Trop de départs d’animateurs !

Nos animateurs préférés rendent notre vie plus agréable. Pas étonnant que leur départ nous fasse vivre une véritable peine d’amitié, dit Josée Boileau. 

Photo : Christian Blais pour L’actualité

Cette semaine marque la pause estivale des émissions qui composent la grille-horaire habituelle, à la radio comme à la télévision. Mais cette année, il faut plutôt parler d’un grand remue-ménage, qui secoue aussi l’auditoire.

À la retraite, Pierre Bruneau, Joël Le Bigot et Jacques Fabi ! À une autre case horaire, Marie-Louise Arsenault et les trois gars de La soirée est encore jeune ! À d’autres projets, Claude Bernatchez, Denis Lévesque et (quoique involontairement) Paul Houde !

Ces changements-là surprennent car, outre de se produire au même moment, ils concernent des émissions en ondes depuis longtemps : de 10 ans à plus de 45 ans !

En plus des départs d’animateurs se sont ajoutés ceux de journalistes d’expérience, dont la qualité du travail et la chaleur de la voix avaient toujours su capter mon attention. Encore des pertes pour l’auditoire !

Comme plusieurs, je m’en trouve un brin déstabilisée. Je n’aime pas qu’on bouscule mes habitudes, encore moins sans qu’on me demande mon avis. Je sais bien qu’une carrière doit finir un jour ; je reconnais que quelqu’un puisse avoir envie d’autres défis ; j’accepte moins qu’une direction mette fin à une émission appréciée. Mais que peut le public contre le droit de gérance, hein ?

Et puis, on entend si souvent que les médias traditionnels perdent leur souffle, que l’écoute en direct ne touche pas les jeunes et que les rendez-vous ont de moins en moins d’importance que je me dis qu’il est temps que je me mette à la page et que j’accepte de ne pas m’attacher…

Il reste que je ronchonne tout en m’étonnant de le faire autant. Est-ce normal, docteur ?

Quelques recherches me confirment qu’effectivement, le changement rebute les humains. Ce n’est pas pour rien que, pour bien grandir, un enfant a besoin de retrouver tous les soirs des rituels au coucher. Et bien des sites y vont de leurs conseils pour faire face à un nouvel emploi, un déménagement, un changement de vie… Mais rien sur la contrariété que cause le départ d’un animateur qu’on aime ou la perte de repères parce que l’émission qui donnait le coup d’envoi de la journée, de la soirée ou de la nuit prend fin.

Est-ce que je m’arrête trop à des futilités ? Après tout, je trouverai bien une autre voix pour accompagner mon petit-déjeuner ou la préparation du souper…

À force de multiplier les mots-clés, je suis finalement tombée sur un document qui a su m’expliquer le désarroi diffus que je ressens depuis les annonces de départ des dernières semaines. Cet ouvrage, qui date d’il y a 25 ans, s’intitule tout simplement La radio à Québec : 1920-1960. Il est signé par des professeurs du Laboratoire d’ethnologie urbaine de l’Université Laval et est constitué de nombreuses entrevues, notamment avec des gens qui en ont été les premiers auditeurs.

On y lit entre autres que, dès sa création, la radio a offert une liberté qui distinguait ce nouveau loisir de l’encadrement qui autrefois sévissait quand il s’agissait de participer à des activités familiales, paroissiales, sociales, politiques… Avec la radio, on écoute qui on veut ! Ce fut immédiatement vrai pour les jeunes comme pour les plus vieux.

Surtout, elle allège la routine monotone du quotidien. Dès ses débuts, on l’écoutait en faisant le ménage, les repas, des travaux scolaires. Pour briser la solitude aussi. Un vieil auditeur dit : « La radio m’a apporté beaucoup. Ça me rassurait. »

Et ce sont les voix qui font le travail ! Une section du livre leur est consacrée : « parce qu’elles pénétraient quotidiennement dans la maison […], on les connaissait si bien qu’on en parlait parfois comme d’amies de longue date ».

Dans cette partie de l’ouvrage, on trouve toute une liste d’animateurs aujourd’hui tombés dans l’oubli (Saint-Georges Côté, Louis Francœur, Georgette Lacroix, Louise Leclerc…), mais qui en leur temps ont su « parler aux gens, les réconforter et les encourager », ou encore les amuser.

Et puis je lis : « Qu’est-ce que ça prenait au fond pour devenir une voix populaire, ou un annonceur-vedette ? Outre les qualités professionnelles, la mémoire des auditeurs a retenu derrière la voix des éléments liés à la personnalité des annonceurs ! Leur diction, leur fantaisie, leur sens de la répartie, leur professionnalisme, leur franc-parler, leurs connaissances générales ou simplement leur façon de communiquer. »

On peut en dire autant des animateurs de la radio et de la télévision d’aujourd’hui. Et je constate qu’en fait, ça se résume en peu de mots : ils sont d’agréable compagnie. C’est précieux, et je dirais encore plus de nos jours, vu le nombre de personnes qui vivent seules, mais aussi le ton souvent acrimonieux dont nous sommes tous témoins sur les réseaux sociaux.

Ces voix et ces visages ne sont pas la routine ; ils sont plutôt ceux qui l’enveloppent et la rendent plaisante. C’est même maintenant la grande force de la radio et de la télévision, ce qui les différencie des autres plateformes aux offres éclatées.

Normal, donc, qu’en voyant partir tous ces gens, on ne puisse pas simplement se secouer en se disant qu’on s’adaptera à quelqu’un d’autre. Ça viendra sûrement, mais combien de temps mettront-ils, ces nouveaux venus, à se fondre à notre décor et à nous donner envie de rire ou de leur répondre en se brossant les dents ou en coupant des carottes ?

Ainsi, ce n’est pas la crainte du changement que je vis, mais une peine d’amitié. Rien pour marquer l’histoire, rien comme un deuil ou la perte d’un amour, mais le pincement au cœur est sincère et il a ses raisons d’être.

Les commentaires sont fermés.

Les petits deuils, voilà ce que représente pour moi le départ des ondes de certaines et certains, je pense à Gérard-Marie Boivin (en 1984 j’avais appelé son recherchiste car je faisais partit du comité du 50e de la petite localité, Villebois) où j’habitais, cela m’avait valu une invitation à son émission pour parler du plan Vautrin qui a permis la création de plusieurs petites paroisses en Abitibi), à Christiane Charette, Marie-France Bazzo (deux femmes que j’ai vu (après les avoir écouté) à la télé. Il y a bien sûr Jacques Languirand et Serge Bouchard. Ces années-ci j’écoute Pénélope, entre autres radio-canadiens, et j’enrage quand j’entends M. Poilièvre dire qu’il couperait les budgets de Radio-Canada s’il était élu. Merci pour ce bel article.

C’est en quelque sorte la fin d’un cycle. Pour ma part, j’ai aimé la plupart des protagonistes dont vous faites mention ici, mais je me réjouis du renouveau à cet égard qui nous attend cet automne. Le changement est la nouvelle constante, ne l’oubliez pas.

Cet article reflète exactement comment je me sens face à tous ces gens qui quittent l’antenne. Leurs propos, leur humour, leur culture , leur voix m’apportaient de la joie et du bien-être . On s’attache à eux, ils deviennent des points de repère dans notre quotidien; c’est réconfortant. Pour moi la radio n’a pas son égal . J’y ressens plus une intimité partagée qu’à la télévision.
Je sais qu’il faut s’adapter au changement mais il reste que ça fait beaucoup de petits deuils cette année avec tous ces départs. Plusieurs d’entre eux vont me manquer. Je les remercie tous et je souhaite une magnifique retraite à ceux qui partent pour cette raison.

Tout à fait d’accord! Tous ces départs de grands journalistes et animateurs me touchent.
Ce printemps, je comprenais que la fin d’émissions pouvait changer mon paysage radiophonique. Devant le changement ou les pertes en général, je saisis l’occasion de donner une autre texture à ma vie. En même temps, les annonces qui fusent de tous côtés incitent à la réflexion. Un tournant? Je peux comprendre ces professionnels de l’information particulièrement tentés de prendre le large. J’ai fait de même récemment. Apprécions leur honorable contribution!

Et à quand le tour de Sophie Thibault et Colette Provencher , y’a beaucoup de gens qui change de poste quand c’est eux.
Le monde préfère Radio Canada, et avec raison.

Oh qu’on ne pense pas tous comme ça. Pour moi, les sourires de Sophie et Colette ¨ensoleillent ¨ mes fins de journée, ne serait-ce que pour trente minutes. Quant à Radio-Canada, la flagornerie y règne en reine d’émission en émission, de jour en jour. Tout ce qu’on y voit, ce sont des vedettes qui se congratulent l’une l’autre incessamment, à croire que leurs seuls revenus sont ces émissions d’une vacuité sans borne. Désolé de dégonfler votre ¨baloune¨, mais on n’attaque pas ¨mes¨ deux vedettes préférées sans oser penser s’en sortir impunément.