendant plus de quelques années, certainement pas pendant plus de 25 ans (comme les anciens meubles IKEA).
Par souci d’économie, mais surtout de profit, la qualité a foutu le camp. Le fondateur Ingvar Kamprad est reconnu comme étant, disons près de ses sous, pour ne pas dire plutôt Séraphin. En Suède, la société IKEA est un véritable montage financier ésotérique complexe contrôlé par la famille Kamprad.
Le problème avec IKEA, c’est que leurs meubles sont vraiment très beaux et ce qu’ils vendent, leurs véritables produit, c’est le rêve, pas étonnant qu’il y ait des gens qui vouent un culte quasi sectaire à ce dieu suédois.