Au Québec, en 2015, 69 % de l’ensemble des élèves du Québec obtenaient un premier diplôme ou une première qualification cinq ans après leur entrée au secondaire. Ils entraient habituellement à 12 ans et terminaient leurs cinq années réglementaires à 17 ans. Bien évidemment, cette moyenne générale de 69 % cache d’importantes différences entre divers groupes d’élèves. Tandis que les filles des établissements privés présentaient un taux de diplomation et de qualification en cinq ans de 91 %, les garçons des commissions scolaires francophones enregistraient 55 %.
Combien les jeunes Québécois gagneraient-ils si, demain matin, leur taux de diplomation et de qualification en cinq ans était porté à un niveau beaucoup plus élevé que 69 %, 85 % par exemple ? Et comment les différences entre les divers groupes seraient-elles atténuées ? Je propose une réponse à cette question dans le présent billet.
Ma démonstration est basée sur une prévision couvrant les 60 prochaines années. L’horizon adopté doit en effet être assez long pour englober le remplacement complet des générations actuelles de travailleurs par les nouvelles générations qui seraient soumises au changement envisagé dans le taux de diplomation et de qualification du secondaire. Je n’ai pas la prétention de croire que le bouquet d’hypothèses qui sous-tendront cette prévision à long terme seront complètement exemptes d’erreurs. Cependant, pour minimiser ces erreurs, je vais tenter d’adopter des hypothèses « raisonnables », qui, à défaut d’une précision absolue, permettront néanmoins d’avoir confiance que les résultats obtenus constitueront des ordres de grandeur plausibles dans l’état actuel de nos connaissances.
Situation actuelle du taux de diplomation et de qualification
Le tableau 1 fournit le point de départ du calcul, soit le taux de diplomation et de qualification du secondaire selon l’âge au Québec, tel qu’on peut l’estimer au moyen des données disponibles les plus récentes. Il s’agit du pourcentage de jeunes qui ont acquis un premier diplôme ou une première qualification[1] à chaque âge indiqué. Pour être complet, le tableau présente la situation séparément pour les réseaux public[2] et privé du Québec, et il compare les taux du Québec à ceux de la province voisine, l’Ontario. On se comprend mieux quand on se compare.
Il faut noter que le diplôme d’études secondaires demande cinq ans à obtenir au Québec et six ans en Ontario. Ainsi, pour le Québec, les taux de la première ligne sont ceux de la cohorte d’élèves âgés de 17 ans qui ont obtenu leur grade dans le temps prescrit, étant entrés en 5e secondaire cinq ans auparavant, à l’âge de 12 ans ; pour l’Ontario, il s’agit plutôt du taux de la cohorte d’élèves âgés de 18 ans, qui ont eux aussi obtenu leur grade dans le temps prescrit, étant entrés au secondaire six ans auparavant, à l’âge de 12 ans également.
Tableau 1. Taux de diplomation et de qualification du secondaire selon l’âge en Ontario et selon l’âge et le réseau d’appartenance au Québec (en %)
Âge | ||||
Québec | Ontario | |||
Public | Privé | Tous | Tous | |
17 ans (Québec)
18 ans (Ontario) |
64 | 87 | 69 | 78 |
19 ans | 78 | 93 | 82 | 87 |
24 ans | 86 | 96 | 89 | 93 |
29 ans | 91 | 97 | 93 | 95 |
Note : La première ligne présente les données officielles des ministères ontarien et québécois de l’Éducation applicables en juin 2015 aux cohortes entrées au secondaire en 2010 (Québec) ou en 2009 (Ontario). La deuxième ligne utilise ces données officielles pour estimer les taux applicables en juin 2017 aux deux mêmes cohortes. Les taux de la quatrième ligne (29 ans) sont estimés à partir des données du Recensement du Canada 2016. Les taux de la troisième ligne (24 ans) reflètent la transition estimée entre ceux de la deuxième ligne (19 ans) et de la quatrième ligne (29 ans).
Sources : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec ; Ministère de l’Éducation de l’Ontario ; Statistique Canada ; Organisation de coopération et de développement économiques.
Le tableau 1 met en lumière trois caractéristiques importantes des taux de diplomation et de qualification au Québec et en Ontario :
- Les taux progressent tous avec l’âge. Par exemple, 69 % des jeunes de l’ensemble du Québec sont diplômés ou qualifiés à 17 ans, mais 93 % le seront à 29 ans. Il y a du retard et du décrochage pendant l’adolescence, mais beaucoup de rattrapage et de raccrochage par la suite jusqu’à la fin de la vingtaine.
- À tous les âges, le réseau privé du Québec enregistre les taux de diplomation et de qualification les plus élevés. Ils sont supérieurs non seulement à ceux du réseau public du Québec, mais aussi à ceux de l’ensemble de l’Ontario. Par exemple, au Québec, à 17 ans, c’est 87 % dans le privé, contre 64 % dans le public ; à 29 ans, c’est 97 % contre 91 %.
- Les taux de l’ensemble de l’Ontario sont supérieurs à ceux de l’ensemble du Québec. Cela s’explique par le fait que les taux plus faibles du réseau public québécois dominent la moyenne d’ensemble du Québec en raison du poids démographique prépondérant de ce réseau. Par exemple, à la fin du temps réglementaire du cours secondaire (cinq ans au Québec et six ans en Ontario), le taux à 17-18 ans est de 78 % en Ontario, contre 69 % au Québec, et le taux à 29 ans est de 95 % en Ontario, contre 93 % au Québec. L’écart Québec-Ontario s’atténue entre la fin de l’adolescence et la fin de la vingtaine, parce qu’il y a plus de rattrapage et de raccrochage au Québec qu’en Ontario parmi les jeunes adultes.
À noter : en matière de diplomation et de qualification, il y a des différences appréciables entre les garçons et les filles, de même qu’entre les francophones et les anglophones. Bien qu’il soit primordial de comprendre les causes de ces différences et de chercher à les aplanir, elles sont omises dans le tableau 1 parce qu’elles ne sont pas impliquées directement dans les calculs qui seront présentés.
Un plan pour réduire au minimum le décrochage et le retard scolaires
Qu’est-ce que voudrait dire « réduire au minimum le décrochage et le retard scolaires » dans l’ensemble du Québec ? Il ne serait évidemment pas réaliste de concevoir une trajectoire parallèle du parcours scolaire où 100 % des jeunes obtiendraient un diplôme ou une qualification cinq ans après leur entrée au secondaire. Il faut plutôt envisager un taux qui soit exigeant, mais atteignable dans le Québec contemporain.
Un coup d’œil aux résultats du tableau 1 permet de croire qu’un taux de 85 % à 17 ans est possible, si seulement notre société s’en donne les moyens. Un tel objectif est supérieur de 7 points de pourcentage au taux d’ensemble ontarien (qui est de 78 % à 18 ans), mais inférieur de 2 points au taux de 87 % qui est présentement atteint à 17 ans par le réseau privé du Québec. Il s’agirait donc de porter la performance de l’ensemble du Québec tout près de celle qui est déjà réalisée dans le réseau privé de la province.
Dans cet esprit, le tableau 2 présente les taux de diplomation et de qualification actuels et « désirés » selon l’âge pour l’ensemble du Québec. La première colonne reproduit les taux actuels, qui ont déjà été inscrits dans la troisième colonne du tableau 1. La deuxième colonne part de l’objectif de 85 % à 17 ans et fournit la liste des taux en fonction de l’âge. À 19 ans, elle ajoute 5 points de pourcentage au taux initial de 85 %. Le taux de 90 % qui en résulte est encore inférieur de 3 points au taux actuel du réseau privé.
À 29 ans, on aboutit à un plafond de 97 %. Ce taux est harmonisé avec les meilleures données canadiennes et étrangères, selon l’OCDE : 98 % en Corée du Sud, 97 % dans le réseau privé actuel du Québec et 95 % en Ontario et en Russie[3]. Au milieu de la vingtaine, à 24 ans, l’hypothèse est qu’on a franchi, au Québec, les deux tiers de la distance entre les taux à 19 et à 29 ans. Enfin, la troisième colonne du tableau soustrait la première colonne de la deuxième. On y constate que l’amélioration recherchée est concentrée avant l’âge de 20 ans.
Tableau 2. Taux de diplomation et de qualification du secondaire actuels et visés selon l’âge pour l’ensemble du Québec (en %)
Âge | Taux de diplomation et de qualification | Amélioration recherchée | |
Actuels | Désirés | ||
17 ans | 69 | 85 | + 16 |
19 ans | 82 | 90 | + 8 |
24 ans | 89 | 95 | + 6 |
29 ans | 93 | 97 | + 4 |
Sources : Données de la troisième colonne du tableau 1 ; voir l’explication dans le corps du texte.
Le revenu d’emploi est étroitement lié au niveau de scolarité atteint
L’amélioration désirée est appréciable. Elle aurait une incidence majeure sur les revenus des Québécois. Une éducation de qualité exerce en effet une influence déterminante sur l’emploi et le salaire. Le tableau 3 montre qu’en 2015 l’acquisition d’un premier diplôme (secondaire ou professionnel) a ajouté 8 800 dollars au revenu d’emploi annuel moyen, qu’un diplôme collégial ou technique l’a augmenté de 19 200 dollars et qu’un diplôme universitaire l’a fait avancer de 41 200 dollars.
Le revenu d’emploi, qui est le produit de l’emploi et de la rémunération, est donc étroitement lié au niveau de scolarité atteint. Plus on est scolarisé, plus on est actif, moins on chôme et mieux on est rémunéré. Les données du tableau 3 permettent de comprendre que la structure par âge actuelle de l’acquisition d’un premier diplôme ou d’une première qualification au Québec, décrite par la colonne 1 du tableau 2, est triplement coûteuse du point de vue de la création de la richesse.
Tableau 3. Revenu d’emploi annuel moyen des travailleurs de 25 à 64 ans selon le plus haut diplôme obtenu au Québec en 2015 (en dollars courants)
Plus haut diplôme obtenu | Revenu | Gain |
Aucun diplôme | 37 600 | 0 |
Secondaire ou professionnel | 46 400 | + 8 800 |
Collégial ou technique | 56 800 | + 19 200 |
Universitaire | 78 800 | + 41 200 |
Source : Statistique Canada, Recensement du Canada 2016. Scolarité, tableau 32.
Premièrement, elle aboutit à un taux final de diplomation et de qualification qui est relativement faible (93 %, contre 97 % dans la structure désirée). Plus de jeunes restent aux prises avec des revenus d’emploi faibles pendant toute leur vie active. Deuxièmement, le temps mis pour acquérir le premier diplôme est long. Les nouveaux arrivants dans la population active passent une trop grande partie de la première décennie de leur vie adulte (de 18 à 29 ans) à jongler avec les taux de chômage les plus élevés et les taux de salaire les plus faibles. Troisièmement, plus ces jeunes prennent de temps à acquérir leur premier diplôme (secondaire ou professionnel), moins il y a de chances qu’ils poursuivent ensuite des études supérieures (collégiales, techniques ou universitaires), qui leur donneraient accès à un revenu d’emploi plus intéressant.
Il n’est pas non plus douteux que l’acquisition plus rapide et plus répandue d’un premier diplôme ou d’une première qualification décrite par les colonnes 2 et 3 du tableau 2 aurait un effet essentiel sur le partage de la richesse. L’addition au revenu d’emploi qu’elle apporterait bénéficierait surtout aux travailleurs des classes modestes, et dans une moindre mesure à ceux des classes aisées.
Les hypothèses sous-jacentes au calcul de la prévision
Combien les Québécois gagneraient-ils économiquement à « réduire au minimum le décrochage et le retard scolaires » en faisant passer l’acquisition d’un premier diplôme de la structure par âge actuelle décrite par la première colonne du tableau 2 à la structure désirée décrite par sa deuxième colonne ?
Une façon immédiate de répondre à cette question est de comparer, en se servant d’hypothèses simples, la trajectoire que suivraient les revenus d’emploi dans les prochaines décennies si la structure par âge actuelle des taux de diplomation et de qualification restait en place avec la trajectoire parallèle qui aurait cours si la structure actuelle était remplacée en permanence par une structure qui porterait à 85 % la diplomation et la qualification cinq ans après l’entrée au secondaire.
En plus des données d’ensemble rapportées au tableau 3, le Recensement du Canada 2016 donne un bon aperçu du lien entre le revenu d’emploi et chacun des quatre niveaux de scolarisation atteints pour six catégories d’âge plus fines (15 à 24 ans, 25 à 29 ans, etc.). Il est donc possible d’estimer comment évoluerait dans l’avenir le revenu d’emploi d’une cohorte de jeunes Québécois âgés de 15 ans en 2017 au cours de leurs 60 années de vie active (jusqu’en 2074) s’il se conformait à ce lien observé, selon que la structure par âge de l’acquisition de leur diplôme correspondrait aux taux actuels de la première colonne du tableau 2 ou aux taux désirés de la deuxième colonne.
À cette fin, il faut faire des hypothèses sur le parcours scolaire des jeunes subséquemment à l’obtention d’un premier diplôme ou d’une première qualification. J’ai supposé qu’une obtention à 17 ans leur ouvrait la porte à toutes les possibilités d’un diplôme supérieur (collégial, technique ou universitaire) ; qu’une obtention à 18 ou 19 ans pouvait être suivie d’un autre diplôme, mais inférieur au bac universitaire ; et qu’une obtention plus tard qu’à 19 ans (mais avant 30 ans) ne les amènerait pas à dépasser le niveau secondaire ou professionnel. Les simulations leur donnent la possibilité de travailler avant l’acquisition d’un premier diplôme ou d’une première qualification, mais en supposant qu’ils sont rémunérés au salaire des sans-diplômes et à temps partiel pendant les études.
Le calcul maintient inchangée, pendant toute la durée de la vie active, la structure par âge des revenus d’emploi correspondant à chaque niveau de scolarisation, mais il suppose que les niveaux absolus des 24 revenus d’emploi (pour les quatre niveaux de scolarisation et les six catégories d’âge) augmentent uniformément de 0,6 % chaque année. Cette hypothèse reproduit la hausse moyenne observée du pouvoir d’achat des salaires au Québec au cours de la période récente de 2000 à 2017. Tous les calculs et les résultats sont exprimés en dollars constants de 2017.
Sur le plan démographique, on suppose que la population de la cohorte âgée de 15 ans en 2015 et de toutes les suivantes est de 86 000 jeunes[4]. Cette hypothèse de stationnarité démographique n’est pas en correspondance exacte avec la réalité, mais elle ne s’en écarte que de peu et elle a l’avantage de la simplicité. Une prise en compte plus complexe de la démographie n’entraînerait que des changements minimes aux résultats.
Deux résultats fondamentaux ressortent des calculs effectués : un résultat individuel et un résultat collectif.
L’effet sur le revenu d’emploi d’un jeune de 15 ans en 2017
Le résultat individuel s’applique à un membre représentatif de la cohorte de 86 000 jeunes âgés de 15 ans en 2017. Ces jeunes peuvent obtenir un premier diplôme ou une première qualification à partir de 17 ans en 2019, soit cinq ans après leur entrée au secondaire. Les effets de leur parcours scolaire sur leur revenu d’emploi s’échelonnent ensuite tout au long de leur vie adulte jusqu’à l’âge de 74 ans, qu’ils atteignent en 2076.
Si leur taux de diplomation et de qualification correspond à la structure par âge actuelle, qui est décrite par la première colonne du tableau 2, ils seront 69 % à passer l’épreuve à 17 ans, 13 % à 18 ou 19 ans, 7 % de 19 à 24 ans et 4 % de 24 à 29 ans ; les 7 % qui restent passeront le reste de leur vie sans diplôme ni qualification. Dans les hypothèses retenues, le revenu d’emploi que l’ensemble de la cohorte aura accumulé à la fin de sa vie active atteindra 317,2 milliards de dollars constants de 2017.
Alternativement, si les jeunes de la cohorte se conforment à la structure par âge plus complète et plus rapide de diplomation et de qualification qui est décrite par la deuxième colonne du tableau 2, 85 % obtiendront leur premier diplôme ou leur première qualification à 17 ans, 5 % à 18 ou 19 ans, 5 % encore de 19 à 24 ans et 2 % de 24 à 29 ans, les derniers 3 % restant sans diplôme ni qualification pour le reste de leur vie. Le revenu d’emploi que l’ensemble de la cohorte aura accumulé à la fin de sa vie active sera de 329,8 milliards constants de 2017.
Le gain accumulé sur l’ensemble de la vie par les 86 000 jeunes de cette cohorte, la première à se soumettre à la nouvelle trajectoire scolaire, sera donc de 12,6 milliards (= 329,8 – 317,2). Ces milliards supplémentaires ne seront pas encaissés par tous les membres de la cohorte, mais seulement par 28 % d’entre eux. Car les 69 % qui auraient acquis leur diplôme ou leur qualification à 17 ans même dans l’ancienne structure par âge et les 3 % qui n’en obtiendront jamais même sous la nouvelle vont conserver le même profil de revenu d’emploi après le changement. Il n’y aura donc que 28 % des 86 000 membres de la cohorte, soit 24 000 jeunes, qui connaîtront un changement de trajectoire. Ils absorberont la totalité du gain d’ensemble de 12,6 milliards.
Le graphique 1 trace l’évolution du gain accumulé à chaque âge de sa vie active par une personne représentative de ce groupe. Il confirme qu’au moment de passer à la retraite cette personne aura bénéficié d’un avantage cumulé en revenu d’emploi qui sera en moyenne de 525 000 dollars (= 12,6 milliards ÷ 24 000). Cela représente une augmentation appréciable de 16,7 % par rapport au revenu d’emploi qu’elle aurait obtenu en moyenne sous la structure par âge actuelle des taux de diplomation et de qualification.

Voilà pour le résultat individuel : un gain de plus d’un demi-million de dollars en moyenne pour le membre de la cohorte de 15 ans en 2017 dont le parcours scolaire est accéléré par la nouvelle politique assurant un taux de diplomation et de qualification de 85 % cinq ans après son entrée au secondaire.
Le gain collectif pour l’ensemble du Québec d’ici 2076
Le résultat collectif, lui, découle du fait que, s’il est maintenu dans les années futures, le nouveau parcours scolaire, plus complet et plus rapide, continuera de s’appliquer aux cohortes plus jeunes qui arriveront tour à tour à l’école et sur le marché du travail après la cohorte initiale des 15 ans de 2017. Ce sont les 15 ans de 2018, de 2019, de 2020, et ainsi de suite. Chaque année, l’addition totale au revenu d’emploi induite par la nouvelle structure pour l’ensemble de la société québécoise sera égale à la somme des additions particulières au revenu d’emploi de chacune de ces cohortes qui auront vécu le nouvel environnement scolaire, les plus jeunes cohortes ayant naturellement accumulé moins d’années et moins de revenu dans l’année considérée. Ce gain collectif augmente avec le passage du temps, à mesure que les nouvelles cohortes remplacent les anciennes avec de meilleurs revenus d’emploi.

Le graphique 2 présente ce résultat collectif. Il trace l’évolution du gain économique accumulé depuis 2017 par les revenus d’emploi de l’ensemble des travailleurs québécois, résultant d’une politique qui assurerait un taux de diplomation et de qualification de 85 % cinq ans après l’entrée au secondaire, comme l’a décrite le tableau 2. Une période de 60 ans, de 2017 à 2076, est nécessaire pour observer le résultat plein et entier de cette politique, afin de permettre à toutes les cohortes qui ont été soumises à l’ancienne structure par âge des taux de diplomation et de qualification de passer à la retraite et d’être remplacées par la nouvelle structure, plus complète et plus rapide. Le graphique illustre qu’à la fin de cette période le gain collectif accumulé atteint la somme considérable de 291 milliards de dollars.
Le graphique 2 confirme qu’une vision à long terme et beaucoup de patience sont indispensables si on veut réussir cette transformation majeure en éducation. Tout comme le graphique 1, il indique clairement que l’accumulation est lente à se concrétiser. Il faut tout d’abord attendre 15 ans, de 2017 à 2032, avant que le gain cumulé atteigne 10 milliards de dollars. Cette lenteur est facile à comprendre : il faut semer avant de récolter. Les premières générations gagnent moins de revenus parce qu’elles sont plus nombreuses à étudier pour acquérir un premier, puis un deuxième ou un troisième diplôme, plutôt qu’à participer à la production économique (ou à y participer à temps plein). Par la suite, la hausse du revenu d’emploi devient dominante. L’accélération du gain collectif le porte à 50 milliards en 2047, à 150 milliards en 2063, et à 291 milliards en 2076.
L’effet de l’accélération de la diplomation et de la qualification sur l’économie ne s’arrête pas à la hausse des revenus d’emploi. Ce sont toutes les composantes du revenu intérieur (PIB), pas seulement la masse salariale, qui bénéficient du fait que les nouveaux travailleurs arrivent en plus grand nombre, plus rapidement et plus scolarisés. L’investissement dans du nouvel équipement de production (machines, matériel, bâtiments, ouvrages) s’ensuit naturellement et entraîne une hausse des revenus de propriété (profits d’entreprises, intérêts et autres revenus de placement). Il est difficile d’estimer avec précision l’incidence finale sur le PIB sans connaître la structure des compétences qui seraient acquises par les nouvelles cohortes soumises au traitement du 85 %. Une conjecture prudente est que l’augmentation à long terme de 291 milliards des revenus d’emploi s’accompagnerait d’une hausse totale du PIB du Québec d’environ 400 milliards de dollars à la fin du cycle de 60 ans.
Répétons que ce sont les travailleurs des classes modestes, beaucoup plus que ceux des classes aisées, qui bénéficieraient de la transformation. L’État, lui, en retirerait un double avantage. D’une part, le PIB accru lui permettrait de recueillir plus d’impôts et de taxes. Et d’autre part, les nouveaux diplômés et qualifiés recourraient moins aux programmes sociaux (santé, assurance-emploi, aide sociale, justice, etc.). L’État pourrait placer ailleurs l’argent ainsi économisé.
Conclusion
La conclusion qui se dégage est que, si le Québec réussissait à relever en permanence de 69 % à 85 % son taux de diplomation et de qualification cinq ans après l’entrée au secondaire, les jeunes Québécois dont le comportement serait modifié par ce changement en tireraient un gain individuel en revenu d’emploi de plus d’un demi-million de dollars (dollars constants de 2017) en moyenne sur l’ensemble de leur vie active. Collectivement, de 2017 à 2076, les nouveaux travailleurs québécois bénéficieraient d’une accumulation de près de 300 milliards de dollars en revenus d’emploi additionnels par rapport à la situation actuelle. Le PIB du Québec pourrait alors enregistrer un gain cumulé d’environ 400 milliards. Ces gains purement économiques sont évidemment loin d’épuiser les avantages humains, culturels et sociaux qu’un tel changement apporterait aux nouvelles générations.
La question qui se pose en pratique est de savoir quels moyens employer pour relever ainsi de 16 points de pourcentage (= 85 – 69) le taux de diplomation et de qualification du secondaire en cinq ans. Il n’y a pas de formule magique. Mais un éventail d’interventions bien conçues pourraient nous permettre d’y parvenir sans délai excessif : mieux outiller les enseignants, leur donner un accès élargi à la formation initiale et continue, leur donner une plus grande autonomie de pratique, réduire la précarité à l’embauche, améliorer l’offre de services professionnels pour les problèmes particuliers, accorder une plus grande autonomie de décision aux écoles, impliquer les collectivités locales, mettre l’accent sur une éducation de qualité dès la petite enfance, favoriser l’acquisition des compétences de base (lire, écrire, compter) à la maternelle et au primaire, résoudre la question de la sélection des élèves à l’entrée du secondaire, prêter une attention spéciale à la sous-diplomation des garçons, revoir le niveau des notes de passage, mieux définir ce qui peut constituer un apprentissage équivalent au diplôme secondaire, rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans si on n’a pas encore de diplôme ou de qualification, revoir les conditions d’accès au secteur des adultes, mettre fin à la taudification des bâtiments scolaires.
Le Québec a besoin d’introduire le concept de « gestion de la qualité totale » à l’école secondaire. À l’époque de mon implication dans le secteur manufacturier, j’ai appris que ce concept n’acceptait qu’un taux d’erreur de deux parties par million dans les pièces de plastique que nous fabriquions (téléphones, écrans d’ordinateurs, etc.). Comment pouvons-nous tolérer aujourd’hui que notre école secondaire, elle, accepte un taux d’erreur de 31 %, ou 310 000 élèves par million, dans l’acquisition d’un premier diplôme ou d’une première qualification dans le temps prescrit ?
Il s’agit pourtant d’êtres humains et non de pièces de plastique.
**
[1] Selon la nomenclature admise par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec, les diplômes sont le diplôme d’études secondaires (DES), le diplôme d’études professionnelles (DEP) et l’attestation de spécialisation professionnelle (ASP) ; les qualifications regroupent divers certificats et attestations (AEP, AFP, CFPT, CFMS, etc.). Pour la cohorte qui est entrée au secondaire en septembre 2008 et avait 19 ans en juin 2015, le taux de diplomation de l’ensemble des élèves du Québec était de 75 % et le taux de qualification, de 4 %, de sorte que le taux total était de de 79 %. Le niveau secondaire de l’Ontario inclut lui aussi une gamme de qualifications, qui sont appelées « apprentissages équivalents » dans cette province.
[2] Le réseau public du Québec regroupe les commissions scolaires francophones, anglophones et de langues crie et inuktitut, et les écoles gouvernementales.
[3] Organisation de coopération et de développement économiques, Regards sur l’éducation 2017 : Les indicateurs de l’OCDE, 2017, tableau A1.2.
[4] La population des nouvelles cohortes d’âge dépasse présentement les 90 000 jeunes. Le chiffre retenu de 86 000 est là pour tenir compte de la mortalité en cours de vie active.
J’apprécie votre analyse. A mon avis, tout cela est réalisable si notre société y croit. Nous vivons dans un pays avec un potentiel énorme où tout est possible pour nos jeunes. Soyons fiers et mettons y les efforts pour éduquer les prochaines générations!
En passant, l’Ontario triche avec son taux de diplomation. Beaucoup de diplome sont émis à des décrocheurs analphabètes. Pas besoin d’aller en classes, ton diplome on te le donne pareil. Si 69% c’est un taux reel, c’est excellen, il n’est pas factice comme en Ontario. Bravo aux profs québécois!
Je suis évidemment d’accord avec les idées de l’article, et l’urgence de faire de l’éducation LA priorité au Québec.
Toutefois, je me questionne sur le modèle utilisé. Il semble que le modèle suppose qu’une augmentation de nombre de diplômés n’affecte pas le gain en rémunération. Ça suppose que tant qu’il y a des diplômés, il y a des emplois bien rémunérés disponibles. Est-ce réaliste ? Inversement, les emplois à faibles revenus devront quand même être comblés. Dans l’hypothèse où le nombre de diplômés qualifiés augmente de façon significative, qu’advient-t-il des emplois actuellement au salaire minimum ? Qui va les occuper ? Probablement les mêmes personnes qui auraient décroché et qui auront maintenant un diplôme, pour faire le même emploi (puisque ces emplois ne disparaîtront pas demain).
Évidemment, une éducation plus avancée donne de meilleurs salaires. Mais je crois que le modèle de gains en revenus change lorsqu’on change significativement le % de diplômés à tous les niveaux pour des aspects de besoins en main d’oeuvre.
Il y a seulement que les diplômés du CEGEP et université qui peuvent obtenir un meilleur salaire.
Le Québec est confronté à des secteurs d’activité qui demandent des bras et non des cerveaux. Les secteurs de la construction, de la foresterie et minier n’exigent pas de scolarité particulière si ce n’est que pour les métiers qui exigent une diplômation tel que pour les électriciens, les mécaniciens de chantier et les plombiers.
Vous parlez d’un objectif sociétal qui demande une décision politique. Vous obtiendrez votre taux de diplômation mais pas les gains. Le ministère de l’éducation va vous arranger les statistiques.
Je crois que la relation que vous établissez entre le taux de diplômation et le revenu exige au minimum que le niveau scolaire atteint reflète un niveau de connaissance équivalent. Je ne crois pas que ce soit le cas aujourd’hui.
Un des problèmes qu’ont les jeunes garçons à l’école, c’est le manque d’intérêt envers l’enseignement tel qu’il est donné aujourd’hui. Plusieurs d’entre eux n’aiment pas rester assis toute la journée à écouter des professeurs. Et, lorsqu’ils obtiennent des mauvaises notes, ils se découragent davantage. En réaction, le décrochage s’accentue. Le phénomène de gang affecte aussi ce décrochage, de même qu’un certain je-m’en-foutisme québécois devant l’éducation. Plusieurs parents ont l’air de voir l’école secondaire comme une garderie pour adolescents.
Je recommanderais davantage de formation technique pour les jeunes garçons, et ce, dès l’apparition des mauvaises notes ou du désintérêt. Ça veut dire de réinstituer cette formation technique au secondaire 1 pour certains d’entre eux, et favoriser davantage la transition des jeunes de secondaire 3 vers ces programmes. Présentement, on tend plutôt à forcer ces jeunes à finir l’enseignement régulier du secondaire 5 avant de donner une formation technique.
Quant à la sélection des élèves, elle doit se poursuivre et même s’améliorer, en ce sens que les meilleurs élèves doivent se retrouver ensemble. Ceux qui apprennent vite et bien ne doivent pas être découragés par un apprentissage lent à cause d’un sous-groupe qui ne comprend rien (ou qui ne veut rien comprendre) dans leur classe. C’est d’ailleurs ce qu’on fait avec les programmes internationaux, sport/étude et arts/étude, et c’est aussi ce que les parents font en inscrivant leurs enfants dans les écoles privées. Pour ceux qui ont plus de difficulté, je recommande l’enseignement professionnel, probablement beaucoup mieux adapté pour les garçons.
Il faut aussi se rendre compte que ce ne sont pas tous les jeunes qui ont les mêmes capacités cognitives. Il y a des différences énormes entre eux, et une bonne ségrégation pourrait permettre à chacun d’apprendre à son rythme sans être découragé. Alors, oubliez les idées farfelues comme celles de mettre les élèves du privé avec ceux des écoles publiques, ou de mettre les handicapés mentaux dans les classes normales. Non seulement ça ne marche pas, mais ça diminue la vitesse de l’apprentissage pour tous et cela augmentera le décrochage scolaire des meilleurs, qui trouveront qu’on n’apprend rien à l’école.
Monsieur Belly. L’enseignement professionnel fait partie du système d’éducation depuis le début des années 70, les élèves doivent s’y diriger dès le troisième secondaire.
Le défaut est que cet enseignement professionnel peut aussi se faire en dehors des écoles secondaires régulières. Les étudiants le savent depuis 40 ans, ils préfèrent décrocher au secondaire II ou III, vivoter durant 5 ans, le temps exigé par le système d’éducation pour s’inscrire à l’enseignement professionnel.
La différence est due au fait que les étudiants seront payés pour retourner au professionnel au delà de leur chèque de Solidarité Sociale, c’est la raison pour laquelle le pourcentage d’étudiants près de la trentaine atteint un un plus grand sommet et esquivent les deux cours obligatoires du système régulier que sont les cours de français et les mathématiques.
Si vous vous demandiez pourquoi le Québec est au prise avec un taux d’analphabets, vous en avez une des raisons puisque même au niveau CEGEP et universitaire, beaucoup d’étudiants, près de 45% qui se direigents vers l’enseignement ne passent pas le test de français, se sont eux qui enseigneront les étudiants par la suite. Cette fourberie est une réalité depuis plus de 15 ans, sinon plus, lorsque nous en avons entendu parler pour la première fois.
@ W Roger
Vous avez raison en ce qui concerne l’âge d’accès à la formation professionnelle. Par contre, ce qui est désolant, c’est que seulement 12% des nouveaux inscrits à la formation professionnelle ont moins de 17 ans, l’âge à lequel un jeune devrait avoir fini le secondaire 5 (en 2004-5).
http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/formation_professionnelle/SituationJeunesFP.pdf
Le site du gouvernement du Québec ne donne pas de chiffres plus récents.
Extrait d’un article dans Le Devoir 24/01/18 qui nous éclaire sur un aspect sous-estimé de cette question: « Le taux de diplomation universitaire est beaucoup plus faible au Québec qu’ailleurs au pays et l’écart ne cesse de s’accroître, soutiennent des chercheurs du CIRANO dans un nouvel ouvrage, Le Québec économique. Éducation et capital humain. Ils attribuent cette situation à la « très forte sous-performance » des francophones et à un cheminement ralenti par l’obligation d’aller au cégep….
Robert Lacroix et Louis Maheu évoquent « un effet collatéral et non anticipé de la structure même du système d’éducation postsecondaire particulier au Québec », rappelant qu’ailleurs au Canada, les jeunes passent directement du secondaire à l’université…
« Bon nombre des diplômés des études pré-universitaires collégiales sortent du cégep à un âge plus avancé que prévu et, pour certains, déjà passablement endettés, ayant eu accès au régime de prêts et bourses du gouvernement québécois. Ils décident donc de remettre leurs études universitaires à plus tard ou de les poursuivre le soir tout en travaillant le jour. » Il me semble que cette réalité avec les dommages actuels et à venir pour les jeunes comme pour la société, mériterait une vaste étude indépendante sur notre modèle d’enseignement supérieur. Un commission d’étude qui s’impose plus que jamais.
Monsieur Poulin. En Ontario, où mon fils, maintenant 46 ans, et deux petits enfants maintenant 21 et 24 ans avons fait nos études avons effectués 7 années au primaire et non six, sept années au secondaire au lieu de cinq pour parvenir à l’université.
Faut-il mentionner qu’il n’y a que quelque domaines de l’éducation universitaire qui n’exigent pas une année supplémentaire par ce qui se traduit comme étant « Études préparatoires aux études supérieures » qui existaient au Québec durant les années 70.
La note de passage au secondaire est de 65% et non de 55 tel qu’au Québec pour pouvoir accéder au sisième secondaire et de 70% pour l’année supplémentaire. Nous sommes donc très loin de ce qui est exigible au Québec.
Pour ce qui est des autres provinces, du moins en Alberta, Colombie Britanique, Nouveau Brunswick et Nouvelle Écosse, le système est exactement le même que celui de l’Ontario. Les autres provinces je ne peux en parler car je n’ai aucune information les concernants.
Nous sommes en présence au Québec de parents, les 40-55 ans qui ne sont pas diplômés au niveau secondaire. Croyez vous vraiment que ces personnes préconiseront les études ? Je ne crois pas.
Nous avons assister au Québec ce qui est devenu l’obligation de demeurer aux études jusqu’à l’âge de 18 ans. Le péquoistes ont abolient la septième année lors de la première réforme et ont diminuer le curriculum des études secondaires lors de la première et deuxième réformes. Aucun décrocheur ne fut pénalisé d’aucune façon pour avoir décroché avant l’âge fatidique des 17 ans après la première réforme.
@ M. Poulin
J’aimerais ajouter que plus vous laissez ensemble des jeunes dans un environnement ou il y a des décrocheurs, plus le taux de décrocheurs augmente. Le CEGEP permet une séparation d’avec le secondaire rempli de décrocheurs. Il permet une certaine ségrégation basée sur les notes obtenues, puisque ce ne sont pas tous ceux qui ont fini le secondaire 5 qui y sont admis. Il permet aussi de choisir une orientation générale pré-universitaire (science pures, sciences sociales, etc) ou une formation professionnelle d’un niveau supérieure à celle donnée à partir du secondaire 3.
Extrêmement intéressant. Depuis des lunes, les jeunes décrochent parce qu’ils troueront un travail dans le domaine de la construction où la diplômation n’a aucun intérêt pour les employeurs.
C’était la réalité durant les années 90 lorsque les jeunes entendaient dire de toute part que le secondaire ne menait nul part, la meilleure façon pour décourager beaucoup d’adolescent. Cette réalité se poursuit encore aujourd’hui soit près de 30 ans plus tard.
Mais lorsque l’économie ralentit et le domaine de la construction et de la foresterie sont en baisse, surtout la foresterie dont la baisse est constante tel que depuis deux décennies plusieurs sont au chômage voire Solidarité Sociale puisque le secteur de la construction de la foresterie et des mines ne peuvent absorber tous ces étudiants. Le secteur des mines n’embauchent personne en dessous de 25 ans à cause des assurances.
Il y a aussi l’automatisation qui depuis 20 ans est venu diminuer le nombre de travailleurs tant en foresterie que minier. Le secteur manufacturier en profite aussi puisque la robotisation est la garantie de survie de plusieurs d’entre-eux.
Avec une économie grandement basée sur trois secteurs d’activité, il n’est pas surprenant de voir le nombre de personnes qui se retrouvent sans le sous, le Québec n’étant pas au bout de sa misère.
Ces jeunes qui le lisent plus deviendront les analphabets de demain. C’est odieux mais c’est une réalité qui demeure insurmontable.
Voici une démonstration qui plaide totalement en faveur de l’éducation. Cependant, il manque selon moi dans ces « hypothèses raisonnables », certaines dimensions plus sociologiques qui mériteraient une étude plus approfondie de la structure de la société québécoise. Pour parvenir pleinement à la complétion des dites hypothèses, il faudrait probablement jouer sur l’ensemble des structures sociales.
S’il faut certainement louer l’exercice exceptionnel réalisé par monsieur Pierre Fortin sur ce sujet. Il me semble difficile de présupposer de ce que sera exactement la société dans environ 60 ans. Ce genre d’exercices sont rarement concluants. Il est peu probable que les emplois aux alentours de 2080 soient en tous points semblables et équivalents à ceux qui s’exercent maintenant.
Rien n’indique non plus que dans 60 ans la structure de l’emploi et la part de la rémunération liée à l’emploi se compare avec celle qui prévaut aujourd’hui, l’âge même de la retraite pourrait aussi être pris en considération, tout comme l’espérance de vie ou le choix des citoyens de dépenser plus ou moins dans divers programmes sociaux. Même les entreprises futures pourraient estimer qu’il est avantageux d’investir plus dans l’éducation ou dans toutes sortes de soutiens à leur milieu de vie. Tout ceci est susceptible de modifier à moyen-long terme la structure des rémunérations.
Il n’en est pas moins, l’éducation doit-être la priorité de tout gouvernement (je ne ferai pas ici de politique politicienne).
Il reste pourtant à corréler des enjeux qui me semblent importants ; je pense à l’aménagement du territoire notamment. Il faudrait qu’il y ait une meilleure connexion entre le niveau de diplomation et l’offre réelle d’emplois partout au Québec.
En d’autres termes, il conviendrait qu’il se crée plus d’emplois de qualité dans toutes les régions. Certains enjeux sont technologiques avec la rapidité et la fiabilité des réseaux notamment, rien n’est pourtant insurmontable. Lorsque la volonté est là.
Pareillement, il faut aussi créer un cadre de vie favorable aux études (y’en a effectivement marre de la « taudification »), impliquer plus les parents dans la vie des établissements d’enseignements. Les écoles et autres établissements doivent être des lieux de vie agréables et de puissants outils de développement.
Un autre aspect est encore dans la possibilité d’acquérir des connaissances en tout temps et à tout moment, l’acquisition des connaissances à moins de 17 ans est très différente de celle à 30, 40, 50 ans et plus. Un manque constant d’acquisition de connaissances dans le temps est un appauvrissement. Ce qui requière plus de flexibilité entre le travail et les études. Plusieurs pays (l’Autriche notamment) ont développé sur ce sujet des modèles intéressants.
Un point essentiel selon moi, relève du seuil minimum de revenus. La pauvreté et parfois la promiscuité restent un obstacle majeur pour compléter un cursus éducatif régulier. Au contraire des personnes qui disposent d’un revenu suffisant, pourront consacrer plus de temps à leur propre éducation.
S’il est donc réel qu’une bonne éducation permet d’accéder à des emplois mieux rémunérés, le manque de revenus d’un individu à un moment donné ou le manque de revenus d’une famille pour les jeunes en âge de scolarité ; ce sont des freins ou des inhibiteurs puissants de réussite scolaire, puis de la progression des connaissances en toutes sortes de domaines dans le temps.
Pour cette raison, je pense que tôt ou tard, il faudra prévoir d’une manière ou d’une autre de pouvoir remettre aux gens les moyens matériels nécessaires pour pouvoir compléter avec succès leur éducation. Il faut recevoir plus en amont pour pouvoir redonner plus en aval pendant plus longtemps.
— Enfin :
N’oublions pas que l’enseignement est d’abord ludique. La notion de plaisir doit impérativement être réintroduite en éducation. D’un point de vue strictement économique, c’est très efficace et ça n’coûte pas cher !
Est-ce que les diplômes ont la même signification d’une école à l’autre?
Obtiendrait-on le fameux 85% en abaissant les standards? En « normalisant » les notes?
Ce que je sais, c’est qu’un diplôme universitaire n’a pas du tout la même signification. Un diplômé de l’UQUÀM versus celui de Harvard ou de Oxford ne sont pas du tout sur la même planète et devinez lequel a le plus de chance d’être choisi par l’employeur?
Je crois que notre faible taux de diplomation par rapport aux autres vient tout droit du système socialiste avec lequel nous sommes forcée de vivre.
Ce système fait en sorte que l’État est de plus en plus omniprésent dans nos vies (voyez comment les gens réagissent lorsqu’ils font face à un problème; leur toute première est de demander au gouvernement de le régler!) et déresponsabilise les étudiants et les parents face à leur avenir.
Je suis profondément « écoeurée » de la comparaison avec l’Ontario. La note de passage y est de 50% alors que nous sommes à 60%. J’ai fait une simulation dans mon école et nous augmentons la diplomation de 10% avec une note à 50. Cela aussi doit faire partie du discours quand on se compare…