Courir… à sa perte ?

Fractures de stress, tendinite d’Achille, périostite tibiale… Les blessures causées par la course à pied sont fréquentes, tant chez les pros que chez les novices. Prudence avec ce sport, disent les scientifiques.

(Photo : iStockphoto)

Les blessures qu’occasionne la course à pied sont-elles en train de devenir un problème de santé publique ? Au Danemark, la question revient régulièrement depuis que les chercheurs du réseau RunSafe, un groupe de scientifiques qui étudient ce sujet, ont évalué que, chaque année, environ 5 % de la population du pays était touchée par une blessure subie en courant. « Les chiffres varient beaucoup d’une étude à l’autre, mais je dirais qu’en moyenne, au cours d’une saison, un coureur sur deux se blesse », estime le physiothérapeute Blaise Dubois, directeur de la Clinique du coureur, à Québec, qui forme des professionnels de la santé en prévention des blessures causées par la course à pied partout dans le monde.

Fracture de stress, fasciite plantaire, syndrome fémoro-patellaire ou de la bandelette ilio-tibiale, périostite tibiale, tendinite d’Achille… tous ces bobos du bas du corps affectent autant les coureurs du dimanche que les plus endurcis. « Dans les études, on observe davantage de blessures chez les débutants, mais c’est peut-être à cause du mode de sélection des participants », croit Rasmus Nielsen, qui coordonne l’équipe d’une trentaine de spécialistes en médecine du sport, en épidémiologie et en physiologie de RunSafe. « On sait aussi qu’il y a des répercussions sur le dos et, pour les femmes, sur le plancher pelvien, mais les études à ce sujet sont encore parcellaires », ajoute-t-il.

Peu importe le niveau du coureur, son équipement, le terrain ou l’intensité avec laquelle il s’entraîne, le risque de blessures est omniprésent, car la course est très exigeante pour le corps, qui s’adapte lentement à cette activité physique. Dans les dernières décennies, des milliers d’études ont été publiées sur les facteurs influençant le risque de se faire mal en courant. La plupart ont toutefois porté sur de petits groupes de personnes, ce qui rend leurs conclusions incertaines.

Seule certitude : la plupart des blessures sont consécutives à une surcharge de l’organisme résultant de changements trop rapides par rapport à sa capacité d’adaptation. Ainsi, allonger la distance en vue d’une compétition, augmenter l’effort en courant plus vite, avec un sac à dos ou sur un terrain plus accidenté, changer de chaussures (quel que soit le modèle), ajouter à son horaire une autre activité, comme le jardinage… le moindre changement d’habitude augmente le risque de blessure. « Les études montrent aussi que, même si l’équipement est de plus en plus techno, les coureurs ne se blessent pas moins aujourd’hui qu’il y a 20 ans », fait observer Blaise Dubois. Le piège numéro un est la guérison bâclée !

La course est très exigeante pour le corps, qui s’adapte lentement à cette activité physique.

Benoît Lacroix, qui s’est mis au triathlon il y a 3 ans, après 15 années de course régulière, en sait quelque chose. L’an dernier, à la suite d’une première fracture de stress, ce résidant de Québec a repris à tous petits pas, après un mois d’arrêt, avec la bénédiction de sa physiothérapeute. En manque d’endorphine, hormone que lui procurent habituellement ses 8 à 15 heures d’entraînement hebdomadaire, et confiant de retrouver vite la forme, il s’est laissé piéger. Résultat, une deuxième fracture de stress après trois mois. Et même s’il a repris encore plus prudemment, c’est cette fois une tendinite à l’autre pied qui le force désormais à ralentir.

« Dans mon club, tout le monde compose avec des blessures très fréquentes. Si on veut vraiment s’améliorer quand on fait de la compétition, il faut aller dans sa zone rouge. Mais il y a toujours un risque. Beaucoup de coureurs d’élite du club se sont mis au triathlon pour pouvoir faire du vélo et nager quand ils sont handicapés par leurs blessures de course ! » raconte l’athlète amateur de 45 ans.

En moyenne, selon Rasmus Nielsen, les coureurs mettent trois mois à se rétablir d’une blessure. Mais un sur sept n’aura pas récupéré après un an. Le problème, selon lui, c’est que la science ne sait pas évaluer à quel moment on dépasse sa capacité d’adaptation, ni en général ni pour une personne en particulier. Certes, les gens motivés par la performance se mettent plus à risque, mais même des coureurs prudents peuvent être fragilisés par des changements subtils dont ils n’ont pas conscience, par exemple par le simple fait de changer de côté de rue pour leur jogging matinal.

Les chercheurs comprennent aussi très mal pourquoi une personne est plus à risque qu’une autre. « On a longtemps cru qu’avoir les pieds plats, les genoux tournés vers l’intérieur ou un indice de masse corporelle élevé prédisposait aux blessures… Mais cela ne s’est pas vérifié », explique Blaise Dubois.

Heureusement, les blessures les plus courantes ne semblent pas laisser de séquelles. « Ce ne sont pas des traumatismes comme on en voit au soccer ou au hockey, mais des blessures de surcharge qui se renormalisent », croit le physiothérapeute. Rasmus Nielsen est plus circonspect. « Aucune étude ne permet d’affirmer catégoriquement que toutes ces blessures n’auront pas d’effets à long terme. Pour le savoir, il faudrait suivre une cohorte de milliers de coureurs sur une longue période, ce qui n’a encore jamais été fait. » En attendant, donc, la prudence s’impose…

Les commentaires sont fermés.

Et le cardio qui s’améliore plus vite que le musculo-squelettique et nous fait croire qu’on y va bien en deçà de nos capacités.
On n’est pas tous nés avec une génétique olympienne et on ne peut pas pousser la machine de façon inconsidérée. Même les athlètes de haut niveau sont usés de partout lorsqu’ils atteignent la trentaine.
C’est la spécialisation qui rend malade. Parlez-en aux genoux de Jean-Luc Brassard et aux hanches de Caroline Brunet.
Il faut varier les sports comme on varie son alimentation: certains pour l’endurance, d’autres pour la force, d’autres encore pour la souplesse et la coordination. On peut souffrir de carences sportives exactement comme on peut manquer de nutriments. On peut se rendre malade à manger toujours la même chose, même l’aliment le plus sain. Tout est une question d’équilibre.

Autre point, plus ou moins rapport. Militantisme.
Quelqu’un connaîtrait-t-il une compagnie d’assurance qui consent des rabais sur les primes si on peut prouver qu’on est actif? Ils s’intéressent rien qu’au tabagisme et aux maladies préexistantes.
Quand pourra-t-on enfin envoyer notre facture de gym à notre assureur au lieu de lui envoyer que des factures de pharmacie et de réhabilitation? Ou du moins pouvoir inscrire ces montants dans notre déclaration d’impôt sans discrimination d’âge?
Tout pour le curatif et rien pour le préventif. C’est plutôt honteux.

Vous avez en partie raison madame Trottier, mais quand vous dites « C’est la spécialisation qui rend malade », je corrigerais en disant que « c’est l’excès qui rend malade ». On ne se rend pas malade en mangeant toujours la même chose, c’est en mangeant trop qu’on se rend malade. Mais vous avez raison de dire qu’en variant nos activités physiques, on se donne plus de chances de garder une bonne forme et santé. J’ai pratiqué plusieurs sports surtout à mon adolescence et jeune adulte et je considère être en assez bonne santé à 68 ans, car je continue dans d’autres domaines à maintenir mon tonus musculaire par d’autres genres d’activités. Je ne me lancerais pas dans un marathon, ni même un demi marathon, mais je vais tenter de toujours bouger. Comme disait un grand père, « grouille ou rouille », mais SANS EXCÈS. C’est beau de voir le grand cycliste Pierre Lavoie, mais dans quelques années, qu’en sera-t-il de sa santé globale. L’excès, c’est toujours trop.

Je suis d’accord, mais il faut regarder les 2 côtés de la médaille. Tout d’abord, la course à pied est démontrée comme l’une des meilleures activités pour améliorer l’espérance de vie et améliorer l’efficacité du système cardio-respiratoire.

De plus, en tant que physiothérapeute, j’ai rarement vu des blessures en course à pied occasionner des arrêts de travail ou des incapacités à long terme. En fait, je traite beaucoup plus de personnes invalides qui font du « divan » que de personnes faisant de la course à pied.

Le secret : courir pour le plaisir, avec des paramètres sur mesure pour NOTRE capacité physique.

100% d’accord avec vous, ce qui revient à mon « grouille ou rouille ».
Bonne semaine

Malgré tout ça souvenez-vous que la course est l’activité la plus simple, la plus naturelle, la plus économique (besoin de rien) et la plus efficace pour la prévention de la grande majorité des maladies de l’homme moderne!
* Le facteur environnemental le plus puissant pour la santé.
* Vous allez réduire le risque de décès relatif de 63%.
* Réduire la prévalence de l’ensemble des maladies cardio-vasculaires, cancers, Alzheimer, dépression, …
* L’inactivité physique tue plus de gens actuellement que l’obésité, le diabète et la fumée de cigarette… réunis!

Bref, COUREZ… et pour ne pas vous blesser la recette est simple :
1. Quantifiez bien votre stress mécanique (progression lente des distances)
2. Portez des chaussures simples minimalistes (>70%) si vous débutez
3. Ayez une technique avec des petits pas sans trop de bruit.

Bonjour Blaise,

petite question sur ton commentaire : Quand tu dis « progression lente des distances ». Doit-on en conclure que les +10% de chaque semaine sont sur la distance et non sur le temps de course ?

Merci d’avance pour ta réponse.

Pour Bertrand : temps ou distance c’est la même chose ! Mais pour certain le 10% c’est déjà trop… pour d’autres trop sécuritaires … surtout quand les volume sont bas.

La sédentarité, à mon avis, coûte plus cher à la société que la pratique régulière de la course à pied.
Bien sûr, la progression doit être lente….C’est la volonté de la performance atout prix qu’il faut éviter. Ne pas oublier que nous n’irons jamais aux olympiques et que le but premier est la santé.

Voilà ce que donne la culture de performance qui pousse trop de gens à négliger l’importance de maintenir un certain équilibre psychosomatique.
A se répéter continuellement que « si tu veux, tu peux », on en arrive à s’embitionner au point de placer l’ensemble de notre organisme, autant nos muscles et nos organes que notre système nerveux, sous tension continuelle.
Mais comme on se répète encore la même chanson, le braker débarque. Tous mes patients ejaculateurs précoce comprenaient très bien cette illustratation..!!!
Alors, comme disait mon avocat: veuillez vous gouverner en conséquence.

Très intéressant.
Je dirais : écoutez-vous, rentrez-vous dedans mais soyez patient 🙂
Le rappel en commentaire de la différence de vitesse d’adaptation entre le système cardio et le système tendineux et musculaire est très important selon moi.
Et il faut aussi remettre l’article dans son contexte : si on se blesse, en général on n’est pas « malade » mais on est juste souvent simplement privé de sport. Il y a pire… Et aussi souvent d’autres sports de substitution (sports portés pour remplacer la course)
Julien
http://mangeurdeczilloux.com