Racisme systémique : le grand écart de l’électorat canadien

Il n’y a pas qu’aux États-Unis que la population estime que les minorités ne sont pas traitées équitablement, au Canada aussi. Dans quelles proportions ? Cela dépend à qui vous demandez.

Crédit : L'actualité

Les débats sur le racisme systémique dans les sociétés canadienne et québécoise font rage depuis quelques semaines dans les médias et les parlements au pays. Un vaste spectre d’opinions et de témoignages a été exprimé sur la place publique à ce sujet. Comme dans toute société démocratique saine, nous assistons à un important choc d’idées, qui survient — et c’est ce qui rend ce débat si délicat — principalement entre la majorité blanche dite « de souche » et les minorités visibles.

Après le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd le 25 mai dernier lors de son interpellation par des policiers, de nombreuses manifestations du mouvement Black Lives Matter ont eu lieu dans plusieurs grandes villes nord-américaines. Un sondage de YouGov pour le magazine The Economist s’était penché sur les impressions de la population américaine au début juin. Un mois plus tard, quelles sont celles de la population canadienne à propos des injustices décriées par les manifestants ? Recherche Mainstreet s’est penchée sur quelques aspects de ce débat explosif lors de son dernier sondage pancanadien pour le compte d’iPolitics.

À la question : « En général, croyez-vous que les Canadiens noirs sont traités moins équitablement que les Canadiens blancs dans leurs relations avec la police ? », pas moins de 6 Canadiens sur 10 (62 %) répondent par l’affirmative. Il s’agit là d’une proportion similaire à ce qu’avait recensé YouGov au début juin aux États-Unis, alors que 65 % des Américains estimaient que Blancs et Noirs n’étaient pas traités également par les forces de l’ordre.

En analysant les résultats régionaux de cette question, nous observons que la perception d’inégalité est plus élevée dans les provinces de l’Atlantique (75 %) et au Québec (67 %), mais plus faible en Alberta (47 %). Évidemment, nous devons faire preuve de prudence avec les sous-échantillons régionaux, moins représentatifs. Voici les résultats :

Curieusement, nous n’observons pas de variations significatives selon les tranches d’âge des répondants. En effet, 68 % des 18 à 34 ans répondent par l’affirmative, une proportion similaire chez les 65 ans et plus, mais plus élevée que chez les 35-64 ans :
C’est lorsque nous divisons les résultats de cette même question selon les intentions de vote que le contraste devient beaucoup plus marqué. En effet, deux tiers des sympathisants du Parti conservateur du Canada (66 %) répondent que non, les Noirs au Canada ne sont pas injustement traités par la police, alors que plus des trois quarts des répondants appuyant le NPD (76 %), le PLC (77 %) et le Parti vert du Canada (78 %) sont d’avis contraire.
Un aspect parfois quelque peu occulte du racisme systémique au sein d’une société repose sur l’égalité (ou plutôt sur l’inégalité) des perspectives, peu importe la race. Sur ce plan, les Canadiens sont fortement divisés.

À la question : « En général, croyez-vous que les Canadiens noirs sont traités moins équitablement que les Canadiens blancs en ce qui a trait à l’embauche, à la rémunération et aux promotions ? » Sur la totalité de l’échantillon, 51 % des sondés répondent oui, 49 % répondent non — soit un écart bien inférieur à la marge d’erreur du sondage.

Encore une fois, il n’y a que de faibles différences régionales dans les résultats, considérant les marges d’erreur des sous-échantillons. Au Québec, 6 répondants sur 10 (59 %) affirment que les Noirs ne sont pas traités équitablement en ce qui concerne l’embauche :
Encore une fois, les impressions des Canadiens sur cette question délicate semblent toutefois être profondément polarisées selon les clans partisans. En effet, seulement 26 % des électeurs conservateurs au pays croient que les Noirs n’ont pas les mêmes perspectives d’embauche que les Blancs, alors qu’une majorité des électeurs libéraux, néo-démocrates et verts sont de cet avis :
Ces chiffres semblent indiquer que les perceptions d’injustice envers les minorités visibles — les Noirs en particulier — sont aussi sujettes à la partisanerie politique.

Il s’agit d’ailleurs d’un défi majeur pour le prochain chef du Parti conservateur du Canada. Afin d’être capable de maintenir la compétition lors des prochaines élections, le PCC doit tenter d’élargir sa base, particulièrement dans les régions urbaines du pays où habitent de nombreux citoyens appartenant à des minorités visibles. Si les électeurs conservateurs semblent moins préoccupés par ces injustices perçues, les instances du Parti, elles, auraient beaucoup à gagner à tenter d’atteindre ces électeurs.

Le sondage de Recherche Mainstreet a été réalisé par appels automatisés les 25 et 26 juin derniers. L’échantillon est de 1 283 adultes canadiens et la marge d’erreur de ±2,7 %, 19 fois sur 20. Le rapport complet du sondage se trouve ici.

Les commentaires sont fermés.

Vous faites écho à un sondage sur le racisme dont l’échantillon tient compte des partis fédéraux que sont le parti conservateur, le parti libéral, le NPD et le parti vert, mais qui ignore complètement le Bloc québécois. Je trouve ça un peu beaucoup honteux de la part d’un journal qui parle de l’opinion « canadienne » et qui s’adresse aux québécois. Comme si on n’existait pas. Comme si l’actualité n’était qu’une pâle copie des journaux « canadian ».
Regrettable. Changez de source s’il le faut, mais respectez nous. C’est la moindre des choses.

Intéressant ces sondages de perceptions. Toutefois, perceptions et réalité diffèrent grandement, les unes influencées par les médias, les activistes de tous poils, le vécu, le ressenti et l’imaginaire, l’autre s’inscrivant comme un état du moment dans la grande marche de l’évolution sociale.
Du racisme, il y en a toujours eu, quelque soit l’époque, le pays, la nationalité, la couleur, la langue… et il y en aura encore demain. Le sentiment d’être différent, la peur de l’autre, les préjugés, etc. rendent tous les individus plus sensibles à certaines paroles et/ou certains gestes parfois tout à fait innocents, d’autres fois inconvenants et quelquefois carrément méchants. Il y a donc un effort individuel à faire en prêtant attention à nos propos, au propos de l’autre et du contexte. Rien de plus facile à dire que les anglais de Toronto détestent les francos, ou que les caucasiens sont systématiquement privilégiés et racistes… Il y a des individus, des groupes, des communautés et des sociétés. La généralisation à outrance génère les problèmes dans une société.
J’aimerais ajouté que, quand on fait un sondage sur les perceptions et que l’on accole le mot à la mode »systémique » on induit les lecteurs en erreur.
Les problèmes endémiques raciaux aux états unis sont effectivement dans certains états systémiques, des lois érigées en système et des règles bancaires (économiques) instaurées par des personnes peu scrupuleuses et possiblement racistes (je ne les connais pas, donc je ne peux affirmer hors de tout doute) à une certaine époque ont été maintenues, volontairement, inconsciemment ou par paresse intellectuelle. Dire que cela est identique au Québec ou au Canada, c’est ne pas comprendre le sens des mots.

Le racisme systémique existe au Canada et au Québec mais il est différent de celui des ÉU car le contexte aussi est différent. Vous dites que vous ne les connaissez pas (aux ÉU), moi non plus, mais je connais bien le racisme systémique au Canada, du moins en ce qui a trait aux nations autochtones. C’est même inscrit dans les lois ! Je ne vais pas faire encore une fois l’historique des rapports génocidaires que les gouvernements au Canada ont eu avec les autochtones, les commissions d’enquête l’ont fait abondamment et vous pouvez lire les rapports, ils sont sur le web. Plus récemment 6 autochtones ont été tués par la police dans les derniers mois, pour des raisons encre très obscures. Ça ne sert à rien de nier l’évidence et de faire l’autruche, le problème ne s’en ira pas tout seul.

J’espère au moins que le temps où le colonisateur blâme la victime soit sur le point d’achever et que la société dominante aura le courage de retrousser ses manches et travailler honnêtement et sincèrement à décoloniser ce pays.