
Les joueurs du Club de hockey Canadien font ses exercices une fois par semaine, au son d’une musique pop. La chanteuse Isabelle Boulay en est une adepte, tout comme la mannequin britannique Lily Cole, l’actrice canadienne Sarah Gadon et la championne olympique Joannie Rochette.
Des milliers d’Américains, de Britanniques et de Canadiens suivent, comme eux, les enseignements de la nouvelle papesse de l’exercice physique, la Montréalaise Miranda Esmonde-White. Le programme d’entraînement qu’elle peaufine depuis 30 ans, Essentrics, trouvera-t-il sa place dans le firmament des méthodes de mise en forme, au même titre que le Pilates, le yoga et la danse aérobique ?
« Je veux changer la manière dont on pense l’exercice », explique Miranda Esmonde-White dans son chic studio de la rue Stanley, à Montréal.
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À 67 ans, cette ancienne ballerine à la silhouette menue porte toujours la robe courte, qui met en valeur ses jambes effilées. « Je fais Essentrics 30 minutes par jour, c’est tout », jure-t-elle avec un sourire candide, allusion au sous-titre de son livre Aging Backwards — « Rajeunir de 10 ans avec 30 minutes d’exercices par jour » —, qui figure sur la liste des best-sellers du New York Times. La version française, Rajeunir un jour à la fois (Guy Saint-Jean Éditeur), est en kiosque.
Miranda Esmonde-White, qui a enseigné la danse aérobique durant de nombreuses années, fait son mea culpa : « L’entraînement physique a rendu les gens malades. Et j’ai longtemps cherché une méthode qui aiderait à se mettre en forme sans douleur ni blessures. »
Elle a aujourd’hui de quoi se réjouir. Son studio est toujours plein, le programme s’exporte à grande échelle, ses vidéos se vendent comme des petits pains et PBS diffuse sa nouvelle émission, Aging Backwards, aux heures de grande écoute. « Nous avons 200 instructeurs dans le monde, et 1 000 entraîneurs suivent la formation pour obtenir leur certification », dit-elle dans son petit bureau de la rue Stanley. Sur le mur derrière elle, une carte du monde est constellée de dizaines d’épingles rouges, une pour chaque ville où Essentrics est enseigné.
Pour repenser la mise en forme, Miranda Esmonde-White s’est inspirée de ses propres blessures. Cette fille de militaire, native d’Edmonton, a été admise à 10 ans à l’École nationale de ballet de Toronto. Mais une fracture du pied est venue mettre fin à sa carrière brutalement, lorsqu’elle n’avait que 21 ans. Elle enseigne ensuite la danse aérobique dans les sous-sols d’églises avant d’ouvrir son propre studio, à Saint-Bruno-de-Montarville, près de Montréal. Puis, à 45 ans, nouvelle blessure, au dos cette fois.
Cette femme très active se remet de ses maux grâce au taï-chi. Les larges mouvements circulaires de cette discipline lui inspirent sa propre technique — qui compte une trentaine de mouvements de base. « Mes clients me disaient qu’ils ne voulaient pas tant se muscler que se sentir bien. Ils recherchaient un look de ballerine, un corps ferme et élancé plutôt que de gros muscles. »
Au studio de la rue Stanley, sept femmes et un homme s’étirent devant un miroir dans la classe de Megan. Au rythme endiablé de Taylor Swift, les participants ont l’air de s’exercer à l’escrime ! Ou serait-ce de la danse aérobique ? En fait, les mouvements s’inspirent du taï-chi, du Pilates et du yoga. « Penchez-vous et balayez le plancher avec les mains », leur dit Megan.
C’est la signature de Miranda Esmonde-White : introduire des gestes quotidiens, comme ceux du lavage, de l’époussetage ou du lever du lit. Son idée est d’étirer les 640 muscles du corps humain en bougeant constamment, avec des mouvements « naturels », comme ceux qu’on effectue quand… on fait le ménage !
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Le programme s’articule autour de la contraction excentrique des muscles (quand vous étirez le bras, par exemple), et non isométrique (muscles tendus sans mouvement articulatoire) ou concentrique (quand vous pliez le bras vers vous).
Pierre Allard, entraîneur en préparation physique du Canadien, s’intéresse au programme de Miranda Esmonde-White depuis 2011. Cette saison-là a été éprouvante pour l’équipe de hockey, et un certain nombre de joueurs étaient blessés. Il a alors décidé d’en inclure une séance par semaine au programme d’entraînement. « On a tout de suite vu l’impact, dit-il. Les exercices de mobilité, et l’amplitude de mouvement qu’ils procurent, permettent aux joueurs blessés de revenir au jeu rapidement, et même de prévenir des blessures. »
Au début des années 2000, tandis que Miranda Esmonde-White peaufine encore son programme — appelé Technique Esmonde à l’époque —, elle fait la connaissance d’André Fournier, alors directeur des services de formation à l’Institut national du sport du Québec. Par son intermédiaire, elle fera ses premières armes auprès des athlètes d’élite, notamment le plongeur médaillé Alexandre Despatie, le champion mondial de squash Jonathon Power et les acrobates du Cirque du Soleil.
« Le secret du programme de Miranda, souligne André Fournier, c’est qu’il est efficace autant pour les athlètes d’élite que pour les gens ordinaires, même les gens âgés. »
Et les personnes vraiment mal en point, pourrait-on ajouter. Miranda Esmonde-White s’est personnellement occupée de l’artiste peintre montréalaise Sarah Landau, alitée pendant les neuf mois d’une grossesse à risque. Les muscles de la nouvelle maman étaient atrophiés, son dos et ses genoux la faisaient souffrir. « Avec Miranda, c’était difficile au début. Mais c’est un exercice qu’on fait à notre rythme. Jamais les instructrices ne nous poussent plus loin que nos limites », dit Sarah Landau.
La Fondation Lucie et André Chagnon a financé les premières recherches sur les fondements physiologiques et scientifiques de la Technique Esmonde. « Essentrics n’est pas un gadget ni un coup de marketing », dit Claude Chagnon, président de la Fondation.
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Pour valider les bienfaits de son programme, Miranda Esmonde-White a consulté des orthopédistes, des physiothérapeutes et des neurologues. « Elle voyait que sa technique avait des effets bénéfiques, et elle voulait comprendre pourquoi », explique Sheena Gilmore, physiothérapeute à la retraite, qui a longtemps suivi des cours au studio de Saint-Bruno. « Miranda a toujours été ouverte aux idées nouvelles. Et elle apprend très rapidement ! »
C’est à Sheena Gilmore que l’ancienne ballerine doit d’avoir découvert la physiologie de l’étirement en mouvement, dont presque personne n’avait entendu parler à l’époque. La physiothérapeute lui a aussi fait remarquer que son programme s’appuie sur les mêmes fondements que ceux qu’ont adoptés les athlètes russes d’élite, lesquels ont été les premiers à combiner l’étirement et la musculation dans un même exercice.
« L’étirement en mouvement produit un effet différent, même si on ne s’explique pas encore pourquoi scientifiquement », dit la Dre Hélène Langevin, professeure à l’École de médecine de l’Université Harvard.
Cette experte en tissus connectifs (qui forment l’enveloppe du muscle) est citée dans le livre de Miranda Esmonde-White. « Dans un corps humain, le mouvement implique plusieurs mécanismes qui sont entremêlés, note-t-elle. On ne peut pas les isoler. Personnellement, j’aimerais étudier sa technique de façon empirique. »
Son entrée à PBS, Miranda Esmonde-White la doit un peu à ses parents, qui ont animé l’émission de jardinage From a Country Garden pendant 14 ans. Elle y présente Classical Stretch : The Esmonde Technique depuis 1999.
Aujourd’hui, l’émission Classical Stretch est diffusée sur 70 % des chaînes du réseau PBS. Et Aging Backwards est partie pour la gloire. « Son succès s’explique autant par la qualité de ses séances que par son talent d’animatrice », dit Chris Funkhouser, vice-président d’American Public Television (APT), agence qui distribue l’émission depuis 1999. « Miranda est une animatrice-née. C’est une âme douce, une personne consciencieuse, bien renseignée et bonne communicatrice. Elle transmet son enthousiasme à l’écran d’une manière qui encourage les gens à privilégier les exercices qui leur font du bien. Elle veut les aider, et le message passe. »
Contrairement à la télévision commerciale, PBS ne rémunère pas les fournisseurs de contenu, mais leur laisse les droits générés par la vente des émissions sous forme de DVD et de livres. « On n’a pas fait ça pour l’argent ! » s’empresse d’ailleurs de dire Miranda Esmonde-White. Les revenus tirés des ventes de DVD représentent 85 % du chiffre d’affaires de sa boîte, qui compte maintenant 16 employés. Dont sa fille Sahra, 37 ans, qui est sa directrice générale et son associée.
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« Je savais que je voulais travailler dans le domaine de la santé, avec ma mère, mais du côté affaires », dit Sahra, une brune toute menue, au corps de ballerine elle aussi. Après un baccalauréat en économie à l’Université Carleton, à Ottawa, et des études de maîtrise en santé publique à l’Université de Montréal, elle a saisi le potentiel des réalisations de sa mère, qu’elle veut sortir de l’artisanat.
« L’entreprise, c’est moi. Le contenu, c’est Miranda », précise Sahra. Elle est au centre de nombreuses vidéos et anime des séances d’entraînement, dont celles des joueurs du Canadien. « Les joueurs la préfèrent », dit la mère avec un sourire.
Le nom Essentrics (contraction d’essentiel et d’excentrique), c’est l’idée de Sahra. Tout comme celle de cultiver une clientèle prestigieuse. Car l’adoption d’une technique par des vedettes est un élément presque incontournable de sa popularisation : ce fut le cas du yoga dans les années 1950 et 1960, et du Pilates dans les années 1980 et 1990.
Selon Chris Funkhouser, de l’agence APT, Miranda Esmonde-White n’a pas besoin de célébrités à la Jane Fonda ou à la Suzanne Somers pour « vendre » son produit. « Miranda offre un message de gros bon sens appuyé par une vie entière d’expérience. Le message, c’est que les douleurs qu’on ressent sont remédiables. »
Miranda Esmonde-White, elle, continue d’explorer de nouveaux outils, comme les diffusions en continu sur le Web pour 15 dollars par mois. « On explore même la possibilité de travailler avec Netflix », souligne-t-elle.
Dans son bureau, Miranda Esmonde-White a transformé un mur en tableau blanc, où elle affiche son horaire de ministre : une série d’ateliers à donner en Jamaïque, une entrevue télévisée à Toronto, et quelques dizaines d’interviews à réaliser avec des clients pour sa prochaine vidéo.
L’idée de la retraite la fait ricaner : « J’adore la vie, dit-elle, et j’ai vraiment trop de choses à faire. »
je viens de lire tout ceci et jai recu votre cd et jsi hate de comencer votre programme ,merci.