Pour protéger les enfants vulnérables

La décision de fermer les écoles risque d’avoir des effets négatifs sur les enfants vulnérables. Voici les recommandations de deux universitaires pour que les anges gardiens scolaires puissent jouer pleinement leur rôle au retour.

Photo : iStockPhoto

Près de la moitié de l’humanité est aujourd’hui confinée en raison de la crise de la COVID-19, ce qui a bien sûr forcé la fermeture de millions d’écoles. Les enfants et les adolescents devront tous s’adapter, mais la situation affectera encore plus les jeunes en situation de vulnérabilité. Car pour ceux dont le parcours de vie est difficile, l’école est un important filet de sécurité.

Bien que la décision de fermer les écoles s’appuie sur une politique de santé publique incontestable, nous trouvons important de souligner l’impact négatif potentiel de cette mesure sur les enfants vulnérables et leur famille. L’absence de l’école comme système de soutien se fera particulièrement sentir dans ce contexte où la pression augmente sur chaque individu.

Pour ces raisons, il faut prévoir dès maintenant comment les établissements pourront poursuivre leur mission d’accompagnement sur le plan scolaire, mais aussi sur les plans psychologique et social. Et pour comprendre l’importance des ressources à injecter dans le système scolaire, il importe de bien mesurer l’impact de la fermeture des écoles sur ces enfants et ces jeunes.

Le confinement en milieu violent

Le confinement à domicile augmente le nombre d’heures passées dans un milieu potentiellement toxique, où la violence peut être présente. Pour certains enfants, le plus grand danger n’est pas à l’extérieur, mais au sein même de leur famille, dans leur foyer. Les situations d’abus et de négligence sont malheureusement susceptibles d’augmenter en période de crise sanitaire comme celle de la COVID-19.

Ensuite, les approches contemporaines sur le développement de l’enfant ont depuis longtemps déjà pris une orientation très claire : la réponse aux besoins des enfants, bien qu’elle mette au premier plan les parents comme acteurs, est collective.

Un retard académique dévastateur

En cette période de confinement, les personnes de tous horizons qui apportent habituellement du soutien direct aux enfants et aux familles vulnérables (visites à domicile, activités communautaires) voient leurs capacités à exercer cet important rôle diminuées. En plus d’être indispensable, ce contact direct leur permet également d’agir comme sentinelle et de signaler des situations inquiétantes vécues par les enfants.

On remarque déjà, par exemple, que le nombre de cas rapportés aux services de protection de la jeunesse est en baisse depuis le début de la pandémie.

Les autres contributions « non scolaires » que l’école offre aux enfants ne doivent pas non plus être oubliées. Les enfants et adolescents qui vivent de la maltraitance ont souvent un parcours scolaire difficile : échecs et retards académiques qui les obligent à fréquenter des classes spécialisées. Un arrêt de plusieurs semaines pourrait avoir un impact dévastateur sur leur motivation, leur cheminement et leurs apprentissages, académiques et non académiques.

Des actions urgentes à prendre

Nous recommandons quatre actions principales qui doivent être mises en œuvre dès maintenant par les gouvernements afin que les anges gardiens scolaires des enfants et jeunes vulnérables puissent pleinement jouer leur rôle.

Le premier ministre du Québec, François Legault, le ministre de l’Éducation, Jean‑François Roberge, et Horacio Arruda, directeur national de la santé publique, arrivent à une conférence de presse quotidienne, le 22 mars 2020, à l’Assemblée législative de Québec. (Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot)

La première est de donner des directives claires pour que les enseignants et enseignantes ainsi que le personnel scolaire soient encouragés à entrer en contact avec ces élèves (et leurs familles, lorsque c’est possible et nécessaire) pour prendre de leurs nouvelles, les soutenir, les accompagner.

Alors que bon nombre d’entreprises se tournent vers des plateformes qui facilitent le télétravail, ces mêmes outils pourraient être mis en place pour que les enseignants et le personnel scolaire restent en contact avec leurs élèves. Le ministre québécois de l’Éducation, Jean‑François Roberge, a justement émis une recommandation à cet effet, le 26 mars, en encourageant les professeurs à rester en contact avec leurs élèves, en particulier les plus vulnérables.

La seconde est de développer un plan clair de maintien des acquis scolaires et sociaux dès maintenant afin qu’il soit mis à jour rapidement lors de la reprise des classes. Cela permettra de limiter le retard que pourraient présenter ces enfants. Il faudra déployer les ressources nécessaires : techniciens en aide pédagogique, orthopédagogues, spécialistes de l’adaptation scolaire, sont quelques exemples des professionnels qui devront être priorisés pour soutenir les enseignants.

Troisièmement, il est important de prévoir en amont des partenariats entre les écoles et les services sociaux et communautaires pour assurer le maintien et la continuité de la réponse collective aux besoins des enfants vulnérables et de leurs familles. Par exemple, les directions d’école pourraient contacter les différents organismes communautaires de leur secteur, compiler les ressources disponibles et partager ces informations aux familles dès maintenant et à la suite de cette crise.

Enfin, les écoles regorgent d’employés engagés, compétents et passionnés, qui ont des points de vue qui devraient être pris en compte dans la mise en place des actions. Dans cette même veine, les comités d’élèves et de parents peuvent être mis à contribution afin que tous puissent exprimer leur voix et participer à l’élaboration des solutions.

Des directives gouvernementales sont essentielles, mais elles ne peuvent se substituer à l’expertise et à la connaissance des acteurs de ce milieu afin de rebondir face à cette crise sans précédent. Une fois cette période difficile terminée, les jeunes qui vivent dans des contextes vulnérables devront, eux aussi, trouver leur place. Sachant déjà que cette crise durera quelques semaines, voire quelques mois, agissons avant qu’il ne soit trop tard.La Conversation

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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