Je me suis récemment replongée dans l’œuvre d’Agatha Christie, auteure prolifique et fine observatrice de sa société, la bourgeoisie anglaise des années 1920 à 1970. J’adore son humour et son sens du récit, mais je grince des dents chaque fois que Poirot ou Miss Marple énoncent des énormités comme : « le sexe faible ne peut comprendre ce genre de choses ». Cette battante qui s’est pourtant construit une carrière hors du commun reflétait la conception des sexes de son temps : les hommes et les femmes sont deux espèces distinctes et destinées à des rôles différents. Relire ces romans révèle le chemin gigantesque parcouru en quelques décennies.
L’égalité entre les sexes est l’un des volets de l’histoire moderne où la progression est inexorable. À chaque génération, les femmes sont plus nombreuses sur les bancs d’école, sur le marché du travail, à la direction des entreprises, en politique. En matière de droits, il y a des embâcles à l’occasion (le retour des talibans en Afghanistan, le recul de l’accès à l’avortement aux États-Unis), mais le courant coule toujours dans la même direction.
Idem pour les droits des personnes homosexuelles. Bien sûr, la cause est plus récente et ses acquis sont fragiles. Il existe encore des endroits dans le monde où l’homosexualité est passible de la peine de mort. Mais presque chaque année depuis qu’en 2001 les Pays-Bas ont agi en précurseurs, la liste des pays où le mariage entre personnes de même sexe est autorisé s’allonge. Lentement mais sûrement, vivre en couple gai est de plus en plus perçu comme normal, voire banal.
Récemment, un nouvel enjeu est apparu dans l’espace public : la remise en question du fait même que l’humanité est divisée en deux genres immuables. Des personnes nées dans un corps d’homme disent être des femmes, et vice-versa. D’autres disent n’être ni l’un ni l’autre, ou les deux à la fois.
Pour qui ne s’est jamais interrogé sur son identité de genre, le concept peut susciter son lot de questionnements et de résistances. Après tout, l’idée que « un gars, c’t’un gars et une fille, c’t’une fille » est une des rares certitudes partagées sur la planète ; changer les mentalités là-dessus est tout un contrat !
Le fait que des personnes soient malheureuses dans le genre figurant sur leur acte de naissance n’est pas nouveau, et certaines cultures ont depuis longtemps intégré l’idée d’une fluidité possible entre le féminin et le masculin. Mais dans le contexte social actuel, caractérisé par une nouvelle manière de promouvoir des causes progressistes, les enjeux touchant les personnes transgenres et non binaires avancent à une telle vitesse que la société en général peine à les assimiler. Ils concernent aussi une proportion relativement petite de la population ; cela ne les rend pas moins importants, mais il est plus difficile de comprendre une réalité si on ne connaît personne qui la vit.
Il faut également dire que même dans les sociétés les plus progressistes, comme le Québec, la division selon les sexes est encore fortement ancrée. Des toilettes aux catégories de galas artistiques en passant par le sport, les vêtements et l’ensemble de nos papiers d’identité : entre le féminin et le masculin, on doit choisir. Notre langue même est profondément genrée !
Réfléchir à l’identité de genre, c’est pourtant soulever une foule de questions fascinantes. Au-delà de la biologie, qu’est-ce qu’être une femme, un homme ? Quelle place l’apparence physique prend-elle dans notre perception de nous-même, et dans celle que les autres ont de nous ? Si les distinctions entre les sexes s’estompent, qu’est-ce qui changera exactement ?
Ces questions en choqueront certains. Mais elles ne disparaîtront pas pour autant. Il y a 100 ans, l’idée que les femmes obtiennent le droit de vote causait une réaction semblable ; même chose il y a 50 ans à propos du mariage gai. L’histoire suivra toujours son cours.
Cet éditorial a été publié dans le numéro de mars 2023 de L’actualité.
Je vous invite à regarder l’excellent documentaire suivant : https://www.youtube.com/watch?v=ubbjinvFaIE
qui montre très bien comment ce mouvement, contrairement à ce que l’on peut faire croire, va à l’encontre des droits des homosexuels (surtout des lesbiennes), des femmes et des enfants.
Il me semble qu’on devrait tendre vers l’égalité tout simplement. Que fille ou garçon, on puisse avoir les mêmes rêves, faire les mêmes choses, acheter le même parfum… Quant au sexe biologique, les modifications (chimiques, chirurgicales…) me semble un miroir aux alouettes. Actuellement, aucun homme, même s’il le désire, ne peut enfanter. Est-ce si gratifiant de vouloir une barbe lorsqu’on n’en a pas ? Ne retournons pas à l’époque victorienne ou filles et garçons étaient complètement différents.
S’il y a une chose qui me choque, c’est de voir tant de journalistes employer les mots “sexe” et “genre” comme s’ils étaient interchangeables.
C’est fait exprès pour entretenir la confusion et brouiller les choses, ou vous n’avez pas encore une bonne compréhension de la différence entre les deux?
Vous avez une meilleure terminologie? Si vous êtes québécoise, vous avez la chance de vivre là où l’adaptation verbale (en français) est la meilleure dans le monde francophone, Alors, allez-y, développez un lexique!
Un membre de ma famille a entrepris la transformation d’homme vers femme. C’est très dérangeant au début, en même temps après quelques mois à en parler avec elle, ça m’a vraiment ouvert les yeux sur la place que prend le genre à tous points de vue.
Et à voir toutes les étapes qu’elle doit vivre, les effets secondaires des hormones, les rendez-vous médicaux et bientôt vivre tout ce qu’exige la chirurgie, clairement les personnes qui affirment que c’est un « caprice », une « niaiserie » ou comme mentionné plus haut « si gratifiant de vouloir la barbe » n’ont AUCUNE idée de ce que c’est pour la personne qui fait les étapes pour changer de genre. Non seulement le processus est long et très exigeant mais il change complètement la vie de la personne qui le fait, en changeant les hormones qui influencent son humeur, son corps, et possiblement la façon dont la société et ses collègues vont la/le regarder et interagir. Alors on peut trouver ça étrange, ne pas comprendre, mais on peut aussi en apprendre pour devenir une société plus diversifiée. Dans la nature, les systèmes complexes sont plus résilients et nous avons maintenant les connaissances et le cerveau pour le comprendre. Utilisons-le.
Personnellement, je ne nie pas le fait qu’un certain pourcentage de personnes ne se sentent pas bien dans leur peau et qu’elles veulent changer ça soit par un support psychologique et de leurs proches, soit par une action catégorique et radicale. Mais ce n’est pas ça qu’on fait pour et avec ces personnes. On tente plutôt de faire croire que tout le monde, même inconsciemment, vit ce problème là. On commence même à imprégner le doute dans l’esprit des tout-jeunes dans les écoles (des drag-queens racontant des ¨histoires¨ aux enfants alors qu’ILS devraient être dans les cabarets et salles de spectacle devant un public de personnes capables de faire des discernements d’adultes).
Ce n’est pas parce que quelques milliers (même des millions) de personnes dans le monde ont un tel problème que tout le monde doit changer son comportement et ses us et coutumes pour accommoder ces personnes.
Quant à devenir une ¨société plus diversifiée¨, ne trouvez-vous pas qu’il y a déjà assez de diversités et que le fameux ¨vivre ensemble¨ est à toute fin pratique irréalisable. Ainsi va la nature humaine. Vous ne changerez pas vos comportements d’adulte pour répondre aux moindres désirs de vos frères et sœurs, n’est-ce pas ? Alors, imaginez huit milliards de personnes !
Et quant aux ¨ connaissances et le cerveau pour le comprendre¨, on sait ce que produit le fait sur la nature que l’homme se prenne pour un dieu.
Je crois comprendre que cet éditorial répond aux commentaires des lecteurs suite au long article de la journaliste Marie-Hélène Proulx publié la semaine dernière. Permettez-moi de rajouter ceci. À mon avis, les résistances manifestées face à cet important enjeu de santé publique sont principalement en lien avec les interventions médicales sur le corps et PRINCIPALEMENT sur le corps des enfants. Une majorité de gens croit qu’il y a une propagande menée depuis plusieurs années de la part de groupes militants transactivistes hyper organisés et féroces (personnellement, je le crois. Je ne parle pas de complot ici), même que plusieurs groupes LGB, particulièrement des lesbiennes dénoncent de plus en plus ce militantisme partout sur la planète. La frontière est mince ici entre informer, sensibiliser et la propagande. En ce sens, nous sommes en droit de se questionner sur la pertinence de dire en milieu scolaire à de très jeunes enfants de 4-5-6 ans, incluant les pré-ado et ados, qu’ils sont probablement nés dans un mauvais corps. Est-ce que nous n’allons pas trop loin ? Et que dire lorsqu’on dit aux enfants/ados en plein développement qu’il existe 112 genres (un site web les énumère tous!), en plus de confondre le sexe biologique avec le genre et l’orientation sexuelle ? Tout ce qu’il faut pour induire l’angoisse du choix! D’ailleurs, le récent essai documentaire « Les Jouvencelles » sorti en salle vendredi dernier à la Cinémathèque nous amène justement à se poser cette question à propos des adolescentes et les réseaux sociaux. Est-ce vraiment nécessaire de faire ainsi, au nom de vouloir déconstruire ce que certains appellent « l’hétéronormativité nocive » ou encore la « masculinité toxique » ? Ce militantisme trans veut briser les stéréotypes de genre féminin/masculin pour lesquels le féminisme lutte justement depuis au moins 40-50 ans. Paradoxalement, permettez-moi de trouver que cette idéologie véhicule plutôt à plein régime justement des stéréotypes gros comme le bras. La dysphorie de genre a effectivement toujours existé. Assurons-nous comme société de plutôt bien accompagner les enfants/ados et les adultes qui en souffrent en leur donnant toute l’aide nécessaire pour bien vivre avec leur DIFFÉRENCE. Or, chercher à la BANALISER ET À LA NORMALISER nous amène à nous questionner sur le risque d’induire beaucoup plus de détresse qu’on le croit. Sur ce, il me semble que le travail journalistique se doit de présenter les différents angles d’un même sujet. Pas seulement celui qui veut nous laisser comprendre qu’on doit être rééduqués et surtout, nous laisser croire qu’il y a consensus, au niveau d’abord de la recherche, car je doute fort que ce soit le cas. Or nous savons tous que si l’Actualité prenait ce risque de proposer un dossier sous l’angle tel que proposé par plusieurs de ses lecteurs.trices, ça risquerait de faire pas mal plus de vagues très désagréables, avouons-le! Sans oublier que le défi serait aussi et surtout de trouver des professionnels et chercheurs qui accepteraient de parler ouvertement de leur opinion qui diffère du discours ambiant. Mmmm, bonne chance!
Selon le recensement de Statistique Canada, la population canadienne compte 0,33% de transgenres et de non-binaires. Si on admet une hypothèse de sous-déclaration, on pourrait quand même estimer cette population à moins de 1 %. Chez le reste (plus de 99 %), tout est aligné : morphologie, hormones, chromosomes et identité psychologique.
Les personnes transgenres ont droit au respect et aux accommodements dont elles ont besoin. Pas question, par contre, de balayer du revers de la main les définitions d’homme et de femme qui reposent sur la biologie. Ce serait comme redessiner les planches anatomiques avec des doigts supplémentaires en pointillé rien que pour tenir compte des polydactyles.
« Une femme est une femme, et une femme trans est une femme trans », a dit la féministe africaine Chimamanda Ngozi Adichie, et ça vaut pour les hommes et les hommes trans. Il n’y a pas de façon plus élégante de résumer la situation.