À une époque, tout le monde connaissait les chefs des centrales syndicales. Ils semblent aujourd’hui des voix parmi d’autres. Pourquoi avez-vous perdu de l’ascendant ?
Il y a un mouvement de la droite qui s’est appliqué à convaincre la population que les centrales syndicales, ce sont des « gras dur ». Ce discours-là a fait mal. On demeure une société plus syndiquée qu’ailleurs, mais ç’a reculé. Pourtant, certains groupes non syndiqués auraient intérêt à être représentés. Il y a aussi une identité à construire. Les Yvon Charbonneau, Henri Massé ou Gérald Larose, ça signifie quelque chose pour une génération, mais pas tellement pour les plus jeunes.
Vous avez réagi négativement au palmarès de l’influence présenté dans notre numéro de janvier, où l’on écrivait que la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) éclipsait médiatiquement la « plus discrète » Centrale des syndicats du Québec (CSQ).
Ça m’a vraiment fâchée. Ce n’est pas vrai qu’on est une organisation discrète. Si on regarde le nombre de nos sorties publiques, on est capable de bien se débrouiller.
Mais la FAE reste bruyante et attirante. Encore récemment, vous avez perdu 5 000 membres à son profit.
Certaines organisations croient que si on ne parle qu’en notre nom, on va obtenir plus du gouvernement. C’est le contraire. Regroupés, on est plus forts, parce que l’État ne négocie pas à la pièce, mais dans son ensemble. À la centrale, on parle pour l’ensemble du système d’éducation.
Qu’est-ce qui est différent pour vous par rapport à vos prédécesseurs ?
Il y a des défis qui n’existaient pas dans les triennats précédents, comme retrouver le sens du collectif. Dans les milieux de travail, les gens utilisent de plus en plus des stratégies individuelles pour s’en sortir : un congé sans salaire, une retraite progressive. Il faut leur dire que ce qui cloche, c’est l’organisation du travail. Qu’il faut trouver des solutions collectives à l’épuisement, à la surcharge ou au harcèlement.
La solution passe-t-elle par une hausse des salaires de vos membres ou par une augmentation des ressources ?
Le problème, c’est qu’il n’y a rien d’attirant dans la profession d’enseignant. Avec l’intégration [des enfants en difficulté] qui a été franchement trop grande dans les classes ordinaires, peu importe le niveau d’expérience du prof, celui-ci va se retrouver avec une classe qui demande beaucoup d’attention, sans soutien ou services professionnels. Je peux comprendre que 20 % des enseignants quittent la profession dans les cinq premières années. Il y a une réflexion à faire en matière de mixité scolaire.
Cet article a été publié dans le numéro de juin 2019 de L’actualité.