Imaginons qu’une petite ville québécoise désire développer un nouveau quartier. En quelques clics, un fonctionnaire fait apparaître les projections climatiques de la région sur son ordinateur. Elles lui indiquent que, au cours des 40 prochaines années, le nombre de jours par an où la température excédera 30 °C pourrait passer de 7 à 49 dans cette zone. Considérant les risques accrus de feux de forêt à cause des sécheresses attendues dans le secteur, l’emplacement prévu pour les nouvelles habitations devra peut-être être reconsidéré.
Voilà le genre de scénario que permettra l’ajout à JMap des données de Donneesclimatiques.ca, un portail accessible au grand public lancé en 2019 par Environnement Canada et chapeauté par le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM).
JMap est un logiciel de visualisation et d’intégration de données utilisé notamment par 375 des 1 108 municipalités du Québec. Elles s’en servent par exemple pour visualiser leur cadastre, leur réseau de transport en commun et les travaux à venir, le tout directement sur la carte de leur ville.

« JMap permet à un décideur non technicien de tout voir au même endroit », explique Jacques Charron, PDG de K2 Geospatial, l’entreprise montréalaise à l’origine de ce logiciel utilisé partout dans le monde. JMap peut éviter à une ville de refaire l’asphalte d’une route lorsque d’importants travaux d’aqueduc sont prévus l’année suivante sur la même chaussée, par exemple. Les changements climatiques constituent désormais une couche d’informations supplémentaire sur cette carte pour les aider dans leurs prises de décisions.
« Ces données sont déjà accessibles sur Donneesclimatiques.ca, mais on trouvait intéressant de les offrir directement dans JMap », précise le PDG, en marge du dévoilement de la nouvelle fonctionnalité. Si les décideurs ont les projections climatiques pour leur ville à portée de la main, peut-être auront-ils plus le réflexe de les consulter.

On trouve dans ces données climatiques des prévisions sur les jours de précipitations, les températures maximales et les jours de gel, et ce, jusqu’en 2100. Les données proviennent de regroupements d’experts mondiaux et ont été analysées et adaptées pour le Canada par des organismes comme le pôle d’innovation sur la climatologie régionale Ouranos. Les projections climatiques sont indiquées selon trois scénarios, du plus optimiste au plus pessimiste.
Alors qu’on aborde souvent les changements climatiques à l’échelle mondiale (hausse des températures moyennes, niveau des océans), les prévisions de Donneesclimatiques.ca sont beaucoup plus précises, puisqu’on peut les afficher pour une ville ou une zone aussi petite que 10 km2, ce qui les rend particulièrement intéressantes pour le monde municipal. « Ce sont des données climatiques avec une haute résolution », observe Tom Landry, conseiller principal au partenariat et au développement des affaires au CRIM.
Pour Tom Landry, il est toutefois important de comprendre que les données climatiques ne fourniront pas toutes les réponses aux décideurs municipaux. « Ce sont des mesures simples. C’est bon pour la prise de conscience, et ça incite à fouiller davantage, mais il faut des outils spécialisés et des calculs supplémentaires pour faire une véritable étude d’impact », note-t-il. Une hausse annuelle du nombre de jours de pluie ne veut pas forcément dire qu’une zone sera plus propice aux inondations, par exemple. Seule une étude hydrologique pourra le déterminer.
Les décideurs pourront aussi utiliser les projections climatiques d’une façon plus simple encore : comme outil de persuasion. « Pour les élus, ça pourrait aussi être un moyen de faire embarquer les citoyens dans des projets comme l’électrification des véhicules ou la mise en place d’espaces verts. Les données climatiques locales peuvent être un argument pour les décideurs qui veulent apporter leur contribution à la lutte contre les changements climatiques », estime le PDG de K2 Geospatial. Ces données constituent un outil important pour s’adapter aux changements climatiques, mais si la volonté y est, elles peuvent aussi être utilisées pour s’y attaquer.