Coronavirus : porte d’entrée pour les technologies du télétravail

Les gouvernements et les institutions de santé sont-ils prêts à affronter la COVID-19 ? Chose certaine, les fournisseurs de solutions de télétravail, eux, le sont.

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« Si vous pouvez travailler de la maison, vous devriez le faire. Maintenant. », alertait le professeur d’épidémiologie à l’université Harvard William Hanage, dans une lettre ouverte publiée dans le Washington Post. L’appel, qui a notamment été repris jeudi par le premier ministre François Legault, a été entendu. De la Banque Nationale à Google, en passant par Desjardins, de plus en plus d’organisations invitent leurs employés à travailler de leur domicile.

« Le nombre de visiteurs qui consultent notre guide pour le télétravail croît d’une façon exponentielle. Beaucoup d’entreprises font la transition cette semaine », observe le PDG de la plateforme de développement en ligne GitLab Sid Sijbrandij, en réponse à une question de L’actualité. À moins d’un revirement de situation, l’épidémie de coronavirus qui sévit depuis le début de l’année pourrait forcer des millions d’employés dans le monde à demeurer à la maison au cours des prochaines semaines et des prochains mois, que ce soit pour se mettre en quarantaine ou pour prévenir la transmission de la maladie.

Ceux qui n’en ont pas l’habitude risquent de découvrir un domaine en véritable ébullition, en partie grâce à une série d’outils qui permettent désormais d’accomplir des tâches de partout, sur l’appareil de son choix. Les messageries professionnelles modernes, comme Slack et Teams, permettent par exemple de rester continuellement en contact avec ses collègues, peu importe que l’on soit sur un téléphone, un ordinateur ou sur le Web. « C’est important, puisque voir que les autres sont là donne l’impression qu’on ne travaille pas seuls », explique Ghislain Parent, conseiller chez Edgenda, une firme de services-conseils en transformation numérique.

Les travailleurs peuvent aussi utiliser des logiciels pour effectuer des réunions en ligne, des outils de gestion de projets dans le nuage et des zones de travail pour collaborer en temps réel sur des documents, pour ne nommer que ceux-là.

Pour l’instant, en Amérique du Nord, ce sont surtout des entreprises déjà équipées pour le télétravail qui invitent leurs employés à rester à la maison. Si la COVID-19 venait à gagner en importance, certaines PME qui sont moins habituées au phénomène pourraient toutefois avoir à s’équiper à leur tour et développer des façons de faire rapidement.

« Elles vont devoir mettre en place la gouvernance et la sécurité nécessaire pour permettre aux gens de travailler d’une façon sécuritaire, connectée et collective », précise Ghislain Parent. Heureusement, plusieurs des outils numériques, comme Office 365, Zoho ou G Suite de Google, permettent de le faire, et sont peut-être même déjà utilisés par ces entreprises.

Les fournisseurs adaptent leurs produits pour le coronavirus

Autre point intéressant pour les organisations qui se tourneront pour la première fois vers le télétravail pour faire face à la pandémie de coronavirus : plusieurs fournisseurs de services se sont adaptés à la crise et offrent désormais leurs produits gratuitement ou avec des fonctions supplémentaires.

Google a par exemple annoncé au début du mois de mars que certaines fonctionnalités réservées aux grandes entreprises seront maintenant offertes aux écoles et à tous les clients payants de la suite G Suite, comme la possibilité d’avoir jusqu’à 250 travailleurs par appel, de diffuser les rencontres à 100 000 personnes et d’enregistrer les réunions.

Zoho pousse la chose encore plus loin, en offrant gratuitement pendant la crise tous ses outils pouvant servir au télétravail dans un nouveau service, Remotely. Détail intéressant, même si les logiciels de Remotely existaient déjà, le forfait les rassemblant tous n’existait pas il y a une semaine seulement.

« La compagnie a invité ses 8000 employés à travailler de la maison à cause du virus. Nous avons vu de quels outils nous avions besoin, et nous avons décidé de permettre aux autres de s’en servir facilement également », note Chandrashekar LSP, directeur national de Zoho Canada.

Microsoft a aussi revu sa stratégie entourant le télétravail à cause de la crise de la COVID-19. L’entreprise a en effet mis en place un nouveau forfait gratuit de sa messagerie Teams. Ce forfait, qui était auparavant réservé aux utilisateurs institutionnels chinois, sera désormais accessible partout dans le monde. Certaines restrictions ont aussi été levées pour la durée de l’épidémie.

Le télétravail, gagnant à long terme

Les entreprises qui expérimenteront pour la première fois ces outils risquent-elles de continuer à s’en servir par la suite ? C’est ce que croit Ghislain Parent. « Ces technologies vont leur faire découvrir des avantages qui répondent à des besoins qu’elles ne savaient même pas qu’elles avaient », note-t-il.

Zoho souhaite d’ailleurs que ce soit ce qui se passera avec ceux qui essaieront son nouveau forfait. « Absolument. On espère que les clients vont s’y habituer et qu’ils vont découvrir que cela leur permet d’être plus productifs », reconnaît Chandrashekar LSP.

En entrevue avec BuzzFeed, la directrice des ressources humaines de Twitter affirmait récemment : « Nous ne serons probablement jamais plus les mêmes […]. Les gestionnaires qui ne pensaient pas pouvoir contrôler leurs équipes vont changer leur opinion. Je ne pense pas que nous allons revenir en arrière ».

Wall Street semble aussi de cet avis. Depuis le début de l’année, l’action de Slack est par exemple passée de 23,02 $ US à 25,03 $ US, et celle de Zoom Video Communications, un service de vidéoconférence, est passée de 68,72 $ US à 108,49 $ US. Tout ceci pendant l’effondrement des marchés.

Si la tendance risque de gonfler les coffres des fournisseurs de solutions de télétravail, celle-ci pourrait aussi bénéficier aux entreprises, puisque ces outils pourront contribuer à leur transformation numérique, même lorsque tout le monde sera revenu à son poste. Des outils de communication et de collaboration efficaces demeurent après tout utiles, peu importe si les employés sont à la maison ou à leur bureau.

Ce ne sera pas de refus. Une étude réalisée en 2018 par la Banque de développement du Canada indiquait que seulement 19 % des PME canadiennes avaient « résolument intégré la culture numérique dans leurs activités », et que celles-ci étaient en « retard technologique ». La pandémie de coronavirus est peut-être l’étincelle qui manquait pour faire avancer ceux qui traînent encore de l’arrière.

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