Les statistiques favorisent (nettement) le Canadien

Les arbitres rangent leurs sifflets en séries éliminatoires, ce qui donne encore plus d’importance au jeu à cinq contre cinq. Or, dans cette facette du jeu, le CH a l’avantage.

(La Presse canadienne/Graham Hughes)

Le Canadien se trouve en position enviable pour le début des séries éliminatoires. L’équipe est en santé, Carey Price, au sommet de sa forme, et le nouvel entraîneur a donné au club un nouvel élan. Quant aux Rangers, son adversaire au premier tour, ils ont connu une excellente campagne, mais régressent fortement depuis les 25 derniers matchs.

Les gardiens respectifs, Carey Price et Henrik Lundqvist, sont bien sûr parmi les meilleurs gardiens de la ligue. Mais Price est appuyé par une équipe supérieure. L’affirmation peut surprendre; après tout, les deux formations ont accumulé un nombre quasi identique de points.

Les Rangers ont marqué beaucoup de buts cette saison (253) et en ont accordé 216, pour un différentiel global de +36. Le Canadien compte quant à lui 223 buts marqués et 198 accordés, une différence de +26.

Sauf que les arbitres rangent leurs sifflets en séries éliminatoires, ce qui donne encore plus d’importance au jeu à cinq contre cinq. Et dans cette facette du jeu, le CH a nettement l’avantage sur son adversaire.

Le détail des buts marqués par les deux équipes l’illustre. À cinq contre cinq, le Canadien (+25) double quasiment les Rangers (+14), ces derniers ayant fait leur pain et leur beurre dans d’autres situations, notamment en fin de match lorsqu’un des deux gardiens était au banc.

Mais les différentiels de buts sur une saison peuvent induire en erreur. Les équipes changent au fil de la campagne: mouvements de personnel, redistribution des responsabilités… Les équipes se consolident habituellement dans le dernier quart de la saison, notamment grâce à la date limite des échanges et à la course aux séries.

De plus, le faible nombre de buts marqués au cours d’une saison rend ces différentiels potentiellement trompeurs, alors que les séquences de chance ou de malchance (on n’aime pas l’admettre, mais elles existent!) peuvent affecter dramatiquement le sort d’une équipe.

Pour faire le tri dans les variations inhérentes au hockey, les statisticiens ont créé des indices permettant de mieux décoder ce qui, dans les performances passées d’un club, nous informe vraiment sur sa capacité future de briller. Parmi ces indices, les modèles de «buts prévus» (ma traduction personnelle du terme anglais «expected goals» — je suis ouvert aux suggestions!) sont actuellement, selon moi, les plus utiles.

Ces modèles attribuent, à la suite d’une série de calculs, une probabilité «normale» qu’un tir donné soit converti en but. Une série de facteurs influencent ces probabilités, dont l’angle et la distance du tir, le moment du match et le temps écoulé depuis le dernier tir. En pondérant l’importance de chaque tir en fonction de son impact normal à l’échelle de la ligue, on peut attribuer à chaque équipe un nombre de buts «prévus».

Ces buts attendus nous donnent une indication plus précise (quoique encore bien imparfaite) des performances à venir d’une équipe en ciblant sa capacité, dans une situation donnée, d’obtenir des chances de marquer et d’en enlever à ses adversaires.

Le graphique ci-dessous utilise les calculs de buts prévus publiés sur le site corsica.hockey pour tracer, au fil de la saison, la part de buts prévus obtenus. J’ai coloré de manière distincte les 25 derniers matchs, un détail doublement important pour le Canadien: en plus de refléter la consolidation finale du club, cette période recoupe presque entièrement l’arrivée de Claude Julien à la tête du club (il a dirigé l’équipe pendant 24 matchs).

Ce graphique montre à quel point le Canadien, après avoir connu une séquence remarquable avant les Fêtes, s’est complètement enlisé jusqu’au congédiement de Michel Therrien. Plus significatif encore: à son plus bas, le CH jouait à un niveau similaire à celui atteint par les Rangers lors d’une de leurs bonnes séquences de la saison. Après une période d’adaptation au nouvel entraîneur, le Canadien a repris son envol, tandis que les Blueshirts ont piqué du nez.

À cinq contre cinq, la Sainte-Flanelle a donc l’avantage. Mais un duel Canadiens-Rangers, c’est aussi un duel Price-Lundqvist.

Encore ici, les buts prévus nous aident à y voir plus clair. Lorsqu’on fait la différence entre les buts accordés «prévus» et les buts réellement accordés par ces deux gardiens, on constate que, depuis quatre ans, ils font partie de l’élite de la LNH. Price a «sauvé» 77 buts (premier) et Lundqvist, 60 (quatrième).

Plus précisément, depuis quatre ans, Price et Lundqvist sont presque égaux à cinq contre cinq. Par heure jouée, Price sauve 0,5 but à son équipe et Lundqvist, 0,4. À quatre contre cinq, ces deux joueurs sont franchement moins efficaces. Price ne sauve que 0,2 but par heure (ce qui le place au 15e rang de la ligue), alors que le bilan de Lundqvist est carrément déficitaire: il «perd» 0,7 but par heure!

Pour la seule saison 2016-2017, les deux gardiens sont égaux à eux-mêmes à cinq contre cinq, mais à quatre contre cinq, il y a lieu de se demander si l’arrivée de Claude Julien (qui a modifié de fond en comble l’approche du club dans cette situation) n’a pas eu un effet majeur sur Carey Price. Celui-ci est devenu carrément dominant à court d’un homme, alors que Lundqvist est demeuré, au mieux, ordinaire.

Si le Canadien a intérêt à éviter le banc des pénalités, il peut tout de même compter sur Price pour ramasser les pots cassés en cas de besoin. Pour les Rangers, c’est plus problématique. La faiblesse de Lundqvist à quatre contre cinq s’ajoute au fait que leur unité de désavantage numérique est franchement plus inefficace que celle du Canadien, à qui elle cède plus d’un but par heure jouée depuis 25 matchs.

Les Rangers, donc, sont dans une position précaire: ils ont une bonne attaque, notamment grâce à la présence de joueurs offensifs dans leurs quatre trios, et Lundqvist demeure un gardien d’élite à cinq contre cinq. Mais ils sont désavantagés à forces égales et n’ont guère de marge de manœuvre pour se reprendre sur les unités spéciales, où leur gardien voit son étoile pâlir.

On ne verra pas le Canadien dominer comme il l’a fait à d’autres époques. La parité qui prévaut actuellement dans la LNH l’en empêche. Et les championnats se gagnent sur la glace, pas dans des simulations statistiques. Mais selon les chiffres, Montréal est quand même franchement favori.

 

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La théorie, c’est quand on comprend, même si ça marche pas. La pratique, c’est quand ça marche , même si on comprend pas. La réalité est la fusion des deux: Ça marche pas et on comprends pas pourquoi!

Alain 17 avril 2017, 9 h 20 min:

Et voilà…New-York en 6!

C’est sur la glace que ça se joue et non ailleurs. Ça marche et on comprend!!!

Bonjour M. Bouchard,
Merci pour vos analyses toujours pertinentes!

Quant à votre traduction de «buts prévus», je vous propose humblement de la remplacer par «buts espérés». D’emblée, c’est une traduction étrange, mais c’est beaucoup plus proche de l’utilisation qui est faite en anglais d’«expected». En effet, dans le contexte, «expected» renvoie au concept mathématique d’«expected value», l’espérance mathématique d’une variable, ou, en gros, sa moyenne pondérée. De la même façon, les économistes ont traduit «expected utility» par «utilité espérée».

En espérant (!) ma petite contribution pertinente, merci encore pour votre bon travail!

Pour le terme anglais «expected goals», la traduction de « Expected » est attendu. Alors le terme « but attendu » ou « but souhaité » serait aussi bien.
Le proposition de M. Nicolas est très bien aussi.
L,un dans l’autre on prévoie, on attend, on souhaite et on espère beaucoup de but et les victoires qui vont avec !!