
Le match de mardi dernier entre le Canadien de Montréal et le Lightning de Tampa Bay devait servir de test à la formation de Michel Therrien. Le Lightning a pris du coffre depuis son élimination des séries par le Canadien, le printemps dernier, et pourchasse désormais le CH au sommet du classement.
Si le pointage final a été serré, les données sur le match nous révèlent une tout autre histoire. C’est Tampa Bay qui a mené la charge, alors que la défensive montréalaise a été débordée, et Carey Price a dû (encore une fois) voler le match.
On voit apparaître, depuis quelques années, des statistiques qui visent à dresser un portrait plus juste du travail des équipes au cours d’un match. La recension des entrées et sorties de zone est particulièrement utile, surtout lorsqu’on y ajoute le nombre de fois qu’une équipe y arrive en contrôlant le disque (en patinant ou en faisant une passe) et les fois où elle l’a tout simplement rejeté au loin.
J’ai consigné ces mouvements de rondelle — ainsi que les chances de marquer — lors du match Canadien-Lightning, et les résultats font état de la supériorité du Lightning.
À forces égales, le Lightning a réussi à s’établir 69 fois en zone du Canadien, alors que le Canadien a fait de même à 46 reprises. Tampa a surtout dominé (43-26) au chapitre des entrées de zone en possession de la rondelle.

Ce n’est pas un mince détail. Eric Tulsky, aujourd’hui employé par les Hurricanes de la Caroline, a démontré la supériorité des entrées de zone en possession de rondelle. En moyenne, une équipe obtient deux fois plus de tirs vers le filet lorsqu’il accède à la zone adverse en contrôlant la rondelle. Par son style de jeu, Tampa Bay s’est donc assurer d’avoir plus de chances de marquer que le Canadien.
Avant d’arriver à la ligne bleue de l’adversaire, il faut bien sûr sortir de sa propre zone. Et là aussi, l’équipe qui transporte la rondelle est avantagée par rapport à l’équipe qui la rejette plus loin. On parle ici d’un effet domino, sur lequel toutes les bonnes équipes fondent leurs succès : les équipes qui quittent la zone défensive en possession de la rondelle peuvent prendre de la vitesse en zone neutre, ce qui augmente leurs chances de pénétrer en zone adverse avec la rondelle, et augmente ensuite leurs chances de marquer.
On comprend donc que la manière d’amener la rondelle en zone neutre a un effet important sur la production offensive d’un club.
Lors du match de mardi soir, Tampa Bay a quitté la zone défensive en contrôlant le disque à 55 reprises, alors que le Canadien l’a fait 51 fois. Mais le Lightning a dégagé seulement 24 rondelles, alors que le Canadien l’a fait à pas moins de 42 reprises !

De manière récurrente, on a vu le Canadien dégager la rondelle en zone neutre, d’où le Lightning la récupérait et passait immédiatement à l’attaque. Lorsqu’une équipe est prise dans un tel cercle vicieux, les présences s’allongent, les erreurs s’accumulent et les pénalités surviennent. Ainsi, le Lightning a obtenu cinq avantages numériques contre un seul pour le CH, et dominé 23-8 au chapitre des chances de marquer.
Et l’on serait bien mal avisé de chercher une explication pour le pointage tout de même serré en regardant du côté de la «qualité» des chances accordées. M’inspirant de travaux fort intéressants sur l’origine des buts dans la LNH, j’ai classé les chances de marquer des deux clubs en trois catégories : vertes (de qualité supérieure), jaunes (de qualité moyenne) et rouges (de qualité inférieure). Les chances «vertes» sont essentiellement des tirs sur réception — des tirs obtenus sur des rebonds ou par un joueur ayant pu, avant de décocher, se déplacer librement dans l’enclave.
Le tableau ci-dessous démontre à quel point la grande perméabilité de la défensive du Canadien a fait en sorte que Carey Price a dû accumuler les miracles tout au long de la partie pour empêcher le Lightning de marquer. Une série disputée à ce rythme n’aurait guère de chance de tourner en faveur du Canadien.

Un dernier élément mérite d’être souligné. L’absence de contrôle de la rondelle en zone neutre est à l’origine d’un grand nombre de chances de marquer contre le Canadien. Mais elle laisse aussi poindre une menace bien plus importante : plus l’adversaire prend de la vitesse en zone neutre, plus il pourra foncer au filet, ce qui augmente d’autant le risque de voir Carey Price subir, encore une fois, une blessure grave en séries éliminatoires.
C’est probablement l’aspect le plus grave des déficiences exposées par le Lightning : non content de s’appuyer exagérément sur son gardien, le Canadien le rend, par son incapacité à contrôler le jeu, plus vulnérable aux blessures.
Merci Olivier pour cette analyse. Il faudrait attirer les bonzes du Canadiens sur ton blogue… Difficile pour moi de comprendre pourquoi MT est si borné à conserver un « système » de jeu carrément mauvais quand on regarde le potentiel des joueurs à sa disposition: l’équipe n’est pas à ce point poche! Ça « dump and chase » sur l’attaque massive bordel! J’étais sur place mardi dernier contre Tampa et, à part la performance de Price (personnellement ça me stresse plus qu’autre chose quand un gardien doit multiplier les arrêts surhumains), c’était vraiment pénible à regarder.