Passer un « entretien » d’embauche devant la caméra de votre appareil mobile ou de votre ordinateur en dialoguant avec un robot qui analyse votre gestuelle ? C’est ce qui vous attend si vous postulez pour un emploi à Unilever Canada, le fabricant de produits de consommation courante derrière des marques comme Lipton ou Dove. Tics, mimiques, posture, intonations : le moindre de vos gestes passera à la moulinette des algorithmes afin de déceler votre niveau de motivation ou votre compatibilité avec les valeurs de l’entreprise. Seuls les candidats présélectionnés par ce système d’intelligence artificielle basé sur l’apprentissage automatique seront conviés à un entretien avec de vrais humains.
Conçu par HireVue, une boîte américaine spécialisée dans les entretiens d’embauche par vidéo, ce cousin moderne du détecteur de mensonge est aussi utilisé par certains hôtels Hilton et par le géant européen des télécommunications Vodafone. De son côté, Unilever rapporte qu’il a permis de réduire de 75 % le temps consacré à l’examen des candidatures tout en limitant les partis pris subjectifs, la multinationale ayant constaté une augmentation « significative » de l’embauche de candidats non blancs en Amérique du Nord.
Ce système « à la fois excitant et épeurant » n’est pas encore utilisé au Québec, selon Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Le cas échéant, il faudrait que les recruteurs l’utilisent avec prudence et en complément d’autres outils, dit-elle.
Même dotée de capacités d’apprentissage, une intelligence artificielle fonctionne à partir des réglages dictés par des humains, souligne Martin Gibert, chercheur en éthique à l’Université de Montréal, qui doute de la neutralité absolue du processus. Ses résultats ne devraient donc pas faire l’objet d’une confiance aveugle de la part des recruteurs, croit-il.
Cet article a été publié dans le numéro de mai 2018 de L’actualité.