Somaliens en Suède : le hockey comme facteur d’intégration

En Suède, des immigrants somaliens ont formé une équipe qui participera aux Mondiaux. L’objectif n’est pas de glaner une médaille, mais de mieux s’intégrer à leur pays d’accueil.

Photo : D.R.
Photo : D.R.

L’histoire rappelle celle de la formation de l’équipe de bobsleigh de la Jamaïque et de sa participation aux Jeux olympiques de Calgary, en 1988 – qui a donné lieu au film Les apprentis champions (Cool Runnings).

En Suède, des immigrants somaliens ont formé une équipe qui participera aux Championnats du monde de bandy, qui se dérouleront à partir du 26 janvier à Irkoutsk, en Sibérie. Mais plus que la quête d’une médaille, c’est l’envie de mieux s’intégrer à la société suédoise qui a les guidés.

Qu’est-ce que le bandy ? L’ancêtre du hockey sur glace ! Sur un terrain de soccer gelé, deux équipes de 11 patineurs s’affrontent pendant deux périodes de 45 minutes, et cherchent à mettre une balle orange en liège – et non une rondelle – au fond d’un filet mesurant 11 pieds de large et 7 pieds de haut.

Problème : il y a six mois à peine, aucun des joueurs somaliens n’avait jamais chaussé de patins.

«C’est très difficile, mais c’est aussi très amusant. Avant, la glace pour moi, c’était juste ce qu’on mettait dans un Coca-Cola», a raconté à France 24 Ahmed Hussein Abdi, un jeune joueur de 19 ans né à Mogadiscio.

Pour relever ce défi de taille, les joueurs s’entraînent dix heures par semaine à Borlänge, une ville industrielle de 50 000 âmes située à 200 km au nord-ouest de Stockholm, et où résident plus de 2 000 réfugiés somaliens.

Ce projet est né de l’imaginaire d’un entrepreneur local, Patrik Andersson, lors d’un verre avec quelques amis. « Nous étions en train de parler des défis que rencontraient notre région depuis quelques années. Il y a beaucoup de réfugiés qui sont arrivés dans notre petit pays en peu de temps et nous ne nous sommes pas occupés de leur intégration. »

Une initiative à laquelle s’est associée une vedette du bandy, le quintuple champion du monde Per Fosshaug, qui a rapidement accepté de prendre en main l’équipe, en plus de convaincre la fédération internationale de laisser la Somalie participer au tournoi mondial.

En Suède, l’intégration des immigrés, qui représentent environ 15 % de la population, est au cœur des débats depuis que des émeutes ont éclaté dans la banlieue de Stockholm, au printemps dernier.

« On ne peut pas changer les gens. Mais, si on devient des joueurs de hockey professionnels et qu’on joue pour une équipe qu’ils aiment, peut-être qu’on pourra devenir amis », a expliqué Ahmed Hussein Abdi à la chaîne de télévision France 2 (voir reportage ci-dessous).

Le projet est en partie financé par la municipalité de Borlänge, qui voit en ces immigrants une manière de contrebalancer le vieillissement de sa population. « Il n’y aura bientôt plus assez de main d’œuvre sur le marché de l’emploi, donc c’est une bonne chose de ce point de vue », a affirmé l’élu local Jan-Olof Lundberg.

« On veut montrer aux réfugiés qui viennent chez nous qu’ils ont toute leur place ici, a pour sa part indiqué Fosshaug. Et qu’on peut construire ensemble notre communauté. On n’a pas la même langue, on a peur les uns des autres, et on ne se rencontre pas. Or, il faut le faire. Si on se rencontre, peut-être qu’on va s’aimer. »

Le baptême du feu des Somaliens s’est soldé par une lourde défaite de 15-0, mais l’essentiel est ailleurs. « Je me suis fait de nombreux amis, et j’ai pu regagner confiance en m’exprimant devant les médias. J’ai aussi réussi à avoir un travail cet été grâce à l’un des commanditaires », raconte Ahmed Hussein Abdi, qui a fui la Somalie après avoir vu son meilleur ami se faire abattre devant ses yeux, il y a cinq ans.

Quant à l’intégration des joueurs somaliens à leur communauté, le pari semble d’ores et déjà réussi. « Je pense que nous aurons au moins 500 spectateurs lors de notre prochaine rencontre amicale. Tout le monde dans la ville ne parle que de ce projet ! », a dit Fosshaug à France 24.