Quand un parent ontarien veut dénoncer un enseignant négligent, incompétent ou nonchalant, il sait où appeler : à l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (OEEO). L’ordre a reçu 850 plaintes en 2019, soit 128 de plus qu’en 2018, mais sensiblement des mêmes sources : plus de la moitié provenaient des conseils scolaires (les employeurs), le tiers du public et environ 10 % d’autres membres de l’ordre.
Au Québec, en 2018, le ministère de l’Éducation a traité 15 plaintes, dont une a été considérée comme non recevable. Pour savoir s’il y en a eu d’autres, il faut faire le tour du réseau. « Les plaintes ne sont pas inventoriées. Il n’y a pas un organisme qui s’en occupe, mais plusieurs », dit Henri Boudreault, vice-doyen aux études à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, qui s’intéresse aux aspects professionnels de l’enseignement.
Si un parent veut se plaindre d’un enseignant au Québec, il peut le faire auprès de la direction de l’école ou de son centre de services scolaire (l’instance qui a remplacé la commission scolaire). Pour savoir si un enseignant a fait l’objet d’une plainte, il faut appeler chaque école, mais aussi contacter le ministère de l’Éducation, chacun des 72 centres de services scolaires et les neuf fédérations syndicales de l’enseignement. En effet, tout ce beau monde est responsable du « contrôle de qualité » des enseignants.
En Ontario, où le mandat de l’ordre professionnel créé en 1997 est de « protéger le public », les 230 000 enseignants, conseillers scolaires et directeurs d’écoles en sont obligatoirement membres. En plus de recevoir les plaintes, l’ordre délivre les « cartes de compétence » des enseignants, certifie les programmes d’enseignement ainsi que les programmes de formation continue. Et surtout, il fait respecter les normes professionnelles.
Il est possible de déposer une plainte pour 27 motifs, allant de l’incompétence à la faute professionnelle, en passant par l’incapacité ou l’inconduite en dehors de l’école. En 2018, le comité d’enquête ontarien a renvoyé 135 plaintes au comité disciplinaire, qui a le pouvoir de révoquer des licences, d’imposer des suspensions, d’adresser des réprimandes officielles et de donner des amendes pouvant aller jusqu’à 5 000 dollars. À partir de ces 135 plaintes, le comité d’enquête a servi un avertissement sévère à 82 enseignants fautifs. Et 15 se sont retrouvés devant le comité d’aptitudes professionnelles, chargé de déterminer si l’enseignant a la capacité d’enseigner ou non.
Bref, les enseignants ontariens peuvent se faire taper sur les doigts, et tout est accessible dans le site Web de l’ordre. « Un parent peut vérifier si un enseignant a les compétences requises pour certaines matières ou s’il a fait l’objet de mesures disciplinaires. Quant aux plaintes, elles suivent un processus qui permet d’éliminer les plaintes frivoles ou vexatoires, par exemple celle d’un parent mécontent que l’enseignant n’ait pas célébré l’Halloween », explique Gabrielle Barkany, responsable des communications à l’ordre des enseignants.
Au Québec, l’idée de créer un ordre professionnel des enseignants revient depuis presque 25 ans. Les syndicats d’enseignants y ont toujours opposé une résistance farouche, en dépit des avis favorables du Conseil pédagogique interdisciplinaire en 1996 et en 2002, la même année que l’Office des professions se prononçait contre. En 2003, le Parti libéral a inscrit cette initiative dans son programme et la Coalition Avenir Québec a fait de même en 2012.
En 2013, la Fédération autonome des enseignants (FAE), qui représente 49 000 membres, a riposté à la CAQ en publiant un rapport soutenant que « la qualité de l’éducation de l’école publique québécoise » est une prérogative des syndicats. « Notre position n’a jamais changé, dit aujourd’hui Sylvain Mallette, président de la FAE. Un ordre des enseignants ne contribuerait pas à la valorisation des enseignants ni à l’amélioration de leurs conditions de travail et ça n’aiderait pas à mieux encadrer la formation. »
Les syndicats n’ont toutefois pas de système pour recevoir les plaintes concernant les fautes professionnelles ou autres comportements inacceptables de leurs membres. « Les syndicats locaux peuvent établir des comités de discipline pour régler des disputes entre enseignants, mais ce n’est pas le rôle d’un syndicat d’établir des comités de discipline ou d’enquêter sur des allégations de faute professionnelle. C’est la responsabilité du ministère de l’Éducation », dit Sylvain Mallette.
En Ontario, le partage des tâches est clair : les syndicats défendent les conditions de travail, l’ordre se concentre sur le professionnalisme. Au Québec, « les syndicats ont toujours tenu un double discours. Ils jouent leur rôle syndical, qui est la protection des salaires et des conditions de travail, mais ils ne veulent pas perdre leur rôle en matière de pédagogie », dit Maurice Tardif, professeur titulaire et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) à l’Université de Montréal.
L’enjeu de la formation continue
Au Québec, la titularisation des enseignants relève de la direction de la formation et de la titularisation du personnel scolaire, au ministère de l’Enseignement supérieur (MES). L’agrément des programmes de formation (ce qui est enseigné aux futurs professeurs) est la responsabilité du Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE), qui relève aussi du MES. Selon Henri Boudreault, de l’UQAM, « le CAPFE est tout aussi sévère [sur ce plan] que l’ordre des enseignants ontarien. Il fait la tournée des universités tous les cinq ans pour s’assurer de la validité des programmes et que ceux-ci répondent aux critères. »
Concernant la formation continue, c’est autre chose. Alors que l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario doit approuver toutes les formations, données ensuite par les facultés d’éducation, les commissions scolaires agréées et la fédération des enseignants, au Québec, « c’est un peu n’importe quoi », affirme Maurice Tardif, de l’Université de Montréal.
La loi 40, adoptée en février 2020 par le gouvernement caquiste, impose certes 30 heures de formation continue obligatoire aux enseignants par période de deux ans. Mais elle est vague : il peut s’agir d’un cours, d’une conférence, d’un séminaire ou d’un colloque organisé aussi bien par le ministère que par une université, un centre de services scolaire, une école privée ou tout autre organisme, voire par un autre professeur. « L’unique critère est que cette formation soit reconnue par le centre de services scolaire qui emploie l’enseignant », dit Maurice Tardif.
Un ordre des enseignants pourrait jouer un rôle crucial dans la formation continue, poursuit le directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante. « Le ministre devrait prendre le taureau par les cornes et imposer une formation de qualité tout au long de la carrière des enseignants. »
Vous ne semblez proposer comme deux seuls arguments pour implanter un organisme qui coûterait des millions de dollars aux enseignants et aux contribuables que la gestion des plaintes et la gestion de la formation continue. Ne serait-il pas plus pratique et moins coûteux de simplement mieux encadrer cette gestion au niveau des centres de services scolaires? Les enseignants ontariens ont un salaire s’approchant beaucoup plus à celui d’un «professionnel» que les enseignants québécois. Devrions-nous réduire encore davantage le pouvoir d’achat de nos enseignants, alors qu’on vit une pénurie et qu’on doit même proposer des postes à des personnes non qualifiées? N’y voyez-vous pas une contradiction? On veut plus de rigueur et d’encadrement des enseignants, mais en même temps on embauche des gens non qualifiés parce que les conditions et les salaires sont tellement mauvaises qu’on ne parvient pas à combler les postes avec des enseignants qualifiés. De telles nouvelles entraves ne feraient qu’exacerber encore le manque de main d’œuvre. Votre article démontre à quel point vous êtes déconnectée de la réalité de nos écoles.
Vous mentionnez : « Au Québec, l’idée de créer un ordre professionnel des enseignants revient depuis presque 25 ans. Les syndicats d’enseignants y ont toujours opposé une résistance farouche, en dépit des avis favorables du Conseil pédagogique interdisciplinaire en 1996 et de l’Office des professions en 2002, ainsi que de l’inscription de l’initiative dans le programme du Parti libéral en 2003 et dans celui de la Coalition Avenir Québec en 2012. »
À la page 66, le dernier paragraphe de la conclusion du rapport émis par l’Office des professions du Québec mentionne : « Dans ces circonstances, et misant sur la capacité du système d’éducation de se doter des mécanismes appropriés, l’Office ne juge pas opportun de recommander la création d’un ordre professionnel des enseignants et des enseignantes. »
https://www.opq.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/Publications/Avis/Avis-enseignants.pdf
Alors je me demande sur quoi vous basez votre article quand vous mentionnez que l’OPQ est favorable à un ordre professionnel. De ce que j’ai compris du rapport mentionné ici, l’OFQ énonce que le système d’éducation est capable de se prendre en charge par lui-même sans avoir besoin d’un ordre professionnel chez les enseignants.
Je suis un peu déçu du manque de rigueur de cet article de l’Actualité.
Bonne journée à vous.
Bonjour M. Rousseau,
Merci de nous avoir soulevé cette coquille. Nous venons de faire les modifications nécessaires au passage dans le texte.
Bonne journée !
Bonjour, contrairement à ce qui est écrit «Au Québec, l’idée de créer un ordre professionnel des enseignants revient depuis presque 25 ans. Les syndicats d’enseignants y ont toujours opposé une résistance farouche, en dépit des avis favorables du Conseil pédagogique interdisciplinaire en 1996 et de l’Office des professions en 2002, ainsi que de l’inscription de l’initiative dans le programme du Parti libéral en 2003 et dans celui de la Coalition Avenir Québec en 2012.» L’OPQ ne recommandait pas la création d’un ordre professionnel pour les enseignantes et enseignants, voici le lien vers l’avis complet : https://www.opq.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/Publications/Avis/Avis-enseignants.pdf
Bonjour M. Croteau,
Merci de nous avoir soulevé cette coquille. Nous venons de faire les modifications nécessaires au passage dans le texte.
Bonne journée !
Les syndicats ont peur de perdre du pouvoir
Grand manque de rigueur de cet article de l’Actualité.
1-Les directions d’école, tout comme les comités de révision, tout comme le protecteur de l’élève, tout comme le secrétariat général, tout comme la direction générale, tout comme les syndicats peuvent recevoir et traiter des plaintes. Le secrétariat général et les instances en autorité ont le devoir légal d’assister les plaignants.
2-Relativement aux enseignants, les plaintes graves vont cheminer vers les services des ressources humaines et être traitées par le CSS et ces services (SRH), de concert avec les directions et, du côté syndical, avec les représentants au comité de relations professionnelles. (CRP)
3-Incidemment, le CRP, bipartite (employeur – SRH + directions déléguées- et représentants syndicaux des enseignants (pour les enseignants) coordonne les activités individuelles et collectives de perfectionnement…
4-Le ministère de l’Éducation N’EST donc PAS l’instance de premier recours, loin de là !
5-Il est normal que leurs syndicats aident à baliser, avec l’employeur, le traitement des plaintes à l’encontre des enseignants. Pour ce que j’ai vu dans les derniers 50 ans, dont 35 comme enseignant, puis directeur d’établissements scolaires) le traitement des plaintes est géré sérieusement, y compris par l’apport objectif des instances syndicales, contrairement à ce qui est faussement véhiculé.
6-Cela fonctionne sensiblement de la même façon avec les autres corps de métiers.
7- L’office des professions avait raison de ne pas recommander d’ajouter un ordre à cette structure.
8-Ce sont, depuis 25 ans, les milieux universitaires et le ministère lui-même, de concert avec le changeant CSÉ, qui moussent l’idée d’un ordre.
9-Le milieu universitaire, pour asseoir son contrôle sur la pratique issue des données probantes, lesquelles sont très très loin d’avoir fait leurs preuves tant la recherche traditionnelle demeure réductionniste et aussi stable et fiable qu’un chien fou qui court après sa queue.
10-Le ministère pour casser les syndicats et hausser le pouvoir des roitelets que sont, pour beaucoup, les directions des écoles…
11-Hausser le pouvoir discrétionnaire des directions des écoles serait une erreur : le système scolaire a adéquatement équilibré l’exercice des pouvoirs avec, entre autres, les instances que j’ai mentionnées. La Suède a fait la douloureuse expérience des abus de pouvoir en transformant ses directions d’établissements en gérants de conventions locales…Faut-il s’infliger pareil modèle de la CAQ pour voir si les abus de cet ordre peuvent faire la même chose au Québec?
Patrick JJ Daganaud, 50e année dans le système scolaire (enseignant, directeur, chargé de cours, chercheur.) Expert en systémique de l’adaptation scolaire et sociale, protecteur des écoliers vulnérables
Il faut ajouter que, en Ontario, le programme de qualifications additionnelles offert dans les universités ontariennes, tout au long de l’année, donnent aux enseignant.e.s la possibilité d’étendre leur champ de compétences, tout en améliorant leurs conditions salariales.
À l’évidence, le métier de prof (à tout les niveaux) exige l’encadrement d’un Ordre professionnel. Il en va de la qualité de ce service public.
Je crois que pour valoriser la profession , il que cette profession se dote d’un ordre professionnel . Un ordre professionnel veillé à la qualité des actes professionnels soit , la compétence des enseignants et leur comportement professionnel , leur attitude relationnelle avec les et étudiants , leurs collègues et avec leurs dirigeants .
Ceci est bien différent du rôle des syndicats qui veillent à ce qu’ils aient un salaire satisfaisant et des conditions de travail convenables .
Par ailleurs , le rôle des centres de services est de voir a l’administration régionale et de répondre aux besoins administratifs des différents directeurs d’école.
Le syndicat qui voudrait recevoir et gérer les plaintes se placerait en conflit d’interet , de la même façon, par exemple , que si la FMOQ et la FMSQ pour les médecins recevaient les plaintes des bénéficiaires a la place du Collège des médecins. Par ailleurs , les syndicats pourraient collaborer pour la formation continue de leurs membres .
En conclusion, je crois que les enseignants se sentiraient plus valorisés en étant considérés comme de vrais professionnels encadrés par un ordre professionnel .
M. Malette ne mérite peut-être pas le titre de professionnel. Les ordres sont la pour protéger le publique, les syndicats pour protéger les membres contre les abus des patrons. Les syndicats ramassent l’argent des membres et les ordres, les plaintes du public