Qu’est-ce qu’une monnaie numérique de banque centrale ?
Une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) est une version numérique de l’argent comptant. Ses caractéristiques (par rapport à l’anonymat et la traçabilité, par exemple) varient d’une devise à l’autre, mais dans l’ensemble, les MNBC sont émises par des banques centrales et leur valeur est fixée à celle de la devise du pays.
Ces monnaies numériques permettent notamment de simplifier les transactions en ligne et transfrontalières, en plus de s’assurer que même les personnes en marge de la société aient accès à l’économie numérique.
Est-ce que des pays ont adopté de telles monnaies ?
Une récente enquête de la Banque des règlements internationaux auprès de 66 banques centrales indique qu’environ 80 % d’entre elles mènent des travaux sur ce type de monnaie, et que 10 % vont probablement en émettre une d’ici trois ans.
Aucun pays ne l’a fait à ce jour, mais certains pays sont tout de même plus avancés que d’autres. C’est notamment le cas de la Suède, qui a lancé un projet pilote de couronne numérique (e-krona) le mois dernier. Notons que selon une étude publiée en 2017, la Suède serait d’ailleurs en voie de devenir dès 2023 la première société sans argent comptant.
Le projet durera au moins une année, et permettra le développement de prototypes dans des environnements simulés. La couronne suédoise numérique devra être sécuritaire, elle pourra être enregistrée dans un portefeuille numérique, être compatible avec les appareils mobiles et les objets portatifs connectés (comme les montres intelligentes) et assurer des paiements instantanés.
Le Canada compte-t-il instaurer une telle monnaie ?
Pas pour l’instant. Dans une allocution prononcée au RDV FINTECH 2020 à Montréal, le sous-gouverneur de la Banque du Canada Timothy Lane a affirmé qu’il n’y avait « pas d’argument convaincant en faveur de l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale à l’heure actuelle ».
Le Canada devra toutefois néanmoins moderniser son système monétaire actuel, grâce à une mise à jour de son système de paiement et à une amélioration des paiements transfrontaliers. Tant au Canada qu’à l’échelle internationale, un cadre réglementaire devra aussi être établi pour encadrer les cryptomonnaies stables et les monnaies numériques privées.
Les cryptomonnaies stables sont des monnaies numériques conçues pour préserver une valeur stable par rapport à une monnaie ou à une matière première, et qui ne fluctuent donc pas comme le bitcoin, par exemple. Le meilleur exemple de cette monnaie est la Libra, une monnaie dévoilée l’année dernière par Facebook, et dont le lancement est prévu en 2020.
Quels facteurs pourraient inciter le Canada à changer d’idée ?
Même si la Banque du Canada ne lancera pas de MNBC pour l’instant, certains scénarios pourraient l’inciter à envisager cette solution.
C’est notamment le cas « si on ne pouvait plus utiliser d’argent comptant dans une gamme assez large de transactions », un cas qui rappelle la situation à venir en Suède et qui pourrait notamment nuire aux personnes en marge de la société ou sans services bancaires adéquats.
La Banque pourrait aussi émettre une MNBC si l’utilisation des monnaies numériques privées se généralisait. L’adoption en masse d’une monnaie comme la Libra pourrait en effet nuire à la politique monétaire du Canada pour contrôler l’inflation, par exemple.
« Dans ces deux scénarios, on pourrait faire valoir que la Banque du Canada devrait intervenir. En tant qu’institution publique de confiance, la Banque créerait une monnaie numérique officielle en faisant de l’intérêt du public sa priorité numéro un, sans motivation commerciale », note le sous-gouverneur.
Que fait la Banque du Canada en attendant ?
La création d’une monnaie virtuelle est un processus complexe, qui pourrait demander beaucoup de temps. La Banque du Canada a donc décidé « de poursuivre une stratégie de prévoyance en vue d’atteindre un état de préparation suffisante sur le plan des politiques et des opérations pour pouvoir lancer une MNBC dans des délais relativement courts, si une décision en ce sens était prise ».
D’importants travaux seront mis en place pour assurer cette stratégie. La Banque devra notamment établir comment la MNBC s’intègrerait aux autres modes de paiement tout en étant résiliente, quel modèle de gestion conviendrait (mise au point à l’interne ou avec le secteur privé), comment la MNBC serait utilisée dans les paiements transfrontaliers et comment minimiser les activités illicites, comme le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Elle devra aussi mettre en place une communication ouverte avec le public et le secteur privé, et approfondir la recherche technique.
Même si son utilisation est en baisse, l’argent comptant est encore en assez bonne santé au Canada, surtout par rapport à la Chine et aux pays scandinaves. Même si certaines entreprises la refusent (on peut penser à Uber, par exemple), cette pratique est encore marginale, observait l’année dernière l’organisme Option consommateurs dans son étude Argent comptant : vers une mort annoncée ?
Comme le rappelle Option consommateurs, ces quelques cas anecdotiques indiquent toutefois « que la tendance vers l’abandon du numéraire dans le commerce de détail est amorcée aussi au Canada ».
Prendre de l’avance dans la mise en place d’une MNBC est donc une bonne chose. Car la question n’est probablement pas de savoir si une monnaie numérique sera un jour nécessaire au Canada, mais plutôt de savoir quand elle le sera.
La monnaie MNBC pourrait réduire l’utilisation du crédit. En effet s’il existait une carte MNBC qui ne charge aucun frais de transaction ce serait plus intéressant qu’une carte banquaire qui charge des frais à la transaction ou qu’une carte de crédit qui charge des intérêts.