Un système public, coûte que coûte

L’explosion des coûts et des délais d’attente, tout comme la pénurie des blouses blanches, n’entame pas l’attachement des Québécois à leur système de santé. Ni leur optimisme !

Santé : un système public, coûte que coûte
Illustration : Sophie Casson

On dirait un bon vieux chandail de laine. Les coutures craquent, les coudes sont élimés, mais il est chaud, confortable, rassurant. Pas question de s’en départir. Tout le portrait du système de santé : les urgences débordent, les délais d’attente augmentent, les coûts grimpent en flèche, mais c’est « Pas touche ! » Selon les deux tiers des Québécois, aucun doute possible : malgré ses défauts, il sera encore universel et gratuit en 2020.

Voilà qui réjouit le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. « Notre système de santé fait partie des valeurs fondamentales de notre société. C’est l’une des choses auxquelles les Québécois tiennent le plus », dit-il, enthousiaste.

Puis, il se rembrunit. Et s’inquiète : le tiers de la population croit qu’on ne parviendra pas à maintenir ce système de santé au cours des années 2010. « Une conséquence directe des difficultés d’accès au système de santé », dit-il.

Il manque environ 800 médecins de famille au Québec. Et l’attente moyenne aux urgences, en 2009, était de plus de 17 heures. De quoi pousser une partie de la population vers le système de santé privé, qui gagne du terrain, surtout dans les domaines de l’imagerie médicale, des tests de laboratoire, de la dermatologie, de l’ophtalmologie et de la chirurgie orthopédique. Même les omnipraticiens quittent le navire. Au début des années 2000, le public perdait chaque année un ou deux médecins de famille au profit du privé. En 2009 seulement, ils sont une vingtaine à avoir fait le grand saut.

Ardente militante en faveur d’un système de santé privé, Nathalie Elgrably, professeure à HEC Montréal, ne s’étonne pas que les Québécois tiennent à leur système public. « Si vous demandez aux gens s’ils croient qu’un service gratuit le sera encore dans 10 ans, ils répondront oui », dit cette chercheuse associée à l’Institut économique de Montréal, organisme qui prône le libre marché.

Or, penser que notre système de santé est universel et gratuit est une erreur, estime-t-elle. « Le système de santé n’est pas un cadeau du père Noël ! Au contraire, il nous coûte très cher. Québec y consacre chaque année une part de plus en plus importante de son budget. Malgré tout, on n’y a souvent pas accès au moment où on en a besoin. »

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Et encore

SONDAGE

Dans 10 ans, le système de santé québécois,

universel et gratuit, existera encore.

Tout à fait / Plutôt d’accord                                            62  %

Tout à fait / Plutôt en désaccord                                     35  %

Ne sait pas / Refus                                                        3  %

Les répondants qui votent pour le Parti québécois sont les plus optimistes : 67 % d’entre eux croient que le système de santé sera toujours universel et gratuit en 2020. À l’opposé, la palme du pessimisme va aux adéquistes, dont 59 % prévoient que, dans 10 ans, le système de santé actuel n’existera plus. Par groupes d’âge, les 18-34 ans sont les plus optimistes (68 % croient qu’il sera maintenu).