Canadien: qui va marcher sur la peinture?

Le problème de Marc Bergevin est le suivant : son équipe est trop âgée pour qu’il puisse prétendre qu’elle est en progression. 

Photo: La Presse canadienne/Graham Hughes

Marc Bergevin avait annoncé une brève apparition médiatique, une rencontre de politesse, en quelque sorte. Avant que son équipe, pratiquement éliminée, parte en congé pendant cinq jours, c’était la moindre des politesses que le directeur général vienne discuter du dérapage auquel on assiste depuis le début de la saison.

Le problème de Bergevin est le suivant : son équipe est trop âgée pour qu’il puisse prétendre qu’elle est en progression. Il a tellement tout misé sur Carey Price et Shea Weber qu’il lui est  inadmissible qu’un de ces joueurs ne fasse plus partie des plans de l’équipe. À défaut de rebâtir, il doit donc tenter de corriger le reste autour de ces deux piliers.

Bergevin a même indiqué la direction à prendre : l’équipe a besoin d’un « gros centre numéro un ». Mais est-ce vraiment le bon plan?

Weber et Price ont connu une première moitié de saison difficile. Price a été atroce pendant un mois avant de se blesser, tandis que Weber, blessé dès le premier match, a lentement régressé avant d’être renvoyé chez lui il y a un mois. Si les gardiens auxiliaires ont su prendre la relève, on ne peut en dire autant de la brigade défensive.

Je le soulignais déjà au mois de novembre: il fallait absolument trouver un défenseur capable de prendre la relève de Joe Morrow, de loin le pire élément de la brigade. Au contraire, Bergevin a choisi de le garder dans l’alignement et de lui donner plus de temps de jeu pour compenser la baisse de régime, puis la perte de Weber. L’impact sur l’équipe, déjà handicapée par la blessure de Weber, a été catastrophique.

N’ayant rien fait pour aider son équipe lorsque le problème prenait la forme d’un sixième défenseur à remplacer, Bergevin se trouve aujourd’hui aux prises avec un retard que seul l’ajout d’un joueur de concession pourrait aider à combler. On peut bien citer le « manque de constance » des joueurs, mais c’est passer à côté de l’essentiel du problème: l’équipe a trainé un énorme boulet alors même qu’elle devait essayer de sortir du trou creusé par les défaillances des piliers de l’équipe.

Il n’y a rien d’anormal dans le fait de voir ses leaders défaillir à cause des blessures, surtout s’ils ont, comme Price et Weber, dépassé le cap de la trentaine. Et devant les performances affichées par ces deux joueurs lorsqu’ils sont en santé, il est compréhensible qu’on ne souhaite pas passer immédiatement à la reconstruction complète. Mais si Bergevin veut « réusiner » son équipe, il ne peut le faire qu’en s’assurant d’avoir des joueurs capables de prendre la relève lorsque ses leaders défaillent.

Ce qui nous force à faire un constat embêtant : à l’orée de la campagne, Bergevin a déclaré sa brigade défensive supérieure à celle de l’an dernier et – je me répète – n’a pas daigné corriger le tir lorsque les choses se sont mises à déraper en novembre. C’est un peu, beaucoup, une reprise du scénario de 2015, alors qu’il avait répondu à la blessure de Price en allant chercher Ben Scrivens. Dans les deux cas, encore et toujours la même excuse : ne pas hypothéquer l’avenir.

Mais de quel avenir parle-t-on, au juste? Aucune équipe n’a démontré, depuis une quinzaine d’années, une véritable capacité à bien repêcher. Bien sûr, pour peu qu’on ait l’une des 10 premières sélections, tout le monde s’en tire. Mais après, comme l’a si bien expliqué la chercheuse Namita Nandakumar, le repêchage est pour ainsi dire impossible à distinguer du hasard, une série de billets de loterie.

Or l’avenir, ce sont les espoirs qui ne jouent pas encore dans les rangs professionnels (lire : des billets de loterie achetés, mais dont le tirage n’est pas encore fait) ainsi que les jeunes déjà au sein de l’organisation, un groupe des plus restreints. À mon sens, Noah Juulsen ressemble à un futur défenseur de la LNH, mais on ne parle pas du prochain Shea Weber. Même chose pour Nikita Scherbak, qui ressemble de plus en plus à ce genre d’ailiers qui donnent des points sur un deuxième ou un troisième trio.

Victor Mete a connu des débuts professionnels encourageants, pour ensuite perdre rapidement son rythme alors que la saison avançait. S’il semble destiné à se faire une place dans cette ligue, on ne saurait dire jusqu’où il progressera.

Enfin, il y a les joueurs qui évoluent déjà dans la LNH. Le graphique suivant nous permet de mieux comprendre l’adage que l’avenir, c’est maintenant. J’ai classé les joueurs selon leur âge et selon leur impact sur la part des tirs obtenus à forces égales, grâce aux données Hockey-Reference.com. Constat: personne n’a eu un plus grand impact positif que Charles Hudon (la part des tirs obtenus par l’équipe bondit de près de 6% en sa présence) et aucun n’a fait pire que Jacob de la Rose.

De manière générale, l’attaque, outre Pacioretty, trouve ses meilleurs éléments parmi les jeunes, alors que la défensive est globalement vieillissante. Et qui dit défensive vieillissante dit risque plus prononcé de blessures.

Ce qui nous amène à une dernière question : est-on seulement capable de voir le problème?

Marc Bergevin a depuis quelques années déjà cette obsession du « gros centre numéro un », ce qui nous a valu un interminable roman-savon autour de Galchenyuk et, depuis la conférence de presse de dimanche, une nouvelle controverse au sujet de Jonathan Drouin. Ce dernier, a affirmé Bergevin, jouerait à l’aile « dans un monde idéal ».

C’est bien joli, de trouver que Drouin ne passe pas la rampe au centre, mais encore faut-il mettre les choses en perspective : le #92 est celui qui a le moins souvent joué avec Pacioretty ou Gallagher (les meilleurs ailiers de l’équipe) et, surtout, celui qui a le plus souvent joué avec Joe Morrow. Ce qui n’aide pas un jeune à faire la transition à une position plus exigeante défensivement.

Mais revenons à ce mythique centre numéro un. Pour aller chercher ce joueur d’exception (si tant est qu’il est disponible), il en coûterait pas mal plus que des billets de loterie. Et Bergevin se retrouverait alors avec de nouveaux trous à boucher et, encore et toujours, la même faiblesse en défensive. Il pourrait alors répéter l’erreur de l’été dernier : en croyant que Drouin pouvait faire le travail au centre, il a sacrifié le plus bel espoir défensif de l’équipe. Ce faisant, il a empiré le problème principal de l’équipe sans améliorer les choses à l’attaque.

En ajoutant les parallèles évidents à faire entre le statut de bouc émissaire réservé à PK Subban il y a deux ans et à Max Pacioretty cette saison, il est difficile de ne pas commencer à trouver que l’administration de l’équipe se complaît à répéter les mêmes erreurs. Ce faisant, on peut dire que l’équipe s’est peinturée dans le coin.

Quelqu’un devra donc marcher sur la peinture. La question qui tue, dans ce contexte, se pose aux propriétaires de l’équipe : s’ils laissent Bergevin le faire, peuvent-ils avoir confiance dans la direction qu’il prendra?

Parce que, quand on marche sur la peinture, ça laisse des traces.

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Une excellente analyse des forces et faiblesses de cette équipe …et de l’incompétence de Marc Bergevin! Celui-ci a littéralement démoli la défensive de l’équipe qu’il a reçue en 2012. A l’attaque, il a été incapable de développer Galchenyuk comme centre numéro un, lui préférant le développement de Lars Eller à cette position. Toute la ville a compris que Drouin devait jouer à l’aile …sauf le duo Bergevin – Julien! Les solutions ? Nommer Patrick Roy comme PDG de l’équipe et mettre tout le personnel actuel à la porte. Seul un Patrick Roy pourrait: Échanger Price et Weber pour de jeunes défenseurs rapides. Allons-y avec Charlie Lindgren et Anti Niemi pour un an. Avec l’argent économisé tenter d’engager un bon joueur de centre. Remettre Galchenyuk au centre avec Drouin à l’aile. Éliminer les parasites du genre De la Rose et Lehkonen. Donner de la place à Charles Hudon et se débarrasser de Plekanec.