La malédiction du capitaine : mythe ou réalité ?

Une croyance répandue veut que les joueurs de hockey se mettent à traîner de la patte aussitôt que la lettre « C » est apposée sur leur chandail. Le titre de capitaine est-il vraiment un honneur à double tranchant ?

Photo © Bill Smith / NHLI / Getty Images
Photo © Bill Smith / NHLI / Getty Images

Blogue_hockeyKirk Muller. Mike Keane. Pierre Turgeon. Chacun a porté le « C » sur son chandail pendant moins d’un an avant d’être échangé par le Canadien de Montréal. Vincent Damphousse a duré presque trois saisons dans ce rôle, mais son rendement offensif a périclité à partir du moment où il a reçu le titre. Et on ne peut pas dire que Brian Gionta ait brillé de tous ses feux pendant les quatre années de son règne.

Le meilleur moyen d’achever un joueur est-il de le nommer capitaine, comme le veut la croyance populaire ?

En réalité, c’est précisément l’inverse, selon des travaux réalisés au département de psychologie de l’Université d’État de Pennsylvanie.

Dans le cadre de cette étude, publiée en 2004 dans la revue scientifique Personnel Psychology, on a identifié tous les joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH) qui ont été capitaines au moins une fois entre 1967 et 1998 – il y a en a eu 201. Puis, on a tracé l’évolution de leur nombre de points, à partir du moment où ils ont été nommés et au cours des neuf saisons suivantes.

La LNH, avec son abondance de statistiques, offre un contexte idéal pour trancher une question qui divise les spécialistes de la psychologie organisationnelle : quand on assume un rôle de leader dans une équipe de travail en plus de nos tâches courantes, est-ce que notre rendement personnel en souffre ou en bénéficie ? Le leadership est-il un fardeau ou un moteur ?

La réponse : un moteur. Et puissant, à part ça ! Les joueurs de la LNH ont amassé plus de points lors des saisons où ils ont servi comme capitaine que lorsqu’ils n’avaient pas cette responsabilité. Et ce, même lorsque l’on tient compte de leurs succès antérieurs. Autrement dit, ces résultats ne sont pas seulement attribuables au fait que les hockeyeurs ont plus de chances d’être choisis capitaines s’ils jouent bien. C’est bel et bien le fait d’être capitaine qui fait d’eux de meilleurs joueurs. Peu importe leur stature physique, leur âge, leur nombre d’années d’expérience, leur position d’attaquant ou de défenseur.

Cet effet dopant est si robuste qu’il peut compenser le déclin naturel qu’on observe chez tout hockeyeur avec l’âge, soulignent les auteurs.

Le rôle de capitaine dans la LNH est loin d’être une simple formalité. C’est lui qui fait le pont entre les joueurs et la direction, qui organise certaines réunions d’équipe, qui parlemente avec les arbitres, qui s’adresse aux médias. L’effort investi dans ces tâches, c’est autant d’énergie que les Sydney Crosby et Jonathan Toews ne peuvent consacrer à compter des buts, selon un mythe répandu. Or, les résultats de cette étude laissent plutôt croire, selon les chercheurs, que le « C » garantit des privilèges, de la protection, de l’assistance, de la visibilité, bref, toutes sortes de ressources qui se transforment sur la glace en chances de marquer.

Le Canadien de Montréal s’est donc privé d’une belle occasion d’insuffler de la vigueur à une de ses vedettes en ne nommant aucun capitaine cette saison, mais plutôt quatre adjoints : Andrei Markov, Tomas Plekanec, Max Pacioretty et PK Subban. Un Markov capitaine aurait-il pu échapper au déclin qui le guette ? « Pleky » aurait-il trouvé l’étincelle qui lui manque si cruellement dans les grandes occasions ? Le titre aurait-il enfin donné de la constance à « Pacio »? Et P.K… Qui sait quels sommets il pourrait atteindre, armé d’un « C » sur le cœur ?

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Qui sait, peut-être que c’est quatre assistants verront ce « A » comme un « C » et donc, au lieu d’avoir un seul joueur dont le rendement sera dopé par l’ajout d’une lettre, le Canadien en aura quatre!