Cheminées d’usine endormies, rues désertes, types désœuvrés picossant dans une assiette de spaghetti à quatre piastres au resto-bar Hart… Trois-Rivières avait le caquet bas quand L’actualité s’y était rendu pour le palmarès des villes en 1993. De grandes papetières, dont le géant Canadian International Paper (CIP), venaient de mettre la clé sous la porte, entraînant dans leur chute tant d’ouvriers que la ville s’était vu attribuer le titre de championne canadienne du chômage.
« Dans l’esprit des gens, on n’était qu’un arrêt pipi entre Montréal et Québec », se souvient le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche, qui travaillait au kiosque d’information touristique dans les années 1990, alors que la morosité était à son comble. Ce fils d’opérateur de machine à la CIP, arrivé à la mairie en mai dernier, ne pensait pas qu’il planifierait un jour la venue potentielle d’un train à grande fréquence reliant sa ville à d’autres centres urbains, comme Montréal et Toronto. Ni qu’il se consacrerait à l’expansion du port et de l’aéroport. « Ce qui semblait utopique devient tout à coup possible », dit-il, contemplant les berges de la rivière Saint-Maurice, où des enfants batifolent.
Il n’y a pas si longtemps, des milliers de pitounes — des billes de bois, dans le jargon des forestiers — encombraient les eaux, et les relents de sulfure d’hydrogène émanant des papetières du secteur du Cap-de-la-Madeleine, les fameuses odeurs du « bas du Cap », agaçaient les narines. Sans compter la suie qui noircissait les draps et le linge sur la corde… La senteur d’œuf pourri se manifeste encore certains jours, surtout à cause des activités de l’entreprise Kruger sur l’île de la Potherie. « Mais les citoyens ont retrouvé leur fierté, affirme Jean Lamarche. Ils ont recommencé à croire qu’ils sont bons. »
L’intervention de chirurgie esthétique que se paie Trois-Rivières depuis une trentaine d’années, en grande partie grâce aux deniers publics, contribue à remonter le moral des troupes, selon plusieurs Trifluviens interviewés. Après la fermeture de la plupart des papetières, qui occupaient les terrains jouxtant le fleuve Saint-Laurent et la rivière Saint-Maurice, la ville de 138 500 habitants a entrepris l’aménagement du parc portuaire, ce qui a permis aux résidants et aux commerçants d’accéder à la remarquable bande riveraine. Aires de promenade, hôtels de luxe, condos haut de gamme, restaurants et boutiques ont poussé à proximité. Ainsi que l’Amphithéâtre Cogeco, une salle de spectacle extérieure de 9 000 places surplombant le fleuve, où le Cirque du Soleil présente sa série hommage chaque été depuis cinq ans. Même Céline est venue y chanter deux soirs, en 2016. À moins de 10 km de là, dans le quartier District 55, à la jonction des autoroutes 55 et 40, s’élève un colisée de près de 5 000 places qui ouvrira cet hiver. La Ville a entamé des pourparlers l’été dernier dans l’espoir d’y accueillir une équipe de hockey professionnelle de la East Coast League.
Le bouillonnement économique et culturel généré par cette beauté retrouvée réjouit l’économiste André Joyal, débarqué en 1969 sa maîtrise sous le bras, pour enseigner à la toute nouvelle Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Il a participé à la fondation, en 1976, de ce qui s’appelle maintenant l’Institut de recherche sur les PME, à une époque où le démarrage d’entreprise était boudé par les Trifluviens. Les grandes industries de la région payaient bien, et avaient l’habitude d’embaucher en priorité les fils de leurs employés. « C’était une tradition ici, mais cette mentalité est désormais révolue. Les gens n’espèrent plus la venue providentielle d’un employeur important, ils misent sur leur propre potentiel. »
Le coût des logements et des maisons permet à une famille modeste d’avoir une qualité de vie formidable
Guillaume Cholette-Janson, 33 ans
Le printemps dernier, Trois-Rivières s’est d’ailleurs classée au troisième rang du palmarès des grandes villes les plus entrepreneuriales au pays, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Les énergies et certaines technologies vertes, ainsi que les technologies de l’information, sont prisées des fondateurs de jeunes pousses locales. Le maire souhaite que la montée de ces secteurs favorise la rétention des diplômés pour contrer le vieillissement de la population, particulièrement marqué en Mauricie. « On va lancer des campagnes de type “grande séduction”, mais de l’intérieur, auprès des étudiants de nos établissements d’enseignement », annonce-t-il.
La partie n’est pas gagnée pour autant. Trois-Rivières est la région métropolitaine où le taux d’emploi est le moins élevé au Québec, avec Saguenay. Et à 53 768 dollars par année, le revenu moyen des ménages est nettement sous la médiane des villes du palmarès — qui est de 71 935 dollars. « Mais le coût des logements et des maisons permet à une famille modeste d’avoir une qualité de vie formidable », assure Guillaume Cholette-Janson, 33 ans, agent de communication Web à la Ville. Avant de devenir propriétaire, il y a cinq ans, il louait un chouette quatre et demie pour… 425 dollars par mois. Une bouchée de pain comparativement aux 802 dollars qu’il faut débourser en moyenne pour un logement similaire dans la région métropolitaine de recensement de Montréal, selon le plus récent Rapport sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) .
De fait, Trois-Rivières est la grande ville où le revenu nécessaire pour vivre une vie « digne » — c’est-à-dire un revenu permettant de se sortir durablement de la pauvreté ou de ne pas y entrer — est le moins élevé au Québec, conclut une étude menée par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques. Famille monoparentale, couple avec enfants, personne seule, tout le monde y gagne.
De plus en plus de baby-boomers en profiteraient aussi, selon les autorités de la Ville, qui observent une affluence de nouveaux retraités ayant passé la majeure partie de leur vie active dans d’autres centres urbains. C’est le cas de Lucie Daigle et Pierre Marchildon, qui ont emménagé au printemps dans un coquet bungalow de briques brunes du secteur de Normanville, après avoir vendu leur résidence du Vieux-Longueuil. Lucie Daigle, qui a été réviseure-correctrice à L’actualité pendant 20 ans, a même pu devancer sa retraite de quelques années grâce au profit réalisé.
Les deux Trifluviens d’origine se félicitent chaque jour de ce retour aux sources. Bien sûr, le couple apprécie les impôts fonciers moins élevés et les économies faites à droite et à gauche. « Assurer notre voiture coûte 240 dollars de moins par année, et l’essence est de 5 à 10 sous moins chère le litre, ce qui nous aide à maintenir notre niveau de vie malgré la diminution de nos revenus depuis la retraite », soutient Pierre Marchildon. Mais l’essentiel n’est pas là. « Il y a une magie du monde à Trois-Rivières », estime Lucie Daigle, qui loue la richesse culturelle de la ville, où un festival n’attend pas l’autre. « En plus, les gens sont accueillants, amicaux, polis. Les automobilistes laissent passer les piétons et les cyclistes, par exemple. Tout est à échelle humaine. Et ça se passe en français ! C’était important pour nous. »
Il faut dire que tout cela a été grâce à l’ex-maire Yves Levesque qui a su faire une ville prospère et touristique .
Oui, comme Trois-Rvières à changé depuis 1969. Disparus les sinistres hôtels St-Charles et St-Louis du bas du blvd Des Forges, deux lieux qui n’avaient rien voir avec la sainteté…
Et, depuis la fondation de Montréal, la cité de Laviolette a l’avantage d’être à 75 minutes de route de la métropole ou de la capitale nationale. Oui, pour une belle soirée d’été, les Trifluviens ont le choix : profiter de leur ville ou d’une de leurs deux villes voisines. Et que dire de la campagne tout autour!
Ma conjointe et moi avons choisi Trois-Rivières. Nous étions à Québec. Je voulais me rapprocher de ma famille, laquelle habite Repentigny et ma conjointe devait compléter ses études en enseignement. Venir à TR a été l’une des meilleures décisions de ma vie et ce pour plusieurs raisons : 1) Le coût de la vie est accessible, il est possible d’avoir une petite famille et d’y arriver avec un seul salaire 2) La position de TR est géographiquement enviable, proche de Québec et de Montréal 3) La Mauricie est une région magnifique 4) la qualité de la vie et la proximité de l’ensemble des services rendent la vie tellement facile. Bref, c’est sur que lorsqu’on a 19 ans, on cherche peut-être une ville plus palpitante mais lorsque vous vous établissez dans la vie, Trois-Rivières est un endroit à envisager sérieusement.