Que mijote Marc Bergevin ?

En échangeant Travis Moen et Rene Bourque, le DG du Canadien a exploité trois particularités de l’économie du hockey.

Photo: Graham Hughes/La Presse Canadienne
Photo: Graham Hughes/La Presse Canadienne

Blogue_hockeyMarc Bergevin a, depuis le début de l’été, remanié la défensive du Canadien de fond en comble.

À l’issue du camp d’entraînement, deux recrues se disputaient le dernier poste, Jared Tinordi et Nathan Beaulieu. Aujourd’hui, ces deux défenseurs sont à Hamilton, remplacés par deux vétérans, Sergei Gonchar et Bryan Allen, acquis dans les échanges de Travis Moen et Rene Bourque. Que se passe-t-il ?

On doit comprendre qu’il y a le jeu sur la glace, mais aussi celui qui se joue dans les bureaux.

La partie qui se joue à ce deuxième niveau est devenue beaucoup plus subtile depuis l’instauration d’un plafond salarial en 2005. Le directeur général d’un club ne peut plus piger allègrement dans les poches du propriétaire pour corriger ses erreurs. C’est dans cette optique qu’il faut analyser les dernières transactions de Marc Bergevin.

Lorsqu’on regarde l’utilisation faite de l’espace disponible sous le plafond au cours des quatre dernières saisons, on remarque que le Canadien a utilisé 91 % de l’espace disponible, un score identique aux Rangers de New York et tout juste derrière les Penguins de Pittsburgh, les Flyers de Philadelphie et les Canucks de Vancouver.

Bref, le Canadien aime dépenser, et il a besoin de tout l’espace qu’il arrive à dégager sous le plafond salarial. Pour en obtenir, le DG du Canadien a exploité trois particularités de l’économie du hockey :

(1) Si la plupart des équipes s’approchent chaque saison du plafond, les clubs les plus pauvres doivent composer avec une enveloppe budgétaire bien en deçà du maximum imposé par la convention collective.

(2) Le salaire d’un joueur comptabilisé sous le plafond n’est pas nécessairement celui qu’on lui verse.

(3) Le plafond salarial s’applique au salaire à verser, pas au montant total du contrat.

Pas toutes les équipes atteignent le plafond salarial

On l’a répété à l’envi : Rene Bourque et Travis Moen n’avaient plus leur place dans la formation, remplacés par Prust, Bournival, Sekac et Weise. Pire encore, l’un comme l’autre était sous contrat l’an prochain, occupant au total plus de 5 millions de dollars sous le plafond salarial (3,3 millions de dollars pour Bourque, 1,85 million de dollars pour Moen).

Ultime épine au flanc du DG : le dollar canadien perd des plumes, ce qui risque d’avoir un effet réel sur les revenus de la ligue (les sept équipes canadiennes seraient plus profitables que les 23 équipes américaines !). Il est fort probable que le plafond salarial n’augmente pas, ce qui, vu les contrats déjà signés, ne laissait l’an prochain que 10 millions de dollars pour mettre sous contrat les quatre jeunes joueurs les plus prometteurs du club : Tinordi et Beaulieu, ainsi que les attaquants Brendan Gallagher et Alex Galchenyuk. Vu l’éclosion offensive de ce dernier, Bergevin avait grand besoin de marge de manœuvre.

Bergevin s’est donc tourné vers deux formations moins en moyens pour les soulager financièrement en échange des contrats de Bourque et de Moen. Car si l’on a beaucoup glosé sur le rôle confié à Allen ou Gonchar, on souligne moins souvent à quel point le DG du CH a considérablement augmenté les obligations salariales de son équipe.

Moen et Bourque, réunis, récolteront cette saison 4,3 millions de dollars et la même somme l’an prochain. Les joueurs obtenus en retour, Allen et Gonchar, recevront quant à eux 8,1 millions $ cette année, mais seront libres comme l’air à la fin de la saison. Bergevin s’est donc acheté un peu plus de 5 millions de dollars d’espace sous le plafond salarial l’an prochain pour la modique somme de 3,8 millions de dollars.

Le salaire comptabilisé n’est pas le salaire versé

Comment Bergevin a-t-il réussi à trouver preneurs pour deux joueurs qui ne figuraient plus dans les plans du CH ? Pour les Stars, l’acquisition de Moen permet d’économiser 1 million $ au cours des deux prochaines années. Quant à Bourque, s’il retrouve sa forme, il pourrait s’avérer une aubaine pour les Ducks. Oui, oui, une aubaine.

Le point est subtil, mais important : le salaire comptabilisé sous le plafond est calculé comme suit : le montant total à être payé pendant le contrat, divisé par le nombre de saisons couvertes par le contrat. Mais le montant payé pendant une saison donnée peut varier. Ainsi, le contrat de Rene Bourque occupait 3,3 millions de dollars par année sous le plafond salarial, mais dans les faits, son salaire lui est versé comme suit :

Saison Salaire
2010-2011 4 000 000 $
2011-2012 4 000 000 $
2012-2013 3 000 000 $
2013-2014 4 000 000 $
2014-2015 2 500 000 $
2015-2016 2 500 000 $
Total 20 000 000 $
Moyenne annuelle 3 333 333 $

Un contrat comme celui de Bourque est particulièrement couteux pour un club dépensier comme le Canadien de Montréal. La différence entre le salaire réel et le salaire moyen de Bourque signifie que pour les deux dernières saisons du contrat, Marc Bergevin devait absorber un peu plus de 800 000 de dollars d’espace « mort » sous le plafond salarial. (Bourque coûte 2,5 millions de dollars à Geoff Molson, mais il prive Bergevin de 3,3 millions de dollars en espace salarial.)

Pour un club comme les Ducks d’Anaheim, qui ne dépensent que rarement au plafond, c’est au contraire le montant du salaire qui importe. Et à 2,5 millions de dollars par saison, Rene Bourque a historiquement su contribuer dans plusieurs facettes du jeu et peut être un joueur de soutien utile. Il gagne, après tout, le même salaire que Brandon Prust.

Reste que le prix payé par Marc Bergevin pour se débarrasser de deux contrats encombrants l’an prochain peut sembler élevé — plus de 8 millions de dollars pour deux vétérans qui se trouvent à repousser deux jeunes prometteurs dans les mineures et un joueur embauché cet été (Tom Gilbert) vers la galerie de la presse.

Bergevin s’est-il, au nom d’une plus grande marge de manœuvre l’an prochain, lié les mains pour la présente saison ? Pas tout à fait. La valeur de Gonchar et Allen sur le marché des échanges ne fait qu’augmenter et l’on peut très bien les imaginer évoluer dans un autre uniforme d’ici la fin de la saison. De là notre troisième point.

Il y a le salaire annuel, il y a le salaire à verser

Le salaire d’un joueur est comptabilisé sur une base quotidienne. Prenons l’exemple de Sergei Gonchar, qui gagne 4,6 millions de dollars cette année : il y a environ 190 jours dans une saison de la LNH, on le paye donc à peu près 24 000 de dollars par jour (!). Ajoutez à cela les 18 000 dollars par jour versés à Allen, et vous comprendrez que les défenseurs acquis par Marc Bergevin coûtent très cher au tricolore.

Mais plus la saison avance, plus le salaire à verser s’amenuise. Conséquemment, la liste des équipes capables de s’offrir leurs services s’allonge au fur et à mesure que les séries approchent. À la date limite des échanges, le salaire à verser de Gonchar ne sera plus que de 700 000 dollars et celui d’Allen un peu moins de 600 000 dollars. À ces prix-là, les deux vétérans acquis ces dernières semaines, sans contrats au-delà de la prochaine saison, seront fort probablement très convoités à la date limite des échanges.

Les commentaires sont fermés.

Bonjour,M.Bergevin est en reflexion sur deux joueurs Brandon Prust et David Desharnais la decision appartient a M.Bergevin mais il doit le faire le plus vite possible pour crystaliser l’equipe .
Bonne reflexion. ecris avec pointeur lazer alors pas d’accent.

Bryan Allen : 16è saison dans la LNH, 136 points en 721 matches. Soit des moyennes de 1 point tous les 5 matches et de 8,5 points par saison. à un salaire de 3.5M cette saison, ce monsieur engrange exactement 412 000$ chaque fois qu’il s’inscrit au pointage, soit plus de 10 fois le salaire ANNUEL moyen des canadiens. Quelle belle gang de cabochons on fait…! Scandaleux!